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Les PME prennent le train des MBA

Dossier | publié le : 01.04.2011 | S. D.

Le nec plus ultra des cursus en management accueille de plus en plus de cadres de PME. Difficulté majeure : pallier l’absence du salarié en formation.

Un MBA, ça donne des ailes. Société d’origine suédoise spécialiste du balisage aéroportuaire, Thorn Airfield Lighting, qui emploie 12 salariés à Paris, a offert cette formation haut de gamme à deux de ses cadres. Fernando Ribeiro, 39 ans, responsable marketing, fraîchement diplômé de l’executive MBA du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), fait partie des heureux élus. « L’entreprise est en forte croissance, son chiffre d’affaires a doublé en trois ans. Elle souhaite inciter ses cadres à saisir les opportunités qui vont s’offrir à eux, au travers, par exemple, de l’ouverture de filiales au Brésil et en Inde. Et puis la formation continue fait partie de sa culture. Elle était prête à investir jusqu’à 20 000 euros ; j’ai choisi le MBA du Cnam notamment pour son prix. Le retour sur investissement est rapide et le travail réalisé dans le cadre de mon mémoire trouve immédiatement une application concrète. »

Prisés des secteurs du high-tech, de la finance ou du conseil, friands de recettes managériales anglo-saxonnes, les MBA commencent à séduire des entreprises de plus petite taille. « Un tiers des participants environ travaillent dans des PME, ils sont dirigeants ou prêts à le devenir et veulent combler leurs lacunes en analyse financière, en marketing, observe Stanislas d’Eyrames, directeur de l’EMBA d’ICN Nancy, en partenariat avec l’EM Strasbourg. Il y a quelques années, les PME avaient tendance à penser que les MBA n’étaient pas taillés pour elles. Aujourd’hui, elles s’aperçoivent que ça peut les aider à prendre des décisions. Et puis, il y a un changement de génération. Avant, pour caricaturer, le patron patriarche dirigeait un peu à la va-comme-je-te-pousse ; aujourd’hui, il y a tellement d’informations à maîtriser que ce n’est plus possible. » À l’ESC Toulouse, qui propose quatre MBA, Jacques Tournut, directeur de ces programmes, estime aussi à un tiers le pourcentage de participants issus de PME. « Des constructeurs aériens, par exemple, peuvent parfois sponsoriser des cadres travaillant dans des compagnies aériennes clientes. » En envoyant des directeurs généraux ou leurs adjoints, des cadres de production ou commerciaux se former, elles cherchent surtout à accompagner leur croissance, notamment à l’étranger.

Redéfinition d’un modèle. Parfois aussi, un détour par la case MBA correspond à un passage de relais, dans le cadre d’une transmission d’entreprise. « Souvent, ces PME, issues des secteurs du high-tech, des biotechnologies ou de l’environnement, sont des gazelles en puissance. Elles sont en pleine croissance et dans une logique de redéfinition d’un modèle économique, estime Chantal Poty, responsable pédagogique de l’EMBA à l’EM Lyon, qui compte environ 25 à 30 % d’entreprises de moins de 250 salariés. Parfois, aussi, le fils ou la fille du dirigeant s’apprête à reprendre les rênes et cherche ainsi à gagner une légitimité managériale. » Revigorée par les scandales sanitaires de la vache folle ou de la légionellose, la PME bretonne AES Laboratoire, spécialisée dans les tests de microbiologie industrielle, a envoyé deux cadres commerciaux à Audencia Nantes pour accompagner sa croissance. Avec, pour la première fois, le soutien du Fongecif. Ingénieurs de formation, ils ont été promus à des postes de direction. « Au travers de leur MBA, l’idée est de les ouvrir au marketing, aux ressources humaines, à la finance, explique son DRH, François Gougeon. L’entreprise a grossi très vite. Nous sommes passés de 300 employés il y a cinq ans à 550. En matière de sécurité alimentaire, les entreprises françaises sont réputées à l’étranger ; nos perspectives de croissance sont bonnes aux États-Unis et en Amérique du Sud. Sans parler de secteurs de plus en plus demandeurs de tests comme la cosmétique. L’idée selon laquelle les MBA sont faits seulement pour les grandes entreprises, qu’ils ne servent à rien dans les PME, a la dent dure. Un patron de PME a une logique à court terme ; ce qui l’inquiète, c’est le retour sur investissement. En l’occurrence, pour nous, il a été rapide. Notre directeur commercial, diplômé cette année, a réorganisé le service export et tiré en avant deux gammes de produits qui vivotaient. »

