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Vie des entreprises

PepsiCo plus soft que Coca-Cola avec ses salariés

Vie des entreprises | Match | publié le : 01.03.2011 | Domitille Arrivet

Mobilité, notation, formation, salaire au mérite…, les leaders du soda sont davantage soucieux de la performance de leurs équipes que du dialogue social. Mais Pepsi s’occupe plus que Coca de leur bien-être

L’heure n’est pas à la morosité chez les géants des soft drinks. Chez PepsiCo, comme chez Coca-Cola Entreprise, le moral suit la courbe de consommation des boissons gazeuses. Or, malgré la crise, le marché français n’a cessé de croître au cours des dernières années. Chez Coca, où les ventes ont progressé de 5 % en volume au niveau mondial en 2010, on annonce une hausse de 5 à 10 % du chiffre d’affaires en moyenne depuis cinq ans. « Cette année, c’était même un gros 10 % », confie un délégué CFDT de l’entreprise. Dans la foulée du Coca Light, le Coca Zero sans sucre cartonne. Chez PepsiCo, qui ne communique aucun chiffre, les ventes sont qualifiées d’« exceptionnelles » pour 2009, et d’« extra exceptionnelles » en 2010. Sur la plupart de ses gammes, le challenger de Coca-Cola a grignoté des parts de marché. « Nous sommes sur des marchés festifs et des moments de consommation comme le petit déjeuner ou l’apéritif que les gens ne sacrifient pas. Nous commercialisons des produits refuges. Une tendance à laquelle s’ajoute toute l’énergie que l’entreprise a déployée pour progresser, malgré la conjoncture », explique une porte-parole de PepsiCo.

Du coup, en fin d’année, les salariés des deux entreprises ont célébré leurs succès. Coca-Cola a investi le Carrousel du Louvre, à Paris, pour accueillir les équipes venues de tout l’Hexagone. Sur scène, Denis Brogniart, l’animateur de « Koh-Lanta », l’humoriste Élie Semoun, des danseurs… mais aussi Tristan Farabet, 43 ans, le P-DG, nommé un an plus tôt à la suite du décès brutal de son prédécesseur, et qu’une partie des 2 700 salariés rencontraient pour la première fois. Peu après, la fête organisée par PepsiCo s’est déroulée à Venise, lors d’un séminaire de quatre jours, mi-festif, mi-studieux. Bateau pirate, soirée costumée dans un palais et, côté boulot, présentation des lancements et argumentaires à dérouler dès le retour aux clients de la grande distribution ou de la restauration. « C’est un cercle vertueux. Si les salariés sont contents, ils vendent bien, et s’ils ont des bons résultats, ils sont contents », résume Delphine Dupuis, la DRH de PepsiCo France. À condition, toutefois, que les rémunérations suivent. « Les profits sont une bonne chose pour l’entreprise, mais ils ne débouchent pas sur des créations d’emplois, et voilà huit ans que je n’ai pas signé les NAO », déplore le délégué CFDT de Coca-Cola Entreprise. En 2008, le personnel de production avait massivement débrayé pour obtenir une meilleure répartition des bénéfices.

Respectivement présents en France depuis 1986 pour Coca-Cola et 1993 pour PepsiCo, les deux géants américains ne présentent pas la même configuration. Dans l’Hexagone, le leader mondial du cola compte deux sociétés totalement distinctes, tant sur le plan juridique que sur le plan du management – Coca-Cola Entreprise, chargé de l’embouteillage et de la commercialisation, et The Coca-Cola Company, chargé du marketing et de la création des produits –, bien que les sièges soient basés tous les deux à Issy-les-Moulineaux, dans un bâtiment modulable aux couleurs chatoyantes. Pour sa part, PepsiCo s’étale sur cinq étages d’un paquebot moderne aux bureaux lumineux, à Colombes. Mais il ne possède aucun site industriel en France, la logistique étant assurée par des prestataires extérieurs et la production réalisée dans d’autres pays. Hormis une usine Tropicana, située près de Beauvais mais rattachée à la direction européenne de PepsiCo.

Restructuration. Coca-Cola Entreprise emploie en revanche près de 800 personnes dans quatre sites de production. Un effectif amaigri par la restructuration engagée au niveau européen en septembre 2010 dans quatre pays – Belgique, Grande-Bretagne, Pays-Bas et France. Pas de fermeture de sites ni de licenciements secs dans l’Hexagone, contrairement à la Grande-Bretagne, mais 148 postes supprimés, avec proposition de mobilité géographique ou professionnelle à la clé. Délégué FO de Coca-Cola Entreprise, Cyril Herbin n’exclut pas, à terme, un PSE si une partie des salariés concernés refusent les modifications de leur contrat de travail, par exemple le passage d’horaires de jour aux trois-huit. En tout cas, ce plan « performance » n’aura pas contribué à améliorer le dialogue social dans l’entreprise, jugé « très dégradé » par les syndicats. « L’organisation européenne ne laisse plus aucune marge de manœuvre à la France », souligne le délégué CFDT de Coca-Cola Entreprise.

