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Vie des entreprises

Sale temps pour les salariés de Teleperformance

Vie des entreprises | Décryptage | publié le : 01.10.2010 | Sabine Germain

L’été a été chaud. En France, le leader mondial des centres d’appels a accéléré ses restructurations. Mais ses activités offshore se portent bien.

Débrayages, action en justice des syndicats, intervention fracassante du secrétaire d’État à l’Emploi, Laurent Wauquiez, accusant l’entreprise de favoriser la création de centres d’appels offshore au détriment de l’emploi en France : Teleperformance, le leader mondial des centres d’appels, a vécu un été torride, depuis l’annonce, le 1er juillet, d’un plan de restructuration de sa filiale française. Un remède de cheval prévoyant la fermeture de 8 sites sur 22 et la suppression de 830 emplois (12 % des effectifs).Mais, surtout, une restructuration intervenant quelques semaines seulement après la fin d’un plan de départs volontaires ayant abouti à la suppression de 585 postes.

Le feuilleton n’est pas terminé.

Filiale d’un groupe réalisant 1,85 milliard d’euros de chiffre d’affaires et employant 112 000 salariés dans le monde, Teleperformance France a essuyé une véritable tempête. Et ce n’est probablement pas fini, malgré l’annonce, mi-août, d’une révision du PSE ne prévoyant plus que 639 suppressions d’emplois et l’introduction d’un dispositif de départs volontaires qui pourrait concerner 200 salariés. Si l’on se réfère à la façon dont le plan de départs volontaires engagé en juin 2009 a traîné en longueur, on peut parier que le feuilleton Teleperformance n’est pas terminé. Échaudée par sa précédente expérience, la direction a semblé obsédée par le verrouillage du calendrier de son PSE. Ce qui explique en grande partie le rejet unanime de l’accord de méthode soumis à la signature des partenaires sociaux en juillet : « C’est vrai, nous avons sans doute trop parlé de calendrier, admet Pascal Morvan, le directeur général. Mais, depuis, nous avons amendé notre plan social et rouvert la porte pour négocier un accord de méthode portant davantage sur les modalités que sur le calendrier. »

Au-delà de la méthode, les partenaires sociaux ne semblent guère convaincus par la philosophie du plan de restructuration. « C’est un fait, avec la crise, notre activité a baissé, admet Jean-Paul Le, délégué central CFE-CGC. Mais pas dans les proportions (– 30 %) annoncées par la direction, et surtout pas pour les mêmes raisons. Nous avons, certes, perdu quelques clients. Mais il y a aussi eu des transferts d’activité vers la Tunisie. » Comme Laurent Wauquiez, qui s’est exprimé le 12 juillet, il voit dans les délocalisations la principale cause des difficultés de la filiale française.

Délégué central adjoint de la CFTC (majoritaire avec 25 % du collège employés), Abdou Keita a fait ses comptes : « En janvier 2009, quand les neuf entreprises de Teleperformance on été regroupées en une seule unité économique et sociale, nous étions 8 800 salariés équivalents temps plein. Nous ne sommes plus que 7 100. Dans le même temps, le volume d’activité des centres de Tunisie et du Maroc a explosé. » Difficile d’y voir une simple coïncidence. D’autant que cette perted’effectifs (– 1 700 salariés en dix-huit mois) est largement supérieure aux 585 départs volontaires du plan de janvier 2009. « Chez les employés, le turnover est relativement important, admet Issam Baouafi, délégué central SUD. Mais les licenciements individuels (notamment pour motifs disciplinaires) sont de loin la première cause de cette hémorragie. » Abdou Keita approuve : « Chez Teleperformance Grand Sud, par exemple, on compte une trentaine de licenciements individuels par mois pour abandon de poste, retards, absences… Autant de motifs directement liés à la pression et aux conditions de travail. »

Les partenaires sociaux reconnaissent que dans ce domaine Teleperformance n’est ni pire ni meilleur que ses concurrents. La pression du délai moyen de communication, le manque d’espace, le bruit, la flexibilité des horaires sont difficiles à vivre dans tous les centres d’appels. Le directeur général ne se voile pas la face : « C’est un métier difficile, avec beaucoup de process et de discipline, explique Pascal Morvan. Moyennant quoi les salariés qui passent plus de trois mois dans la profession ont une excellente employabilité. »

Si le DG a quitté le groupe Air France, où il a passé dix-huit ans (notamment comme vice-président d’Air France Cargo), c’est « par goût du défi », avec l’envie de « redorer l’image sociale de la branche ». Ce qui, à l’heure actuelle, relève de la gageure : comment introduire un peu de social dans une branche vivant sous la pression de donneurs d’ordres obsédés par la réduction des coûts. « Ce n’est pas un hasard si SFR (qui a cédé ses centres d’appels de Toulouse en 2007) et Teleperformance ont été condamnés solidairement, le 6 juillet, à indemniser 200 ex-salariés pour “perte de chance” et “perte des avantages collectifs” », note Abdou Keita. « Les donneurs d’ordres ont une responsabilité sociale, ajoute Jean-Paul Le. En externalisant leurs relations client, ils veulent passer d’un coût moyen de 40 à 50 euros l’heure à moins de 30 euros l’heure. Voire 25 euros dans certains cas ! Ce n’est tenable que grâce aux subventions accordées par des collectivités locales prêtes à tout pour attirer les employeurs. »

Feu les états généraux.

Délocalisation et responsabilité des donneurs d’ordres devaient figurer en bonne place au menu des états généraux des centres d’appels, annoncés en fanfare par Laurent Wauquiez en juillet. Ils auraient dû avoir lieu à la rentrée ; on n’en a plus entendu parler… « En 2004, la branche comptait 250 000 salariés, explique-t-on au cabinet du secrétaire d’État à l’Emploi. La signature d’un accord sur la formation et l’emploi devait déboucher sur la création de 100 000 emplois supplémentaires. Six ans plus tard, la branche compte toujours 250 000 emplois alors que l’activité offshore s’est considérablement développée. » Mais plus question de stigmatiser directement Teleperformance, comme cela a été le cas en juillet : « Deux actionnaires du groupe, Philippe Dominati (sénateur UMP) et Serge Dassault (député UMP) auraient fait entendre leur voix », soupire-t-on chez SUD.

Pascal Morvan reste campé sur sa ligne de défense : « Ce plan social n’a rien à voir avec les délocalisations. La preuve : deux tiers des suppressions d’emplois portent sur des postes d’encadrement. Constitué à coups de croissance externe, le groupe souffre d’un surencadrement et d’une grande hétérogénéité des outils de production. » L’argument fait sourire les partenaires sociaux : « Le turnover est, par nature, moins élevé chez les cadres et Etam que chez les employés, note Issam Baouafi. La réduction des effectifs fait mécaniquement monter le taux d’encadrement et enlève, de surcroît, tout espoir d’évolution aux salariés. » L’automne – avec la négociation du plan de restructuration – promet, lui aussi, d’être chaud…

7100 salariés

CHIFFRE D’AFFAIRES

300 millions d’euros en 2009

RÉSULTAT

36 millions d’euros de perte d’exploitation en 2009

SALAIRE DE BASE

1 480 euros brut mensuel pour les conseillers (plus variable)

MOYENNE D’ÂGE

30 ans

Source : Teleperformance.

Auteur

  • Sabine Germain