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La guerre des talents a déjà commencé

Dossier | publié le : 01.11.2010 |

Moyen d’attirer les talents nécessaires dans les pays émergents, le développement d’une culture de groupe est une priorité affirmée des DRH. Mais les mesures concrètes telles que coordonner la fonction RH au niveau mondial pèsent peu dans leurs réponses.

Lentement mais sûrement, les grandes entreprises européennes se déploient hors du Vieux Continent. Cette évolution a commencé il y a plusieurs années, mais les résultats du baromètre Liaisons sociales-CSC sont là pour confirmer la persistance du phénomène. Car, bien que modestes, les écarts entre cette édition 2010 et celle de l’an dernier vont tous dans le même sens. Avec 36 % des réponses (5 points de moins que l’an dernier), le développement d’une culture de groupe prend toujours la première place dans les priorités à l’international pour les DRH. Un résultat qui n’étonne pas Charles-Henri Besseyre des Horts : « L’intention reste au premier rang mais les outils de GRH et de management sont en place. Cette légère baisse est un signe de maturité de certains groupes. » Patrick Plein, directeur du développement RH du groupe Vinci, précise pourquoi le développement d’une culture de groupe est important. « Dans quelques années, il est probable que la majorité de notre chiffre d’affaires provienne de l’international, indique-t-il. Or notre culture est à la fois entrepreneuriale et humaniste. Il est important que cet ADN se retrouve partout dans le monde, sans dilution au fur et à mesure de notre croissance. »

Signe que l’uniformisation des pratiques managériales dans les groupes est un objectif largement partagé, cette priorité affichée du développement d’une culture de groupe étonne quand même Jean Pautrot, ancien directeur de la mobilité du groupe EDF. « En faisant ce choix, les DRH participant au baromètre affirment un objectif général plus qu’ils ne définissent une politique, indique-t-il. Or développer une culture de groupe passe par des mesures concrètes, comme coordonner la fonction RH à l’international, qui ne pèse que 14 % des réponses. Ou internationaliser les postes de dirigeants. »

Mais les intentions des DRH se précisent lorsqu’ils placent l’attraction des talents vers les marchés en développement comme deuxième priorité (28 % des répondants, soit + 5 points par rapport à 2009) et l’identification des potentiels dans les différentes cultures en quatrième priorité, avec 27 % des réponses (+ 3 points). L’affirmation d’une culture de groupe semble être le moyen privilégié pour attirer les talents nécessaires dans les pays émergents. « En ce moment, certains grands groupes font une acquisition par semaine. Ils ont besoin d’installer une culture managériale commune partout dans le monde », note Yves Girouard, professeur associé à Arts et Métiers ParisTech, directeur du mastère Gestion des RH et de la mobilité internationale. Comme chez Otis, où le développement se concrétise aussi par des acquisitions en Europe de l’Est et en Afrique du Sud. « Nous cherchons effectivement à recruter des gens proches de nos valeurs corporate et éthiques, mais nous avons l’habitude de nous développer à travers des rachats d’entreprises locales dans lesquelles nous maintenons le management en place », précise Jana Kley, DRH Europe du Nord, de l’Est et Afrique d’Otis. Ce qui suppose pour les managers des entreprises rachetées d’accepter un minimum de changement à plus ou moins long terme. Mais jusqu’à quel point ?

Les DRH continuent de prôner un positionnement pragmatique sur le sujet. Comme l’an dernier, un bon quart d’entre eux (28 %) choisissent de porter prioritairement leur attention sur l’équilibre entre politique du groupe et politiques locales. « Le développement d’une culture de groupe semble passer majoritairement par l’internationalisation de la gestion de carrière des dirigeants, indique Charles-Henri Besseyre des Horts. Parce que les expatriés coûtent cher. Mais aussi parce que c’est le meilleur moyen de faire émerger de nouveaux potentiels [autre priorité affichée] là où l’entreprise en a le plus besoin. » Un avis que confirme l’importance accordée à l’internationalisation des postes de dirigeants. Un item qui recueille 19 % des réponses, alors que les dirigeants internationaux représentent quelque 0,2 % de la totalité des salariés d’un grand groupe, d’après le Cercle Magellan. De quoi ne pas douter qu’à terme des cadres dirigeants issus des cultures locales, connaissant parfaitement l’entreprise et leurs homologues en place, seront placés à la tête des filiales dans leur pays. Une situation directement issue des réflexions stratégiques des entreprises européennes mondialisées.

19 % des DRH mettent en avant l’internationalisation des postes de dirigeants

CHARLES-HENRI BESSEYRE DES HORTS Professeur de management à HEC

“La gestion internationale des postes de dirigeants est un bon moyen de faire émerger de nouveaux potentiels et de développer la culture groupe. À terme, des managers locaux seront à la tête des filiales étrangères.”

Les priorités RH de mon entreprise à l’international sont

36 % Développement d’une culture de groupe

28 % Attraction des talents vers les marchés en développement

28 % Équilibre entre politique du groupe et politiques locales

27 % Identification des potentiels dans les différentes cultures

19 % Mobilité internationale

15 % Développement d’un dialogue social international

QUESTIONS À
Yves Girouard, président du Cercle Magellan

Les DRH sont-ils en première ligne dans le déploiement des entreprises européennes ?

Ils sont peu présents au moment où leur entreprise s’installe à l’étranger. En général, ce sont des cadres opérationnels expérimentés qui prennent toutes les décisions, y compris au niveau des ressources humaines. Ils recrutent et gèrent leur équipe comme le ferait un responsable de PME. Le rôle de la DRH groupe commence à partir du moment où le nombre de collaborateurs locaux atteint un certain niveau. Il devient nécessaire de standardiser les reportings, d’installer des outils d’e-RH et des procédures identiques à ceux utilisés partout ailleurs dans le monde.

Le développement international ne préoccupe qu’un DRH sur trois. Pourquoi ?

Statistiquement, ce sont majoritairement les entreprises de plus de 6 000 salariés qui sont bien implantées à l’étranger. Au-dessous de cette taille, on s’interroge peut-être, mais trop peu osent sauter le pas. De plus, les PME françaises ont souvent une taille limitée, contrairement à leurs concurrentes allemandes qui sont aussi plus présentes à l’étranger.

37 % des entreprises qui ont répondu ont réduit leurs effectifs, 23 % ont coupé dans le budget formation. Est-ce une tendance générale de crise ?

Quel dommage ! C’est pendant les ralentissements économiques qu’il faut prendre le temps de former son personnel. En Asie, le gouvernement de Singapour a donné une somme d’argent par salarié pour inciter les entreprises locales à les former plutôt qu’à licencier. Elles ont majoritairement suivi.

Est-ce la fin du DRH stratège dans les groupes internationaux ?

Il est clair que la crise force les DRH à se concentrer sur des objectifs à court terme. Mais près de huit DRH sur dix considèrent que l’alignement des politiques RH sur la stratégie de l’entreprise est une attente prioritaire pour sa direction générale. Or, pour être pris au sérieux au stade des discussions stratégiques au sein du comex, un DRH doit aussi être à l’aise avec les notions financières et business. Un grand nombre de membres du Cercle Magellan nous demandent des formations financières adaptées. De manière à devenir un vrai business partner.