L’impression de théâtralité qui a accompagné la réforme des retraites va dans le sens de ce livre : nous cultivons en France une vision de plus en plus caricaturale des rapports sociaux. Pour l’auteur, la caricature se trouve ailleurs que dans ces figures trop convenues du « conflit social ». « La description des nouveaux conflits français passe par une remise en cause de la représentation « officielle » mais caricaturale de la société française, prévient Christophe Guilluy : celle qui oppose les banlieues aux autres territoires, ou des minorités aux classes moyennes. » Cette polarisation sur les prétendus « ghettos sociaux » participe à ce qu’il nomme « l’invisibilité des couches populaires ». Il estime que « la conflictualité sociale et culturelle ne fait plus partie du champ politique » et voit dans cet effacement le subterfuge utilisé par les pouvoirs publics pour entretenir le mythe d’une classe moyenne majoritaire et bénéficiaire de la mondialisation. En faisant de notre pays le champ d’affrontements entre banlieues et couches moyennes, « les classes dominantes cherchent à imposer cette grille de lecture qui conduit à évacuer définitivement la question sociale », avertit le sociologue. Le livre ne dissimule rien du caractère explosif de l’utilisation de ces quartiers comme « zone tampon » pour les populations fraîchement immigrées. À quoi s’ajoute un séparatisme social organisé qui constitue, selon l’auteur, une stratégie d’évitement des conflits. La conclusion est cinglante : « Premières victimes de la mondialisation, les couches populaires observent les élites fêter la fin de la question sociale. » Esprits nuancés s’abstenir.

Fractures françaises, Christophe Guilluy. François Bourin Éditeur, coll. « Politique ». 200 pages, 19 euros.