logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Idées

L’après-social

Idées | Livres | publié le : 01.11.2010 | Jean Mercier

Image

L’après-social

Crédit photo Jean Mercier

Pour Alain Touraine, le plus capé des sociologues français, nous traversons une « mégacrise » qui va bien au-delà du choc financier de 2008 et de ses conséquences conjoncturelles. Un changement qu’il résume en disant que nous entrons dans l’ère du « postsocial ». Le théoricien de la société postindustrielle analyse ce phénomène comme le résultat de la dissociation entre une économie de plus en plus globalisée et des problématiques sociales ou politiques qui restent au niveau national. Ce fossé croissant entre l’économie réelle et la vie sociale, politique et culturelle laisse chacun d’entre nous avec sa subjectivité et sa propre conception de ce que devraient être ses droits. En ce sens, la dernière crise aura été particulièrement éclairante sur l’affaiblissement du social dans nos sociétés : syndicats pratiquement réduits au silence devant l’énormité du traumatisme infligé à l’économie mondiale ; appauvrissement du rôle des classes sociales qui perdent leur centralité dans un capitalisme très « financiarisé »; évolution des attentes à l’égard de l’État, contraint d’agir « moins comme un arbitre entre les acteurs sociaux en conflit que comme un médiateur entre l’économie nationale et ses adversaires intervenant sur les marchés internationaux ». Les catégories sociales elles-mêmes se brouillent.? Ouvriers qualifiés devenus techniciens, salariés non qualifiés frappés par le chômage de masse, volume croissant de travailleurs précaires, immigrés traités comme des parias, une telle diversité rend presque impossible de se représenter « la société comme une pyramide dont tous les étages seraient dotés de caractéristiques fortement marquées ». Le scénario catastrophe serait que cette désagrégation sociétale conduise à un « communautarisme défensif » qui pourrait aussi bien prendre la forme d’un protectionnisme économique que d’affrontements religieux. Pour l’éviter, prévient Touraine, il faut élaborer un nouveau projet porté par « la défense du sujet, c’est-à-dire la défense de chacun ». Mais comment transformer ce principe universel en des formes d’organisations et de relations sociales Sur ce plan, on reste sur sa faim. Hormis se laisser guider par la volonté de défendre le parti du plus faible, donner une place centrale à la question du développement durable et en appeler aux États pour qu’ils participent à la défense des droits fondamentaux, la fin manque cruellement de mode d’emploi. La société sans le social, ce n’est pas si facile.

Après la crise, Alain Touraine. Éditions Seuil, collection « La Couleur des idées ». 196 pages, 18 euros.

Auteur

  • Jean Mercier