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Politique sociale

La Confindustria mise au pied du mur par ses adhérents

Politique sociale | publié le : 01.03.2011 | Philippe Guérard

En Italie, la Confindustria est en pleine crise existentielle. Le groupe Fiat, avec ses 62 000 salariés, est en train de quitter l’organisation patronale pour s’affranchir de sa convention collective et augmenter sa productivité, en rognant les droits des salariés. Problème : d’autres grands industriels menacent d’en faire autant, jugeant la Confindustria trop chère et les services rendus insuffisants. Pourtant, le dialogue social est vivant dans la Péninsule, au niveau national comme dans les branches. De nombreuses négociations sont organisées avec régularité et beaucoup d’accords sont signés avec les syndicats modérés CISL et UIL. Seule la CGIL, équivalent de la CGT, reste imperturbablement à l’écart.

Pour le patronat, l’autre grand souci du moment est de caractère politique. La Confindustria est présidée depuis 2008 par Emma Marcegaglia, qui a été élue pour quatre ans au moment où Silvio Berlusconi faisait son grand retour au pouvoir. Les rapports entre eux sont à l’image des conflits d’intérêts qui caractérisent le Cavaliere. L’homme d’affaires Berlusconi est adhérent au nom de son groupe familial Fininvest et il ne se prive pas de venir chaque année aux assemblées générales. Mais Berlusconi chef du gouvernement ne répond pas aux attentes de ses pairs, qu’il s’agisse de diminuer les prélèvements obligatoires ou de flexibiliser le marché du travail. Résultat, Emma Marcegaglia, qui lui avait d’abord tendu la main, réclame depuis peu sa démission, pour cause d’immobilisme.

Du reste, la maison qu’elle préside sait donner de la voix. Tout juste centenaire, elle emploie 4 000 personnes et repose, comme le Medef, sur un double réseau extrêmement puissant : 25 fédérations professionnelles couvrant 95 syndicats de spécialités d’un côté, 18 déclinaisons régionales et 103 provinciales de l’autre. À Rome, son siège est installé dans un immense immeuble de verre de couleur noire, dans le quartier de l’Esposizione Universale Roma construit à l’époque fasciste. Elle est réputée très riche mais garde jalousement le secret sur ses comptes. Le montant des cotisations qu’elle prélève chaque année tournerait autour de 500 millions d’euros, pour seulement 144 000 adhérents. Elle est en concurrence avec la Confédération de l’artisanat, Confartigianato, laquelle prétend être plus représentative du tissu économique du pays, composé essentiellement de PME.

Enfin, la Confindustria présente la particularité d’être propriétaire de la deuxième université du pays, la Luiss de Rome, ainsi que du groupe Il Sole 24 Ore, éditeur du quotidien du même nom (276 000 exemplaires), d’une radio et d’une agence de presse. De quoi relayer ses prises de position et lui permettre de (re)passer à l’offensive.

Joël Decaillon, numéro deux de la Confédération européenne des syndicats
« Patronats et gouvernements sont en symbiose »

Le patronat européen est-il en position de force ?

En tout cas, il n’a pas besoin de beaucoup batailler. Patronats et gouvernements sont en symbiose. Dans les pays d’Europe centrale où la représentation patronale est faible, comme la République tchèque ou la Hongrie, les gouvernements sont plus ambitieux que les organisations patronales. Mais même dans les autres États qui fonctionnent de manière tripartite, il n’y a plus aucune place pour le dialogue social. Le poids des décisions prises par les gouvernements pèse considérablement sur les politiques sociales des pays.

La crise entrave-t-elle la négociation entre partenaires sociaux ?

L’austérité ne laisse plus de marge pour la négociation. Et c’est lié au fait que les politiques publiques européennes considèrent qu’en période de crise il ne faut pas avoir recours à la pression fiscale. C’est le cas notamment en Irlande, qui n’a pas voulu relancer son économie en relevant l’impôt sur les sociétés. Elles considèrent en revanche que les seules variables d’ajustement sont les salaires et les prestations sociales. Les acquis sociaux sont menacés. En Espagne, après les mesures drastiques qu’il a prises, Zapatero, sous la pression du patronat, poursuit sur sa lancée et ouvre le débat sur une remise en cause du principe de la convention collective par extension qui permet aux salariés non syndiqués de bénéficier des accords signés. On nous serine que le marché du travail est trop rigide. Mais jusqu’où va-t-on aller dans la flexibilité ?

La CES peut-elle s’opposer à ce mouvement de fond ?

C’est très difficile. Ce qui est rassurant, c’est la solidarité qui règne au sein du syndicalisme européen. Il n’y a eu aucun accroc. Les Allemands ont immédiatement apporté leur soutien. Sur le plan offensif nous poursuivons les grandes manifestations nationales. Nous en préparons une en Hongrie. Lors de notre prochain congrès en mai à Séville, nous devons réfléchir aux instruments sociaux à mettre en place si l’on veut contrer cette lame de fond qui conduit à toujours plus de chômage et de précarité en Europe.

Propos recueillis par Sandrine Foulon

Auteur

  • Philippe Guérard