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Tableau de bord

Les heures sup retardent-elles la création d’emplois ?

Tableau de bord | publié le : 01.04.2011 | Pierre-David Labani

Jean-Louis Dayan Économiste, professeur associé à l’université Paris 1.

L’emploi salarié s’est comporté de façon atypique pendant la crise. Compte tenu de l’ampleur de la récession, le recul de 2,5 % des effectifs paraît limité. Symétriquement, la reprise de l’emploi (+ 0,6 %) semble forte en 2010 comparée à celle du PIB (+ 1,6 %). Par rapport aux cycles de productivité passés, les entreprises ont moins détruit d’emplois dans la crise et embauché plus vite avec la reprise. Ce drôle de profil ne tient guère aux heures supplémentaires,qui ont connuen2009un creux marqué mais passager, pour un impact négligeable sur l’emploi. Les entreprises ont bien réduit le temps de travail, mais surtout en recourant au chômage partiel et au temps partiel, et celan’explique qu’une faible part des emplois maintenus, l’essentiel étant venu de la « rétention » des salariés stables et du ralentissement de la productivité. Certes, la reprise de l’emploi serait un peu plus forte sans la remontée des heures sup ; mais, comme tout levier de flexibilité interne, elles jouent dans les deux sens. Au demeurant, la loi Tepa avait l’objectif d’augmenter les heures travaillées et avec elles la croissance et le pouvoir d’achat. Une mesure d’offre qui s’est appliquée en pleine crise de demande.

Gilles Saint-Paul Chercheur à l’Idei, membre de l’École d’économie de Toulouse.

Les heures supplémentaires offrent une marge de flexibilité aux entreprises qui leur permet de faire face aux fluctuations de la demande en modulant la durée du travail. Cela peut signifier moins de créations d’emplois en période d’expansion. Mais cela induit aussi moins de licenciements en récession. À long terme, ce volant de flexibilité est favorable à l’emploi car il accroît la valeur pour l’entreprise de chaque employé du fait de la plus grande marge d’ajustement de ses heures travaillées. En effet, pour leurs décisions de recrutement, les entreprises prennent en compte les coûts d’embauche et de licenciement. Elles savent que, pour amortir ces coûts, il faut que l’employé reste assez longtemps dans l’entreprise, ce qui ne sera rentable que si les perspectives sont favorables. L’utilisation des heures supplémentaires rend les coûts d’embauche et de licenciement moins pénalisants car elle permet de faire face à des perspectives incertaines en conservant ses employés. S’appuyer sur la variabilité des heures travaillées plutôt que sur les CDD permettrait d’éliminer l’inconvénient d’un marché du travail à deux vitesses tout en préservant les capacités d’ajustement des entreprises.

Éric Heyer Professeur à la Skema Business School, directeur adjoint à l’OFCE.

Dans un contexte économique favorable, la hausse de la durée du travail induite par le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires peut être appropriée. En revanche, ce dispositif est mal adapté à une situation dégradée comme celle que connaît actuellement l’économie française. Au cours de cette crise, on a assisté à un dilemme entre emploi et temps de travail, qui s’est résolu au détriment de l’emploi. Aujourd’hui, le succès des heures supplémentaires pose problème, car il aurait fallu que la durée du travail diminue fortement, comme en Allemagne, afin de laisser de la place aux personnes sans emploi. La durée du travail doit augmenter en période de chômage faible et diminuer en période de chômage de masse. Dans une étude récente menée sur des données regroupant 35 secteurs de l’économie française, nous estimons qu’une hausse de 1 % des heures supplémentaires détruirait près de 6 500 postes du secteur marchand (soit 0,04 % des salariés marchand), dont les trois quarts seraient des emplois intérimaires. Ainsi, dans un contexte de grave crise économique, il semblerait que l’incitation à travailler plus nuise à l’emploi, et notamment à l’emploi intérimaire.

Pour en savoir plus

Entreprises et niches fiscales et sociales.

Conseil des prélèvements obligatoires, octobre 2010. www.ccomptes.fr/fr/CPO/RapportsAnnuels.html.

Les heures sup au 4e trimestre 2010. www.acoss.urssaf.fr/index. php?option=com_docman &task=view_acosstat &Itemid=5529.

Défiscalisation des heures sup. www.banque-france.fr/fr/publications/ revues/documents-de-travail/telechar/ ner/DT304.pdf.

La conjoncture économique, sociale et environnementale.

www.conseil-economique-et-social.fr/rapport/doclon/ 10033105.pdf.

Auteur

  • Pierre-David Labani