La multiplication d’une offre de qualité dans les écoles de commerce en régions à un prix moins prohibitif que celui pratiqué par les élitistes Insead ou HEC a permis de mieux répondre aux contraintes des PME. « Nous sommes attentifs à maintenir des frais de scolarité modestes, à hauteur de 26 000 euros pour notre EMBA, confie Valérie Claude-Gaudillat, directrice du programme à Audencia Nantes. Nous veillons aussi à intégrer des pratiques de cas représentatives des problématiques rencontrées par les responsables de PME. » Plus qu’ailleurs, le temps et l’argent constituent un obstacle à la formation, quand ce n’est pas la peur de voir partir les bénéficiaires. Pas simple, non plus, de pallier l’absence d’un cadre quand les effectifs sont en flux tendu.

Cofondateur de l’éditeur de logiciels spécialisés dans la pharmaceutique BMI System (12 employés), Laurent Clerc, 41 ans, actuellement en formation à l’ESCP, a d’abord été contraint d’en reporter le projet. « J’avais déjà été sélectionné, il y a deux ans. Mais nous n’étions que six, j’étais le seul à pouvoir gérer des projets et mon absence aurait mis en péril l’avenir de la société », confie ce pharmacien de formation qui finance de sa poche son EMBA (51 000 euros sur dix-huit mois). Ce qu’il en retire ? « Du prêt-à-utiliser », selon sa propre formule, « applicable immédiatement, lors d’une levée de fonds par exemple ». Stéphane Le Tellier, 42 ans, directeur général de BHJ Petfood-Adax France (40 employés), a lui aussi attendu le bon moment avant d’entamer son EMBA à Audencia. « Titulaire d’un BTS, j’ai souvent eu l’impression que mon niveau de formation initiale coinçait lors des entretiens d’embauche. J’ai évoqué mon désir de reprendre mes études il y a trois ans, lors de mon recrutement. À l’époque, l’entreprise était plutôt en difficulté, nous avons attendu qu’elle soit dans une phase de développement. »

Moins habituées à jouer des dispositifs de for­ma­tion, les PME y regardent à deux fois avant de consacrer une grosse partie de leur plan de formation aux chères études de leurs cadres dirigeants. « Investir 26 000 euros sur une seule personne peut être un sujet sensible », reconnaît également Valérie Claude-Gaudillat, d’Audencia. À l’EM Lyon, Chantal Poty ajoute que « ces formations suscitent des interrogations, car elles renvoient au choix de l’organisation de faire grandir un tel plus qu’un autre ». Une forme de récompense qui peut engendrer, somme toute, un sentiment d’iniquité.

Benoît Sancerni 33 ans, diplômé de l’EMBA de l’ESCP, directeur général de Préci3D, PME lorraine de mécanique de précision.

“J’ai commencé ma formation en 2009 alors que j’étais directeur commercial. Pour gérer la croissance de l’entreprise (objectif : 150 à 200 salariés), mon P-DG avait besoin de se reposer sur quelqu’un. Je devais me renforcer en finance, management et stratégie. J’ai remporté la bourse PME initiée par l’ESCP, qui a couvert les deux tiers des frais de scolarité. Mais ce qui coûte le plus cher à une PME, c’est le temps. Ensuite, c’est comme un contrat moral. J’ai été nommé directeur général, donc je n’ai pas envie d’aller voir ailleurs. En contrepartie, j’œuvre au développement du groupe.”

Auteur

  • S. D.