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Le bien-être selon l’entreprise

Dossier | publié le : 01.05.2011 | S.G.

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Qualité de vie au travail : l’aménagement des horaires d’abord (en %, réponses de salariés à la question « Quelles solutions privilégier pour concilier travail et vie familiale ? »)

Crédit photo S.G.

Si les salles de sport et autres conciergeries sont toujours d’actualité dans les grandes entreprises, d’autres services progressent, à commencer par les crèches et une restauration de qualité. Moins gadgets, ces prestations recueillent l’assentiment des salariés. Du moins, de ceux qui en bénéficient.

Si une entreprise voulait me chasser, j’y réfléchirais à deux fois avant de quitter la tour GDF Suez », avoue Sébastien, ingénieur au sein de la division GNL (gaz naturel liquéfié) de ce groupe de 200 000 salariés (dont 100 000 en France). Rien à voir avec la vue que les 36 étages de cet édifice de la Défense offrent sur Paris. En ce moment, Sébastien s’intéresse plutôt au rez-de-chaussée : une crèche de 60 berceaux vient d’y être inaugurée en grande pompe par son P-DG, Gérard Mestrallet, avec Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale. Sébastien a pu y inscrire sa fille de 18 mois : « Avant, nous avions une nounou. Je préfère cette formule, plus souple au niveau des horaires, avec un vrai projet pédagogique. »

Le procès en paternalisme a fait long feu. Un luxe ? C’est indéniable si l’on considère qu’un berceau coûte entre 10 000 et 18 000 euros par an et qu’il n’existe que 10 000 places dans environ 400 entreprises. Mais c’est une tendance : la moitié de ces berceaux a été créée au cours des cinq dernières années ; et des prestataires spécialisés (People & Baby, Babilou, Les Petits Chaperons rouges, etc.) parviennent de mieux en mieux à vendre leurs solutions clés en main. Le procès en paternalisme a fait long feu : face à une véritable pénurie de places dans les crèches publiques ou chez les assistantes maternelles (10 % des parents ne trouvent pas de solution de garde pour leurs enfants), les salariés plébiscitent la formule. « On demande, une fois encore, aux entreprises d’assumer une mission désertée par le service public », tempère Sandra Enlart.

La directrice générale d’Entreprise & Personnel reconnaît toutefois que les crèches d’entreprise ont réellement du sens. Elle porte, en revanche, un regard plus distancié sur les salles de sport, conciergeries et autres services, qu’elle considère comme autant de gadgets marketing : « Au début des années 90, tout le monde était sincèrement convaincu que ces services exploseraient avec la prise en compte de la dimension individuelle des salariés. Mais il y a eu un changement d’optique avec l’affaire des suicides à France Télécom : la question du bien-être au travail est abordée de façon beaucoup plus sérieuse. Quand on parle de prévention des risques psychosociaux et de politique de santé au travail, ces services n’apparaissent plus que comme des gadgets réservés aux entreprises riches qui veulent fidéliser leurs salariés. »

Un monde du travail à plusieurs vitesses. Directeur de l’institut Great Place to Work, qui publie chaque année un palmarès des entreprises « où il fait bon travailler », Patrick Dumoulin prend ces services pour ce qu’ils sont : des accessoires de la politique sociale d’une entreprise. « Nous en tenons naturellement compte dans notre évaluation. Mais de façon relative. Nous nous intéressons davantage aux notions de confiance dans le management, de partage de la valeur, de perspectives de développement des compétences. »

Ces services de bien-être tracent une frontière de plus dans un monde du travail à plusieurs vitesses : le gouffre est de plus en plus grand entre les salariés des PME et ceux des grandes entreprises, les consultants parisiens et les ouvriers des sites industriels de province… Après avoir été pionnier de la conciergerie (voir page 70), le cabinet Deloitte a inauguré en janvier une superbe salle de sport, avec coaching individualisé, conseils de nutrition, etc. Pendant ce temps, un ouvrier posté aura peut-être la chance d’apprendre à soulager son dos au cours d’une formation gestes et postures…

Des crèches pour attirer des femmes. Consciente du risque d’inégalité de traitement entre ses 6 400 collaborateurs du siège de la Défense et ses 95 000 autres salariés français, GDF Suez envisage de développer des services similaires sur tous ses sites. « C’est indispensable quand on veut développer une politique commune à tous et mettre l’accent sur la mobilité interne », explique Muriel Morin, DRH groupe. Les salles de sport, conciergerie, médiathèque et salle de piano des tours T1 et T2 de la Défense ne sont peut-être pas pour tout de suite. Mais Gérard Mestrallet a réaffirmé, lors de l’inauguration de la crèche francilienne, sa volonté de créer de nouveaux berceaux dans des crèches d’entreprise ou interentreprises. La branche infrastructures du groupe, située à Asnières, a inauguré une crèche de 22 berceaux quelques jours avant le siège.

De même, le groupe L’Oréal a ouvert en cinq ans pas moins de six crèches interentreprises à proximité de ses différents sites. Pour relever son taux d’emploi des femmes (moins de 20 %), le groupe Renault vient de doter le Technocentre de Guyancourt d’une première crèche de 60 berceaux. Une deuxième devrait ouvrir en janvier 2012, ce qui portera sa capacité d’accueil à 120 enfants… sachant que les 9 000 salariés du site donnent naissance chaque année à environ 500 enfants.

C’est moins connu, mais la plupart des contrats collectifs de santé et prévoyance permettent aux salariés couverts d’accéder à des services d’assistance très complets. Le Groupe D & O propose ainsi, dans le cadre de son contrat santé, une assistance juridique, fiscale et vie quotidienne (emploi, placements, retraite), une prise en charge des enfants en cas de maladie ou d’accident et même un soutien psychologique. Quant au groupe Malakoff Médéric, il a mis au point trois « cubes » de « prévention santé en milieu de travail » (prévention tabac, activité physique, équilibre alimentaire) incluant de véritables programmes de coaching individuel : « Sur les 1 000 cubes commercialisés en 2010, plus de 45 % sont consacrés à l’équilibre alimentaire, 35 % à l’exercice physique et 20 % au tabac », observe Anne-Sophie Godon, directrice des nouveaux services et de la prévention de Malakoff Médéric.

L’un des gros points noirs de la qualité de vie au travail reste le temps de transport : 1h29 par jour pour les Parisiens… et même 2h35 pour les salariés résidant en Seine-et-Marne. « 40 % des salariés s’en plaignent », observe Nicole Turbé-Suetens, fondatrice et animatrice du réseau Distance Expert, qui y voit « le fléau numéro un de la qualité de vie au travail ». Pour faire passer la pilule d’un déménagement sur un site éloigné, certaines entreprises investissent dans des salles de sport ou des restaurants censés créer de nouveaux espaces de convivialité. Mais rares sont celles qui ont réellement mis en œuvre un plan de déplacement d’entreprise : 1 170 ont été signés… mais ils ne se sont traduits que par 5 % de « report modal » (c’est-à-dire de changement de transport).

Sodexo, dont le siège de 900 salariés est situé à Saint-Quentin-en-Yvelines, a insisté pour que le plan de déplacement interentreprises tienne compte des personnels d’entretien, qui commencent à travailler à 5 heures du matin. « Ça n’a l’air de rien, mais c’est essentiel en termes de confort de vie », explique Mathilde Loing, directrice du développement durable. Ce qui n’empêche pas l’entreprise de restauration collective de proposer d’autres services, dont certains ne sont pas sans lien avec son cœur de métier : des cours de cuisine et un potager bio de 400 mètres carrés, par exemple. Quant aux 200 accords de télétravail, ils ont emporté une adhésion mitigée : les entreprises ont peur de perdre le contrôle sur leurs ouailles, et les salariés n’osent pas prendre le risque de s’éloigner de leur bureau quand la tendance est aux restructurations.

S’il est un service sur lequel les entreprises françaises progressent réellement, c’est celui de la table. La restauration collective laisse de plus en plus de place au bio (36 % des restaurants proposent des produits bio au moins occasionnellement), à la qualité et au conseil nutritionnel. « Notre formule “vitamine et vitalité”, exclusivement à base de protéines végétales issues de l’agriculture raisonnée, rencontre un grand succès, commente Gilles Terzakou, président de Multi Restauration Services (MRS), qui dessert une centaine d’entreprises. Les DRH comprennent que leur restaurant d’entreprise est à la fois un facteur et un révélateur de leur climat social. » En clair, une vitrine de leur politique sociale.

Repères

400 crèches d’entreprise, environ 10 000 places.

Objectif : créer 10 000 places supplémentaires entre 2009 et 2012.

Source : ministère du Travail.

1 000 entreprises ont mis en place un service de conciergerie.

Source : Ma conciergerie d’entreprise.

72 % des salariés parents ont le sentiment que leur employeur ne fait pas grand-chose pour les aider à concilier vie professionnelle et vie privée.

Source : baromètre 2010 de l’Observatoire de la parentalité en entreprise.

* Dont près de 80 % peuvent être pris en charge par la collectivité, entre les subventions de la Caisse d’allocations familiales et le crédit d’impôt famille (jusqu’à 50 % des coûts de fonctionnement).

Auteur

  • S.G.

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