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Enquête

L’envolée des formations en développement personnel

Enquête | publié le : 01.02.2011 | Sabine Germain

Booster sa confiance en soi, développer son « assertivité » et sa congruence, gérer ses émotions… Entre jargon psy et culture business, les stages de développement personnel remplissent les salles de formation. Avec plus ou moins de bonheur.

Aie confiance en toi et tu auras confiance dans l’entreprise. Comme disent les psychologues de comptoir, il faut d’abord s’aimer soi-même pour aimer les autres. Et accessoirement faire carrière. C’est sans doute ce credo qui pousse les salariés à demander des formations en développement personnel. Quant aux directions, elles ont bien compris l’intérêt de former des bataillons de cadres plus ou moins charismatiques qui sauront drainer derrière eux des salariés motivés. « Une cantatrice m’a appris à faire sortir ma voix du haut de ma tête, un comédien m’a conseillé de faire des grimaces et de sauter comme un cabri avant d’intervenir en public, un coach m’a fait travailler sur mon assertivité et ma congruence… En matière de développement personnel, je crois avoir à peu près tout essayé », sourit Jean-Michel, manager dans une société d’assurance. « Je suis convaincu que cet accompagnement m’a beaucoup aidé à assumer mes nouvelles responsabilités », estime cet ex-employé monté en grade qui encadre une équipe de 90 personnes. Parce qu’il a joué le jeu : « Ce type de formation n’a de sens que si les participants laissent leur ironie ou leur scepticisme au vestiaire. »

Encore faut-il que la formation soit en phase avec l’enjeu : assistante de recherche dans un grand laboratoire pharmaceutique, Marion est d’une timidité quasi pathologique. « Mon manager m’a envoyée suivre une formation de trois jours en “affirmation de soi”. J’en ai tiré quelques recettes… mais cela ne réglera sûrement pas mon problème ! »

C’est toute l’ambiguïté de ces formations, à la limite entre les sphères professionnelles et privées. Coach (cabinet Tothepoint), Florence Féron l’aborde de façon très claire : « Je ne suis pas là pour sauver une personne à la dérive. Ma mission, c’est de l’accompagner en fonction d’objectifs préalablement établis. » Pour y parvenir, elle distingue non pas deux, mais trois sphères : professionnelle, personnelle et intime. « Nous n’avons rien à voir avec l’intime. Si la personne coachée tente de nous entraîner sur ce terrain, c’est à nous de l’en dissuader. » Question de déontologie.

La sphère personnelle, en revanche, ne doit pas être un tabou : « Quand un manager est en conflit permanent avec tout le monde, il importe cette attitude de sa sphère personnelle », poursuit-elle. La frontière est donc un leurre. D’autant que la sphère personnelle peut être un formidable terrain d’expérimentation : « Le coach n’est pas celui qui donne des recettes à suivre à la lettre. Son boulot, c’est d’aider la personne à identifier son problème et à trouver des solutions. » Quitte à tester ces solutions en famille ou avec ses amis, « la sphère personnelle étant souvent perçue comme moins risquée que le champ professionnel ».

Séparer le bon grain de l’ivraie. Tous les formateurs n’ont pas une conscience aussi aiguë des limites de leur travail. « Le marché de la formation étant trop peu contrôlé, nous voyons passer tout et n’importe quoi, confirme Grégoire Cusin-Berche, directeur général et fondateur de Formastreet, une plate-forme de référencement et de mise en relation. Certains programmes font franchement peur : ils tiennent davantage de l’embrigadement sectaire que de la formation. » Son conseil pour séparer le bon grain de l’ivraie : le bon sens ou, à défaut, « le choix de prestataires reconnus, ayant pignon sur rue ».

Incontestable leader des formations en développement personnel, Cegos ne cesse, face à la demande, d’étoffer cette ligne de produits. « Nous proposons une centaine de stages de deux à cinq jours », explique Michèle Furster, responsable du catalogue interentreprises. Signe des temps : les sessions proposées aux agents de maîtrise et aux collaborateurs sont désormais aussi demandées que celles destinées aux cadres. « Les managers, qui ont souvent eu l’occasion de suivre ce genre de cursus, se sont rendu compte de ce que cela leur a apporté. Ils sont donc de plus en plus prescripteurs. »

Pour Grégoire Cusin-Berche, la demande émane à près de 80 % des salariés : « Ce qui me semble traduire un certain malaise dans la vie des entreprises. » Surtout si l’on se penche sur la nature des demandes : « Les DRH et les managers sont très orientés « efficacité professionnelle ». 41 % de leurs demandes ont trait à la gestion du temps. » Les collaborateurs, en revanche, sont davantage dans une logique de développement personnel : 21 % de leurs demandes portent sur les techniques de communication, 16 % sur la gestion du stress, 13 % sur l’affirmation de soi, 11 % sur la sophrologie et seulement 10 % sur la gestion du temps.

Michèle Furster propose une autre typologie : « Les collaborateurs suivent surtout des cursus consacrés à la confiance en soi et à l’autocoaching, alors que les cadres s’intéressent davantage à l’intelligence émotionnelle, la communication positive et la gestion de la relation. »

Dans tous les cas, les stages durent en moyenne deux à trois jours et sont facturés autour de 1 000 euros. On pourrait être tenté de croire que le boom des formations en développement personnel est lié à la montée en puissance du droit individuel à la formation. Ce n’est pas vraiment le cas : « Elles sont essentiellement financées par les entreprises et les Opca dans le cadre du plan de formation », note Michèle Furster. Grégoire Cusin-Berche est plus nuancé : « Quand une formation a lieu à la demande d’un manager ou des RH, elle relève à 63 % du plan de formation et à 30 % du DIF. En revanche, quand elle a lieu à la demande du collaborateur, elle ne s’inscrit dans le plan de formation que dans 15 % des cas. Le financement est assuré dans 55 % des cas par le DIF et dans 21 % des cas par le salarié lui-même. »

En tout état de cause, l’efficacité passe par la déterritorialisation. Pas question de se former au bureau : « La personne coachée doit impérativement sortir de son cadre habituel de travail », commente Florence Féron. Ce qui est vrai pour le coaching individuel l’est encore plus pour la formation collective : « Il faut non seulement sortir de son cadre géographique, mais aussi de son cadre relationnel, estime Jean-Michel, qui a expérimenté les formations inter et intraentreprise. Il n’y a pas photo : avec ses collègues de travail, on ne se lâche pas de la même façon ! A fortiori si, comme j’ai pu m’en rendre compte par la suite, des personnes pas forcément bien intentionnées racontent ensuite toute la formation à leur hiérarchie. Inutile de dire que j’ai amèrement regretté d’avoir ironisé sur les méthodes d’un coach qui fascinait les cadres dirigeants… »

Auteur

  • Sabine Germain