logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Idées

Faut-il réformer la participation ?

Idées | Débat | publié le : 01.05.2011 |

Afin de mieux partager les bénéfices des entreprises, Nicolas Sarkozy a opté pour le versement d’une prime exceptionnelle aux salariés. Mais il laisse en plan le chantier de la participation, dispositif devenu obscur au fil des changements de règles fiscales et de cas de déblocage.

Gilles Briens Avocat associé du cabinet Fromont, Briens

Depuis près de vingt ans, tous les gouvernements successifs ont fait de ce sujet un thème central, notamment en vue de développer ces systèmes dans les PME. Chaque fois, on pense que l’élaboration de nouvelles règles va parvenir à ce résultat. Mais les progrès sont très lents et sans rapport avec l’énergie déployée. Où est l’explication ? Pour le praticien, elle est claire. L’instabilité chronique de cette législation est l’une des causes de cet échec relatif. Il faut laisser aux entreprises le temps d’assimiler et de mettre en œuvre chaque réforme. Le cycle d’un tel système est de plusieurs années. Aussi, la prochaine réforme, s’il y en a une, devra comporter une disposition selon laquelle toute nouvelle réforme sera interdite pendant cinq ans ! Il en va des lois comme des chaussures neuves : il faut les porter un peu pour être bien dedans. Ce n’est qu’avec le temps qu’elles deviennent confortables.

Cela étant, deux thèmes paraissent aujourd’hui évidents. D’abord, le régime social de la participation. Qu’est-ce qui justifie l’exonération de cotisations sociales attachée à la participation ? Il existe deux sortes de salariés en France : ceux qui travaillent dans des entreprises de plus de 50 salariés jouissant d’un avantage fiscal suffisant et qui bénéficient annuellement d’une prime disponible sans cotisation de Sécurité sociale ; et ceux qui, au contraire, ne peuvent profiter de ce dispositif. Jusqu’à la dernière réforme, ce régime de faveur trouvait sa contrepartie dans l’indisponibilité pendant cinq ans de la réserve spéciale de participation. La nature de la réserve, cette forme particulière de dividende du travail, est-elle une raison suffisante ? Ne faut-il pas limiter l’exonération au cas où elle est affectée à un PEE ou à un Perco, ou dans le cas d’une réserve dérogatoire ?

Aujourd’hui, la participation de droit commun est en quelque sorte le smic de l’intéressement. Il serait aisé de fondre participation et intéressement afin de simplifier le Code du travail. Au passage, la gestion des entreprises en serait facilitée. Pourquoi la participation serait indisponible par principe et disponible par exception, et le contraire pour l’intéressement ? Plus un système est simple et plus il est efficace. Nous en sommes loin. Les salariés ont beaucoup de mal à s’y retrouver. La seule question à régler serait celle du cumul des plafonds individuels ou collectifs.

Hubert Clerbois Associé, EPS Partenaires

Les choses s’accélèrent : quinze jours seulement pour substituer une prime de 1 000 euros à l’augmentation de la participation en cas de versement de dividende ! À parution de cet article, une autre innovation gouvernementale aura sans doute vu le jour. Rappelons que les Sarkozettes de 2004 sont oubliées, que le « dividende du travail » de 2006 a été réformé et que la « règle des trois tiers » de 2009 a été abandonnée. Et dire qu’en France la question de la répartition du profit des entreprises entre actionnaires et salariés a déjà obtenu des réponses. Ce depuis la création de l’intéressement et de la participation en 1959 et 1967 ! Donner une prime aux salariés lorsque les dividendes distribués augmentent, l’intention est louable. Le discours est simple. Difficile d’y être opposé, surtout quand on constate la réalité du terrain où ces nouvelles revendications progressent, plus uniquement dans le monde ouvrier, mais aussi chez les jeunes, les cadres… Mais comment distinguer l’entreprise qui distribue déjà plus de 20 % de sa masse salariale en intéressement, participation, abondement, actionnariat salarié (elles existent !) de celle qui ne fait rien ? Comment justifier, dans un groupe international, que les profits, souvent réalisés bien loin de nos frontières, ne bénéficieraient qu’aux salariés basés en France ? Comment peut-on penser que de telles mesures attireront les entreprises étrangères ?

Comment intégrer la complexité juridique, fiscale et comptable des groupes français ? Complexité reflétée par la forte disparité des réserves spéciales de participation au sein des entreprises d’un même groupe. Comment éviter de creuser le fossé de l’attractivité de l’entreprise pour les salariés entre la grande qui serait soumise à ces mesures et la petite qui ne le serait pas ? Comment ne pas envisager d’intégrer les entreprises publiques, qui distribuent aussi des dividendes, alors que depuis 2006 une loi dont les décrets d’application ne sont jamais parus prévoyait de les soumettre à la participation ? Pourquoi vouloir créer un nouveau mécanisme de distribution alors que les entreprises disposent déjà d’une boîte à outils bien remplie ? Comment distribuer plus pour taxer plus ? Analyser l’évolution des contributions sociales à la charge des salariés et du forfait social pour les employeurs est, de ce point de vue, fort instructif. En la matière, la pensée unique semble inadaptée, voire dangereuse.

Pierre Havet Président de l’ANDRH Ile-de-France et animateur du groupe épargne retraite, épargne salariale

Après un peu plus de quarante ans d’existence, la participation n’est plus nécessairement en phase avec les enjeux de la nouvelle économie ; de plus, elle ne bénéficie guère aux salariés des PME-TPE ni aux fonctionnaires. Bien qu’elle repose sur un principe fort louable de compréhension des équilibres économiques de l’entreprise et de partage des résultats, le calcul de ces derniers s’avère discutable du fait des pratiques d’optimisation fiscale employées par bien des directions financières. Maintes réformes ont été tentées, la dernière dans le cadre de la loi de décembre 2008 sur les revenus du travail, sans pour autant en assurer la lisibilité parfaite. On notera qu’au cours de la dernière décennie les règles de blocage se sont considérablement assouplies, sur la base du postulat que cela contribuerait au soutien de l’activité et au développement du pouvoir d’achat.

Pour répondre à la question d’une réforme de la participation, il convient aussi de la positionner parmi l’ensemble des dispositifs de rémunération variable ou différée, d’épargne salariale et tout particulièrement d’intéressement. Le caractère facultatif de l’intéressement n’a pas semblé préjudiciable à son développement jusqu’à un niveau de distribution annuel comparable aux montants servis au titre de la participation (à peu près 8 milliards d’euros annuels pour chaque dispositif). La souplesse de l’intéressement en fait un outil de mobilisation exceptionnel autour d’enjeux négociés, qu’il est ensuite possible de suivre tout au long de l’exercice. Le concept de versement supplémentaire apparu depuis le milieu des années 2000 se situe en opposition avec le principe fondateur selon lequel on définit des objectifs pour s’assurer au bout de quelques mois de leur atteinte, qui génère une prime d’intéressement. La prime de 1 000 euros pourrait bien connaître le piètre succès de ces suppléments et accroître les tensions salariales, résultat exactement inverse de celui attendu.

Enfin, rappelons que l’épargne salariale, bien investie avec un horizon de temps suffisant, constitue un moyen de se doter de ressources pour la retraite et de contribuer au développement économique de son pays ou de son entreprise. Alors on peut rêver que nos gouvernants soient enfin aptes à réformer la participation de manière cohérente, en la rendant plus lisible, plus démocratique (par son extension au plus grand nombre) et en garantissant la qualité de sa gestion financière.