Chez les deux concurrents, le nerf de la guerre reste la force commerciale, objet de toutes les attentions. Il n’est qu’à voir le processus totalement balisé de recrutement, et rigoureusement identique dans les deux sociétés. Présélection des candidats sur CV, convocation à une matinée de jeux de rôle collectifs, suivie d’un après-midi d’entretiens individuels. Le sort des candidats est immédiatement scellé. Dès le lendemain, ils sont informés du résultat. Seule différence, les équipes de recrutement de Coca-Cola se déplacent dans des assessment centers en région pour rencontrer les candidats, alors que PepsiCo accueille tous les postulants à Paris et confie, à tour de rôle, à ses directeurs de région leur sélection. De sorte qu’un commercial peut être recruté pour la zone de Marseille sans avoir rencontré son supérieur hiérarchique direct alors que sa candidature aura été validée par le directeur de la zone Bretagne.

Reste que si les parcours d’embauche se ressemblent, les profils réclamés ne sont pas du tout les mêmes. Contrairement à la règle qui prévaut chez PepsiCo, où les commerciaux, pour la plupart issus d’écoles de commerce, sont amenés à évoluer dans l’ensemble de la société, Coca-Cola mise sur une force de vente non cadre, moins diplômée, mais plus fournie et plus spécialisée. « Nous avons fait le choix de la proximité avec les clients et donc d’investir dans une force de vente répartie sur tout le territoire, générant ainsi plus d’emplois. C’est notre modèle. Chez nous, la grande majorité des commerciaux ne sont pas itinérants. Ils peuvent rentrer dormir chez eux tous les soirs », assure Laurent Geoffroy, le DRH de Coca-Cola Entreprise. Mais pas forcément sur leurs deux oreilles, car la pression est très forte.

Mieux vaut ne pas être classé en 1. PepsiCo place très haut le niveau de ses exigences. Tous les salariés sont notés par leur n + 1 sur une échelle qui va de 1 à 5. Et mieux vaut ne pas être classé en 1. Delphine Dupuis, la DRH de PepsiCo, reconnaît d’ailleurs que l’entreprise se sépare de salariés « parce qu’ils n’ont pas atteint les objectifs, ou pour défaut de comportement : nous sommes très attachés au travail en équipe ». Ce que confirme Bruno Thevenin, le directeur marketing de l’entreprise, récemment promu à ce poste : « Les objectifs sont “factualisés”. Ainsi, on sait pourquoi on réussit et pourquoi on ne réussit pas. Le plus fort taux d’échec est en général chez les commerciaux. »

Chez Coca-Cola Entreprise, le management par objectifs est de mise, à tous les niveaux de l’entreprise. « Nos cadres n’ont pas d’augmentation générale, mais leur pourcentage d’augmentation individuelle est calculé en fonction de leur notation. Il est au mérite et dépend à la fois de la tenue des objectifs et du comportement », détaille David Carpio, le directeur de la région Rhône-Alpes, qui chapeaute une équipe de 150 personnes.

De 8 à 15 % de variable. Les commerciaux, don’t le salaire à l’entrée est de 25 000 euros par an en province et de 29 000 euros à Paris, peuvent prétendre à une part variable qui représente de 8 à 15 % du fixe. Quant aux commerciaux de PepsiCo – don’t la DRH ne souhaite pas révéler les salaires d’embauche, « situés dans le haut des rémunérations du secteur » –, leurs variables se situent entre 0 et 10 % du salaire. Chez les deux concurrents, ces rémunérations sont améliorées, outre la participation, par un accord d’intéressement, et, pour les commerciaux, par des avantages comme un véhicule de fonction.

Dans la bataille féroce que se livrent les vendeurs de sodas, la formation joue un rôle important. Les deux concurrents y consacrent chacun 5 % de leur masse salariale. Pour pouvoir se targuer du titre de « première force de vente, en nombre et en qualité », dans les classements effectués par la grande distribution, Coca-Cola forme notamment chaque année ses vendeurs à la « performance commerciale ». Au travers de stages de simulation, assurés conjointement par les managers et des consultants, qui les invitent à rejouer sous forme de sketchs toutes les négociations réellement vécues. Les salariés reçoivent également des formations à l’anglais, aux produits, à la nutrition… sous la forme d’e-learning.

