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De nouveaux leviers pour l’épargne retraite collective

Dossier | publié le : 01.12.2010 | Valérie Devillechabrolle

Soucieux de doper les encours de capitalisation collective, le législateur a facilité les transferts de l’épargne salariale et de l’épargne temps. Tout en sécurisant davantage les placements.

Les DRH sont soulagés : à la différence de la réforme de 2003 qui avait vu la création du plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco), celle de 2010 n’a pas bouleversé le paysage de la retraite par capitalisation d’entreprise. « Elle perfectionne, elle optimise à la marge, mais elle n’apporte pas de profonds changements dans l’organisation des dispositifs », soulignait récemment Jean Cassingena, DRH d’Areva TA, au cours d’une rencontre organisée par le cabinet Galea. « Beaucoup de négociations visant à créer un Perco étaient suspendues car les entreprises attendaient le vote de la loi pour orienter les discussions », observe Patrick Alaguero, directeur de l’ingénierie produits de Natixis Interépargne. Elles vont pouvoir reprendre. D’autant que députés et sénateurs ont souhaité doper les encours « encore modestes » de cette capitalisation collective.

Rapportés aux 1 300 milliardsd’euros d’encours de l’assurance vie, les 42 milliards investis dans les régimes à cotisations définies (de type article 83) et les 31 milliards d’euros liés aux dispositifs à prestations définies ne pèsent certes pas lourd. Sans parler des 3,45 milliards d’euros dévolus au Perco. Reste que les encours ont de nouveau progressé de près de 50 % en un an, avec plus de 112 000 entreprises souscriptrices au total et 630 000 salariés qui y ont effectué des versements, selon les dernières statistiques de l’AFG. Et cet engouement ne se dément pas : 47 % des 102 entreprises interrogées dans le cadre du baromètre du Club de l’épargne salariale, publié mi-octobre, envisagent de négocier la mise en place d’un Perco, sachant que 38 % en sont déjà équipées. « Il y a une grosse attente des salariés vis-à-vis de ces dispositifs d’épargne retraite collective et notamment du Perco, plus facile à mettre en place et plus souple d’utilisation », confirme Jérôme Dedeyan, président du cabinet Debory, qui insiste sur la faiblesse de ses coûts de gestion : de 3,50 euros par salarié et par an dans une très grande entreprise à 15 euros dans une PME.

De l’épargne temps à l’épargne retraite. Pour accélérer ce mouvement, les parlementaires ont privilégié plusieurs leviers, en commençant par élargir les passerelles de transfert d’épargne temps vers les dispositifs d’épargne retraite (Perco et article 83). Jusqu’à présent, seuls les bénéficiaires d’un compte épargne temps disposaient de cette faculté – dans la limite de dix jours par an – et commençaient à l’utiliser : en 2009, 8,3 % des salariés concernés ont transféré l’équivalent de 6,3 jours en moyenne, nets de charges sociales, selon le baromètre du Club de l’épargne salariale. Mais la réforme permet aussi aux salariés qui ne disposent pas d’un compte épargne temps de transférer l’équivalent de cinq jours de congé par an dans leur dispositif d’épargne retraite. « En évitant ainsi aux salariés de perdre des jours, l’épargne temps va devenir une source massive d’alimentation du Perco », pronostiquent les assureurs, qui se préparent déjà à accueillir cette manne.

Autre levier prometteur, selon Jean Cassingena, « la convergence croissante entre épargne salariale et épargne retraite ». En autorisant que le versement par défaut de la moitié des sommes allouées par l’employeur au titre de la participation puisse automatiquement alimenter un Perco, sauf avis contraire du salarié, la réforme pourrait permettre au Perco de changer d’échelle. Sur le 1,1 milliard collecté entre juin 2009 et juin 2010, 20 % étaient issus de la participation, soit 240 millions. Sachant que les entreprises ont, en 2008, distribué 8,3 milliards de participation selon la Dares et que les deux tiers de ce montant ont été placés dans un plan d’épargne d’entreprise (PEE) pour l’essentiel, les sommes susceptibles d’être basculées dans un dispositif d’épargne retraite seraient ainsi potentiellement multipliées par dix. D’autant qu’en parallèle « on observe un transfert des enveloppes d’abondement du PEE vers le Perco », constate Patrick Alaguero, de Natixis Interépargne. Alors qu’en moyenne seule une entreprise sur dix abonde la participation versée dans un PEE, près d’une sur deux (48 %) complète celle allouée au Perco et 31 % envisagent de le faire, selon le même baromètre.

Quant aux salariés, ils ne seraient a priori pas hostiles à une telle évolution : 60 % d’entre eux considèrent déjà leur épargne salariale comme un moyen de se constituer un complément de revenu en vue de leur retraite, contre seulement 29 % une façon d’accumuler un capital pour l’achat d’une résidence principale. Les parlementaires auraient voulu aller encore plus loin en proposant de flécher aussi vers l’épargne retraite une fraction de l’intéressement comprise entre 15 et 25 %. Le gouvernement s’y est toutefois opposé. Pour certains, cette réorientation à marche forcée de l’épargne salariale vers la capitalisation retraite risque d’en dévoyer le sens : « À la différence d’une cotisation obligatoire, la participation ne constitue pas un flux d’alimentation continu et stable », rappelle Hugues Garros, directeur commercial épargne retraite entreprise de Suravenir, la filiale d’assurance du Crédit mutuel.

En parallèle, les parlementaires se sont attachés à sécuriser davantage les sommes placées dans ces dispositifs. D’un côté, en obligeant leurs gestionnaires à définir un montant de rente générée par ces investissements. De l’autre, en les contraignant à assortir ces dispositifs d’une gestion pilotée par défaut en fonction de l’horizon de la retraite. Si 95 % des Perco commercialisés par Natixis prévoient cette possibilité de désensibilisation progressive des investissements au risque, seuls 38 % des salariés y recourent. Chez les employeurs, en revanche, la crise financière a laissé des traces. « Le chahut, plus structurel qu’on ne le pense, des marchés financiers combiné à la baisse inéluctable des taux d’intérêt obligataires qui va affecter le rendement des régimes assurantiels à cotisations définies va entraîner une révision indispensable des schémas de gestion de cette épargne de long terme », pronostique Jérôme Dedeyan.

Bonnes pratiques. L’Association française professionnelle de l’épargne retraite a lancé un groupe de travail sur le sujet qui devrait déboucher d’ici à l’année prochaine sur la publication des meilleures pratiques, voire d’une charte de bonne gestion de cette épargne. « Nous avons un gros travail en perspective par rapport à la gouvernance des fonds », estime Jean Cassingena, DRH d’Areva TA. « La seule gouvernance qui fonctionne est celle de l’épargne salariale à conseil de surveillance paritaire qui permet d’établir un dialogue entre les experts de la gestion financière et les représentants du personnel », estime Patrick Alaguero, de Natixis Interépargne. Un modèle qui n’emballe pas les assureurs… Avec ces nouvelles obligations, la réforme des retraites risque, enfin, d’accélérer la segmentation du marché entre, d’un côté, celui des teneurs de compte concentrés autour de quelques grandes plates-formes (Interépargne, Creelia ou la filiale commune créée entre Axa, BNP Paribas ERE, SG et HSBC) et, de l’autre, celui des gestionnaires d’actifs. Un préalable à la mise en place de produits d’épargne fluides et portables que certains appellent de leurs vœux ?

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle