Il y aura cette année de la croissance au niveau mondial, environ 4 %, et donc de l’emploi. Mais elle est désormais découplée. Clairement, il faut distinguer les pays émergents des pays développés. Dans les premiers, la croissance est structurellement forte, donc l’emploi va suivre. Dans les pays riches, c’est plus complexe. Même les États-Unis connaissent un phénomène de chômage de masse accompagné d’une extension du chômage de longue durée. La France vit une situation similaire mais ce n’estpasnouveau. Nous cumulons dans l’Hexagone deux types de problèmes : un chômage keynésien lié à une croissance économique trop faible, et un chômage structurel lié à l’inadéquation de notre droit du travail, au financement de la protection sociale et aux insuffisances de notre système de formation. Si l’on veut faire de la prospective, il faut donc distinguer deux aspects. D’abord, la conjoncture : elle va rester molle ces prochains mois dans la plupart des pays de l’OCDE. Ensuite, la politique économique : pour l’instant, je n’entends pas beaucoup parler des améliorations que l’on pourrait apporter à notre marché du travail. C’est vrai en France, mais aussi ailleurs.
Il va encore falloir attendre pour que le chômage cyclique recule significativement au niveau mondial. Premièrement, la demande finale est encore très faible car les ménages continuent de se désendetter, en particulier aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans certains pays de la zone euro. Deuxièmement, la baisse du nombre d’heures travaillées a été privilégiée dans certains pays plutôt que la réduction de l’emploi. La croissance devra alors être très forte pour engendrer des créations d’emplois. Par exemple, il faudrait que la croissance du PIB atteigne près de 10 % pour que les économies allemandes et japonaises créent significativement des emplois ! Troisièmement, le retour progressif de la croissance va faire revenir sur le marché du travail des travailleurs qui ne cherchaient plus en attendant des jours meilleurs. Enfin, l’activité économique va ralentir avec la fin des plans de relance et du cycle des stocks. Parallèlement, certaines mesures spécifiques de soutien à l’emploi vont cesser fin 2010. En conséquence, le taux de chômage pourrait se stabiliser d’ici à la mi-2011 dans les pays de l’OCDE ; les créations d’emplois seront encore insuffisantes pour qu’il recule significativement.
Les plans de rigueur budgétaire mis en œuvre depuis le début de l’année pour rassurer les marchés financiers vont peser sur la reprise économique et de l’emploi. La demande privée est encore atone : la consommation des ménages est affaiblie par le chômage et l’investissement est plombé par le manque de débouchés et des difficultés d’accès au crédit. Cela va se répercuter sur la reprise de l’emploi à court terme, mais aussi au delà en raison de la progression du chômage de longue durée. Déjà, plus d e 4 chômeurs sur 10 cherchent un emploi depuis plus d’un an. Le chômage de longue durée pourrait être limité par des aides ciblées, qui sont victimes des plans de rigueur. De même, les difficultés d’insertion des jeunes s’étalent sur plusieurs années. En outre, les stratégies de croissance par l’exportation vers certains pays comme l’Allemagne et la Chine n’ont pas été modifiées. Les salaires y progressent moins que la productivité, ce qui les prive de sources internes de croissance et affecte la reprise dans les pays en crise. Le Brésil a montré qu’une politique sociale bien conçue et qu’une progression des salaires équilibrée sont sources de croissance et d’emploi.
Rapport sur le travail dans le monde 2010 : d’une crise à l’autre ?
BIT, Raymond Torres.
Utiliser le contexte économique pour innover.
Les Mobilités des salariés, Mathilde Lemoine et Étienne Wasmer.
« Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2010 » : Faire face à la crise de l’emploi.