Pour les hauts potentiels, l’entreprise préfère le sur-mesure. Cela a été le cas pour David Carpio, lorsque, voici quatre ans, il a été détecté pour un poste de directeur régional : « J’étais un peu jeune pour le poste. On m’a fait passer un test en leadership afin d’évaluer si j’avais le ressort pour prendre ces fonctions. C’est un plus qui permet de connaître ses compétences, et ses motifs de déraillement », estime-t-il. Pendant un an, il a reçu l’appui d’un coach pour le préparer à cette prise de responsabilité. Chez PepsiCo aussi, la direction n’hésite pas à casser sa tirelire pour ses futurs dirigeants. C’est ainsi que Bruno Thevenin, devenu directeur marketing après avoir travaillé dans la filière commerciale durant une quinzaine d’années, a obtenu le financement d’un Executive MBA à HEC. Dans les deux firmes, la mobilité est la règle. Tous les ans, 20 % du personnel change de poste. Les commerciaux sont amenés à prendre en charge un secteur plus important, les managers à encadrer davantage de collaborateurs.

Dans la rivalité qui oppose les deux grandes marques de boissons gazeuses, PepsiCo a marqué un point en arrivant, en 2010, en tête du classement Great Place to Work des entreprises de moins de 500 salariés « où il fait bon vivre ». PepsiCo a notamment mis en place une formule de télétravail pour une quarantaine de salariés du siège. Pour ceux qui sont cantonnés au bureau, l’entreprise a déployé l’an dernier un service de massages, des ateliers artistiques de chant, théâtre, écriture ou dessin, ou encore des ateliers bien-être pour avoir une meilleure hygiène de vie. Dans le cadre d’un dispositif baptisé one simple think, chaque manager encourage ses collaborateurs à se fixer un objectif personnel pour trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. PepsiCo compte bien à nouveau se voir récompensé en 2011. Cette fois, au titre des entreprises de plus de 500 salariés, les effectifs de la filiale française ayant franchi cette barre en 2010…

PepsiCo

Chiffre d’affaires :

900 millions d’euros

Effectif :

500 salariés en France

Marques :

Tropicana, Pepsi, 7Up, Lays, Bénénuts, Quaker…

Coca-Cola Entreprise

Chiffre d’affaires :

2 milliards d’euros

Effectif :

2 700 salariés en France

Marques :

Coke, Oasis, Fanta, Sprite, Minute Maid, Powerade, Burn…

Tirer parti de la diversité

Si les deux géants américains mettent beaucoup d’énergie à faire de leur entreprise un modèle en matière de diversité, ce n’est pas seulement par conviction : c’est aussi et surtout pour être à l’image de ces consommateurs qu’ils veulent conquérir dans toutes les strates de la population. Coca-Cola Entreprise, qui ne compte encore que 30 % de femmes parmi les cadres dirigeants de l’entreprise et 25 % au comité exécutif, veut progresser : « Lors des recrutements, nous veillons à ce que chaque short list de trois candidats comporte au moins une femme, puis qu’au cours du processus de sélection tous aient été interviewés par au moins une femme. On amorce ainsi la pompe : en 2010, la moitié des managers qui ont été nommés sont des femmes », se félicite le DRH, Laurent Geoffroy. Dans les quartiers, le travail que le groupe effectue en matière de non-discrimination a son effet : signataire du plan Espoir banlieues, Coca a effectué ces deux dernières années 14 % de ses embauches dans les zones urbaines sensibles. « Nous travaillons sur les process de recrutement, pour que notre vision de la diversité soit une conviction, pas une obligation », plaide le DRH.

De son côté, PepsiCo, qui compte 54 % de femmes dans ses effectifs, mais seulement deux femmes parmi les sept membres du comité exécutif – alors que la maison mère est présidée par Indra Krishnamurthy Nooyi, indienne d’origine –, cherche à véhiculer des valeurs humanistes. Son directeur général, Vincent Prolongeau, est également président d’Entreprise et Progrès, un think tank d’entrepreneurs don’t la mission est de « mettre l’homme au cœur de l’entreprise, et l’entreprise au cœur de la cité ». Une vision que la direction entend déployer dans le moindre de ses gestes, à l’exemple de students in free enterprise, un challenge qu’elle organise auprès des étudiants pour développer la création d’entreprise dans les zones défavorisées et auquel les cadres sont invités à participer.

D. A.

Auteur

  • Domitille Arrivet