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Idées

Glissements progressifs vers l’ingérence

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.05.2011 | Rose-Marie Van Lerberghe

Avec l’annonce de la prime de 1 000 euros pour les salariés des entreprises versant des dividendes à leurs actionnaires, le gouvernement – de droite, faut-il le rappeler ? – a franchi un niveau jamais atteint d’interventionnisme dans la vie des entreprises.

LES OBLIGATIONS DE NÉGOCIER SOUS PEINE DE PÉNALITÉS

Cette nouvelle idée est de la même inspiration que les dispositifs largement utilisés ces derniers temps d’obligation de négocier ou, à défaut, d’adopter des plans d’action dans des domaines précis assortis de pénalités financières conséquentes. Après l’obligation de négocier sur l’emploi des seniors, les entreprises sont sommées de négocier sur l’égalité hommes-femmes et sur la pénibilité, sous peine de verser 1 % de leur masse salariale. Certes, l’obligation annuelle de négocier sur les salaires est plus ancienne, mais ce qui est nouveau, c’est l’ampleur des sanctions financières et le caractère précis des objets de négociation quelle que soit la situation objective des entreprises.

LE PRÉCÉDENT DES DIVERSES « PRIMES »

Certes, il y a eu aussi des précédents en 2006 et en 2008, mais, à chaque fois, c’était l’ouverture d’une simple possibilité assortie d’exonération de charges sociales. Cette fois, il semble qu’il s’agirait de conditionner le versement de dividendes à l’octroi de cette prime dans l’ensemble des entreprises, petites ou grandes. Les réactions ne se sont pas fait attendre, le patronat récusant fermement cette ingérence dans la marche interne de l’entreprise et les syndicats soulignant le caractère inégalitaire de cette mesure puisque l’ensemble des salariés ne travaille pas, loin s’en faut, dans des entreprises amenées à verser des dividendes. L’annonce tonitruante sera donc sans doute amendée. N’empêche, cela en dit long sur la conception que l’on a en France du fonctionnement des entreprises et du rôle des actionnaires.

DES DIVIDENDES CONSIDÉRÉS COMME UNE ANOMALIE

Au lieu de considérer que le versement des dividendes est la rémunération normale du capital comme les salaires le sont pour le travail, cette annonce revient à le considérer comme superfétatoire. Les actionnaires seraient donc priés de placer leur argent à fonds perdus ? On voit bien que la crise financière et les abus de la spéculation sont passés par là, mais il convient de rappeler que les profits jugés scandaleux des fonds d’investissement proviennent rarement des dividendes mais plutôt de la plus-value parfois considérable obtenue à la revente des sociétés. Les financiers ont l’habitude de distinguer les valeurs de croissance, où le profit est attendu de la valorisation de l’action, et les valeurs de rendement, où la rémunération du capital investi provient principalement des dividendes versés. Dans le schéma envisagé, les salariés des entreprises détenues par des fonds d’investissement ou considérées comme « des valeurs de croissance » seraient donc exclus de cette sympathique mais naïve volonté de partager les profits.

Auteur

  • Rose-Marie Van Lerberghe