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Les entreprises devront s’adapter

Dossier | publié le : 01.12.2010 | Valérie Devillechabrolle

Augmentation de la masse salariale, politique d’emploi des seniors, équilibre des régimes de santé…, l’allongement des carrières a des conséquences non négligeables pour les entreprises. Leur approche des rémunérations devrait évoluer.

Avec la fin des mises à la retraite d’office, le 1er janvier 2010, les entreprises avaient déjà perdu la main sur la date de départ de leurs salariés. Avec la réforme des retraites, applicable au 1er juillet 2011, elles vont devoir maintenant s’habituer à travailler avec une population plus âgée : « Les entreprises vont être confrontées à un double phénomène de vieillissement : d’un côté, les seniors vont rester plus longtemps ; de l’autre, les flux de recrutement de jeunes vont se réduire », prévient Philippe Maximin, directeur du département prévoyance et retraite de Gras Savoye. À partir du portefeuille de clients de ce courtier, ce dernier a ainsi calculé l’impact des deux réformes de 2003 et de 2010 sur les flux escomptés de départs à la retraite : « Alors que près de 20 % de salariés auraient dû quitter leur entreprise d’ici à 2020, seuls 13 % le feront effectivement, 6,3 % devant différer leur départ du fait des réformes », observe Philippe Maximin.

« Outre un alourdissement de notre masse salariale, cet allongement des carrières va nous obliger à articuler les parcours professionnels de façon différente pour garder la motivation de nos seniors intacte », reconnaît Véronique Rouzaud, DRH de Veolia Environnement, qui mise à la fois sur le développement des bilans de compétences, du tutorat et de la valorisation des acquis de l’expérience. Autant d’outils avec lesquels les DRH ont toutefois déjà commencé à se familiariser du fait du développement de politiques de l’emploi des seniors. De la même façon, certaines entreprises n’ont pas attendu la réforme des retraites pour anticiper l’effet d’un report de l’âge légal de départ sur leurs dispositifs de cessation anticipée d’activité.

Davantage d’invalidité et d’absentéisme. Mais la réforme des retraites aura aussi un impact non négligeable sur les régimes de prévoyance et de santé. Alors que les invalides le deviennent en moyenne à 50 ans, « le report à 62 ans va progressivement gonfler le stock des bénéficiaires de 20 % », a calculé Norbert Gautron, actuaire associé de Galea. Au risque d’entraîner un renchérissement des tarifs de ces couvertures, compris entre 2 et 4 %, selon les professionnels du secteur. Les sénateurs ont toutefois tenté de minorer la hausse attendue en autorisant les assureurs à lisser sur plusieurs années la constitution des 4 milliards d’euros de provisions nécessaires à la garantie de ce risque. « Ce vieillissement de la main-d’œuvre aura aussi des conséquences sur l’absentéisme, précise Philippe Maximin, de Gras Savoye, compte tenu du fait que s’ils sont moins fréquemment malades que les salariés plus jeunes, les seniors qui le sont le restent plus longtemps. Nous estimons ce surcroît d’absentéisme à 1 % de jours d’absence supplémentaire par mois en moyenne. » Enfin, ce vieillissement se répercutera aussi sur l’équilibre des régimes de frais de santé du fait d’une consommation médicale, à 65 ans, de 22 % supérieure en moyenne à celle observée à 55 ans : la dérive des dépenses pourrait, à elle seule, atteindre 1,1 % par an. « Tout cela va nous conduire à être plus proactifs en matière de prévention des risques liés au travail et à travailler génération par génération », pronostique Véronique Rouzaud.

La réforme des retraites conduira aussi les DRH à réexaminer leurs politiques de rémunération. D’abord parce que de nombreux accords d’entreprise prévoient encore le versement d’indemnités de départ à la retraite d’autant plus généreuses que la date du départ intervenait tôt. De ce point de vue, « la réforme change la donne et nous obligera à renégocier les modalités de ces indemnités », reconnaît Jean Cassingena, DRH d’Areva TA. Surtout, elle va amener les entreprises à se préoccuper davantage du taux de remplacement de leurs salariés, une fois en retraite. « Avec la fin des mises à la retraite d’office, nous devons développer des appuis à la simulation retraite ultra-individualisés », reprend ce DRH. Mais au risque de mettre crûment en lumière le gouffre qui sépare le niveau de vie auquel les salariés aspirent – égal à 80 % de leur dernière rémunération –, celui auquel ils s’attendent – de l’ordre de 60 %, y compris chez les cadres – et… la réalité : « Même après la réforme, un salarié né en 1960 ayant commencé sa carrière à 18 ans et gagnant en fin de carrière l’équivalent de deux plafonds de la Sécurité sociale (5 770 euros par mois en 2010) partira avec moins de 50 % de sa dernière rémunération », rappelle Philippe Maximin.

Un risque d’appauvrissement considérable. À l’horizon 2030, les perspectives ne sont guère plus réjouissantes. Après avoir réalisé des simulations très concrètes sur les niveaux de pension de ses ouvriers dans vingt ans, Michelin s’est aperçu que ceux-ci risquaient de s’appauvrir considérablement si l’entreprise ne faisait rien. « Nous allons devoir réinventer nos discussions avec les partenaires syndicaux sur la retraite et travailler à des solutions permettant de déboucher sur un minimum de retraite garanti », reconnaît Véronique Rouzaud, de Veolia Environnement. Que celles-ci passent par le compte épargne temps, le cumul emploi-retraite ou le cumul de postes en interne. Vu le coût de ces nouveaux dispositifs, qui devront cette fois couvrir tout le monde et pas seulement les cadres, « cela va modifier notre approche en termes de rémunération », prévient-elle.

Un impact sur les passifs sociaux aussi

Bonne nouvelle pour les passifs sociaux ! « La réforme des retraites va permettre de réduire le montant des engagements de tous les dispositifs postérieurs à la date de départ en retraite », estime Norbert Gautron. Qu’il s’agisse des retraites chapeaux, des régimes de frais de santé des retraités ou encore des indemnités de fin de carrière. « Tout dépendra toutefois, poursuit-il, de l’âge moyen de départ retenu par l’entreprise dans ses hypothèses actuarielles. »

Sur un régime de retraite à prestations définies, un engagement de 100 % en cas de départ à 60 ans tomberait ainsi, avec la réforme, à 90 % en cas de départ à 62 ans. S’agissant des indemnités de fin de carrière, le coût pour l’entreprise augmentera, du fait du maintien de salariés en poste jusqu’à l’atteinte du droit prévu par les accords. « Au-delà, le recul de l’âge de départ sera sans effet pour l’entreprise », précise Philippe Maximin.

En revanche, la réforme aura un impact négatif sur tous les autres régimes de fin de carrière antérieurs au départ à la retraite (préretraites, prévoyance ou encore médailles du travail), dans la mesure où le recul de l’âge de départ offre l’accès à des paliers de droits supérieurs.

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle