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Vie des entreprises

Guillaume Richard ménage ses salariés pour doper O2

Vie des entreprises | Méthode | publié le : 01.09.2010 | Éric Béal

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Une croissance exponentielle

Crédit photo Éric Béal

Ménage, repassage, garde d’enfants… Pour avoir des salariés et des clients satisfaits, le patron d’O2 Home Services porte une grande attention au recrutement, à la GRH, au respect du salarié. Et offre des avantages sociaux inédits dans le secteur.

Loin de la capitale, de ses loyers faramineux et de ses salaires élevés, Guillaume Richard a choisi d’installer le siège du réseau O2 Home Services dans de modestes locaux, au cœur d’une zone franche urbaine du Mans. À moins d’une heure de TGV de Paris. Une implantation un peu inattendue pour cette enseigne de services à la personne créée en 2000, que cet entrepreneur dans l’âme verrait bien révolutionner le secteur. Avec 125 agences proposant aux particuliers des prestations de ménage, de repassage, de garde d’enfants et éventuellement de jardinage et de petit bricolage, le développement d’O2 Home Services a de quoi impressionner. L’entreprise est passée de la trente-huitième place en 2006 à la septième en 2009, au palmarès des plus gros recruteurs en France. Entre Sodexo et Eiffage. Une progression spectaculaire pour une PME qui a réalisé 43,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009 et emploie 5 800 salariés, dont la grande majorité à temps partiel. Mais les ambitions du P-DG d’O2 Home Services ne s’arrêtent pas là. Pour l’année 2010, 4200 recrutements sont programmés. Et, d’ici à cinq ans, il envisage sérieusement d’être à la tête d’un réseau de 600 agences réparties sur l’ensemble du territoire français.

1-S’appuyer sur des valeurs.

Chez O2, on ne plaisante pas avec le respect. Celui qui est dû aux salariés. L’enseigne distribue un petit « guide des droits et devoirs du client O2 » à chaque nouveau client. Un document en trois chapitres : respect du contrat, respect de l’hygiène et de la sécurité, respect de la personne. « Nous ne vendons pas de produit, mais de la prestation de services effectuée par nos salariés. La qualité de la prestation est primordiale pour garder nos clients, mais le respect du salarié est indispensable au maintien de cette qualité. C’est pourquoi nous ne tolérons pas d’attitude insultante, irrespectueuse ou intolérante à l’égard de notre personnel. Nous ne gardons pas un client qui n’en tient pas compte », explique Éric Schneider, directeur du réseau. Lequel s’empresse d’ajouter que les litiges sont rares. « Dans la plupart des cas, il s’agit d’un manque de communication facilement réglé par le responsable hiérarchique. » Les relations avec le client sont gérées par le chef d’agence ou l’assistante commerciale. Cette règle de base apporte un peu de sérénité aux aides-ménagères et permet à la hiérarchie de contrôler la satisfaction des clients et la qualité du travail fourni.

Le respect de la diversité fait également partie des valeurs de base du groupe. Depuis le début de l’année, O2 a complété son équipe de direction par une chargée de la politique handicap. Et le séminaire annuel des chefs d’agence a été l’occasion d’évoquer les avantages d’un recrutement ouvert aux handicapés. « Il y avait des réticences, mais, depuis, nous avons eu la satisfaction d’enregistrer la déclaration en tant que travailleur handicapé de deux chefs d’agence, une diabétique et une victime de la maladie du sommeil. Et nous irons jusqu’au testing pour savoir si les chefs d’agence convoquent les candidats handicapés », indique Jean-François Auclair, le DRH.

L’enseigne est plutôt à l’aise sur les autres volets de la diversité. Elle compte 28 nationalités dans ses rangs et enregistre un taux de 17,4 % de personnes de plus de 50 ans à l’embauche. Un accord senior a d’ailleurs été signé. Le texte ne couvre que les 130 personnes des quatre sociétés présentes au siège : le holding O2 Développement, la SSII Itsap, le centre de formation Asap et O2 France (marketing-partenariat). Mais la CFDT, seul syndicat représenté, ne désespère pas de le voir sous peu s’étendre aux 125 agences du groupe(voir entretien page 44). « Avec 35 ans de moyenne d’âge au siège, cet accord ne constituait pas une urgence. Mais j’espère obtenir bientôt la mise en place d’une UES nationale pour couvrir l’ensemble des personnels et pouvoir négocier sur d’autres sujets », souligne Sandrine Papot, la déléguée CFDT.

Cette vision dynamique du dialogue social ne déplaît pas à Jean-François Auclair. « Nous avons six régions opérationnelles. Il serait très compliqué de mener des négociations séparées, et les directeurs de région n’y sont pas forcément préparés. Pour autant, nous avons besoin de négocier des textes sur l’organisation du temps de travail, la modulation ou la GPEC. » En attendant une concrétisation de ces bonnes intentions, une politique senior a été mise en place de façon unilatérale dans les agences.

2-Soigner le recrutement.

Dans une enseigne où le turn­over est supérieur à 20 %, le recrutement est le nerf de la guerre. « Je passe beaucoup de temps à recevoir des candidats. J’ai besoin d’anticiper l’embauche des assistantes ménagères pour répondre immédiatement aux nouveaux clients qui nous sollicitent », souligne Éric Strigini, responsable de l’agence de Clermont-Ferrand. Les diplômes ont moins d’importance que l’autonomie. Les chefs d’agence recherchent d’abord un savoir-faire pratique et un réel savoir-être.

Pour les aider dans cette tâche stratégique, l’enseigne récolte les CV sur son site et fournit des tracts à déposer chez les commerçants. Elle les oblige également à utiliser un protocole de recrutement en six étapes. « Une fois le premier contact établi, nous discutons avec le candidat pour tester sa motivation, examiner le volume d’heures souhaité, la zone d’intervention possible, s’il détient ou non un permis de conduire », explique Jean-François Auclair. Puis une information collective est organisée à l’agence. « J’en fais une par semaine, indique Maryse Berteau, chef d’agence à Asnières. Je reçois beaucoup de mères de famille ou d’anciens salariés dans le nettoyage industriel. » Dans d’autres agences, les profils sont plus variés et il n’est pas rare que des diplômés bac + 2 viennent se renseigner.

Au cours de cette séance, l’animateur présente les métiers, les avantages sociaux offerts par O2, les outils de travail et les opportunités de carrière. « À ce stade, la moitié des postulants est généralement partie », assure Maryse Berteau. Ceux qui restent répondent à des tests sur les produits et les instructions. Cette étape franchie, le candidat passe un entretien de recrutement puis éventuellement un entretien d’embauche et d’accueil. Il faut une vingtaine de candidats pour concrétiser un recrutement. « Nous rencontrons des difficultés à attirer de bons éléments, note le DRH. Nos métiers souffrent d’un manque d’image. C’est pourquoi nous allons aussi chercher des gens plus éloignés de l’emploi en lien avec nos partenaires emploi. Lorsqu’elles sont prêtes, ces personnes sont très fidèles à l’entreprise. » Sur le terrain, certains chefs d’agence constatent que ces publics nécessitent un gros investissement. Faute de temps, certains préfèrent s’abstenir.

En juin 2009, O2 a signé une convention avec l’Éducation nationale pour inciter les employés de vie scolaire dont le poste n’était pas reconduit à valoriser leur savoir-faire comme garde d’enfants. Mais l’initiative n’a pas été fructueuse.

3-Épauler les chefs d’agence.

Gestionnaire de fait d’une SARL dont le patron est Guillaume Richard, le chef d’agence débute en moyenne à 2 300 euros brut, plus la prime d’objectif. Cette rémunération, peu attrayante pour un véritable chef d’entreprise qui ne compte pas ses heures, augmente avec le chiffre d’affaires. Une progression d’autant plus réalisable que le chef d’agence n’est pas livré à lui-même. Au-dessus de lui, son directeur de zone et son directeur régional sont là pour l’épauler. Depuis peu, une « cellule support » installée au siège est également à la disposition des chefs d’agence débordés.

Au Mans, un centre téléphonique réceptionne les appels des futurs clients sur un numéro national et remplit directement l’agenda électronique des patrons d’agence. Ces derniers organisent les plannings d’intervention de leurs salariés sur le système informatique central Odyssée. Mais ce renfort technologique ne suffit pas. Depuis deux ans, la direction organise des séminaires pour faire émerger les meilleures pratiques. « Au printemps dernier, nous avons planché en séminaire avec une dizaine d’autres chefs d’agence et des directeurs régionaux sur la GRH, l’organisation des interventions et la commercialisation. Finalement, nous avons constitué des fiches avec les meilleures idées, pour diffuser l’information à travers le réseau et unifier nos pratiques », raconte Sophie Cerisier, responsable de l’agence d’Issy-les-Moulineaux.

Les chefs d’agence ayant souhaité pouvoir rendre visite à leurs collègues pour confronter leurs pratiques, Guillaume Richard a pris la balle au bond et institué les journées « vis ma vie », l’occasion de visiter une agence pendant une journée.

4-Offrir des avantages sociaux.

Le P-DG n’oublie pas les assistantes ménagères. « Derrière un client satisfait, il y a 99 fois sur 100 un salarié satisfait », assure-t-il. L’instauration de quatre niveaux de prestation permet d’offrir un parcours progressif. Le premier niveau est rémunéré au taux du smic horaire. Les trois suivants bénéficient à chaque fois de 0,50 euro supplémentaire de l’heure. « Nous publions une grille des salaires chaque année », précise le DRH. O2 offre également des avantages sociaux très appréciés car peu fréquents dans la branche : remboursement des frais de transport en fonction du temps de travail (100 % si la personne est à plein temps), mutuelle facultative pour toute la famille, tarifs réduits sur les spectacles, les voyages, divers loisirs, avec le « club avantages » ou encore aide au logement grâce au 1 % patronal.

Une lettre mensuelle d’information interne est également distribuée. Dans certaines agences, le responsable apporte un petit plus sous forme d’une réunion d’échange entre assistantes ménagères. « J’en organise deux par an, indique Sabrina Halitim, qui dirige O2 Valenciennes. J’édite aussi une petite lettre d’information pour signaler les anniversaires, partager des trucs et astuces ou présenter les nouvelles têtes. »

5-Valoriser les salariés.

Développer le chiffre d’affaires nécessite de diminuer le turnover. Les chefs d’agence le répètent à l’envi. « L’activité est freinée par le manque de personnel. Nous avons souvent des demandes en attente, faute de pouvoir proposer quelqu’un », indique Alison Vilette, chef de l’agence de Villeneuve-d’Ascq. Un certain nombre de salariés acceptent ce travail faute de mieux et s’en vont dès que possible. « Nous devons convaincre les salariés de l’intérêt de s’investir dans nos métiers. C’est pourquoi nous leur facilitons la vie grâce à des outils de travail va­lorisants », indique le DRH.

Dès confirmation de son recrutement, chaque intervenante se voit remettre un téléphone portable, pour appeler gratuitement son agence ou son responsable. O2 a également négocié avec l’opérateur un forfait très intéressant pour celles qui souhaitent l’utiliser à des fins personnelles. La nouvelle recrue reçoit un cahier de liaison pour communiquer avec ses clients, des cartes de visite à son nom, avec le numéro national du réseau et l’adresse de son agence, ainsi qu’une tenue de travail appropriée. Une feuille de route détaille ses horaires et les adresses de ses interventions.

L’organisation serrée des interventions est particulièrement appréciée. « Je travaillais pour une association qui n’arrivait pas à me donner plus de quinze heures hebdomadaires. Aujourd’hui je fais trente et une heures et je peux emmener et reprendre mes enfants à l’école », explique Valérie, assistante ménagère à Valenciennes. Un détail qui compte pour cette ancienne coiffeuse qui élève seule ses enfants. De son côté, Hafida travaillait au noir chez des particuliers. Elle apprécie de pouvoir refuser un client si le courant ne passe pas. Elle cite l’écoute et « le respect des gens » dont sa hiérarchie fait preuve, ainsi que la possibilité de progresser grâce aux formations. « J’ai appris à utiliser les produits écologiques. Dorénavant, je peux effectuer les prestations “confort et prestige” qui sont mieux rémunérées. » Cette satisfaction est très partagée. L’an dernier, le baromètre social interne établi sur 700 réponses anonymes faisait état de 89 % de salariés contents de leur sort.

La possibilité de faire carrière en interne est bien ancrée dans les esprits. Isabelle, assistante ménagère à Lille, a bon espoir de devenir chargée de clientèle. « J’ai été vendeuse en prêt-à-porter, explique-t-elle. Je suis à l’aise avec le relationnel client. » Elle sait que plusieurs collègues ont déjà connu une telle évolution. Car le « livret d’accueil et de sécurité O2 » ne proclame pas en vain que la société « met tout en œuvre pour […] proposer un véritable parcours professionnel ». Recrutée comme chargée de clientèle en septembre 2009, Mariannick Colliaux est devenue responsable de secteur à Bois-Colombes en décembre. Puis, en juin, elle a ouvert l’agence de Nice. Une double victoire pour cette jeune femme titulaire d’un BTS d’action commerciale qui a vu exaucé son souhait de revenir dans sa région d’origine. Et un parcours éclair qu’O2 peut mettre en avant pour prouver à ses salariés que l’investissement paie.

Repères

En 1996, David Eve et un associé créent à Lille la première plate-forme privée de services à domicile en France : Unipôles. En 1999, Guillaume Richard, Renaud Sibille et un associé créent, à Paris, une société identique : At Home.

2000

Fusion d’Unipôles et d’At Home sous le nom d’O2. La première agence, à Lille, propose plus de 80 services à domicile. Avec l’expérience, les associés en réduisent le nombre et embauchent des salariés pour contrôler la qualité des services proposés.

2004

Création de deux nouvelles agences, installation du siège au Mans. Guillaume Richard devient DG.

2006

Entrée du fonds Évolem dans le capital et emprunt bancaire pour financer le développement.

2007

Ouverture de 65 agences en huit mois. Toutes les agences (93 au total) sont certifiées Qualicert.

2009

Ouverture de 30 nouvelles agences spécialisées dans la garde d’enfants.

Une croissance exponentielle
ENTRETIEN AVEC GUILLAUME RICHARD, P-DG D’O2
“Un salarié épanoui a toutes les chances de satisfaire le client”

Quelles raisons vous ont incité à créer une entreprise de services à la personne ?

Parmi mes nombreuses idées, j’ai choisi à l’époque celle qui me paraissait la plus porteuse d’avenir. Le développement du marché des services à la personne sera exponentiel pour peu que l’on assure une qualité de prestation élevée et constante. De plus, avec la disparition progressive des industries de main-d’œuvre, nos métiers sont pratiquement les seuls à pouvoir proposer des perspectives d’intégration et d’ascension sociale aux personnes peu qualifiées.

Pourquoi recruter des salariés en direct plutôt que d’être un intermédiaire entre le client et le salarié ?

En 1999, j’ai fondé avec trois associés une plate-forme de services en sous-traitance sur le modèle concepteur-distributeur. Mais nous nous sommes rapidement rendu compte que les métiers du service à la personne exigent de réelles compétences. Or, pour maîtriser la qualité de prestation, il faut maîtriser le recrutement et la gestion des salariés et garder le contact direct avec les clients.

Une longue procédure de recrutement, de gros investissements dans la formation…, cela peut surprendre pour des métiers peu qualifiés ?

Nous soignons le recrutement car un salarié épanoui a toutes les chances de satisfaire le client. Et, en moyenne, un tiers des clients partent lorsque le salarié nous quitte. Par ailleurs, s’il est content de son sort, le salarié ne sera pas tenté d’aller trouver mieux ailleurs. Nous recevons de 6 000 à 7 000 candidatures par mois, mais nous n’en retenons que 5 %. La sélection ne s’opère pas en fonction des diplômes mais en fonction des compétences et aptitudes ainsi que du savoir-être et de la motivation des candidats.

Quelle est votre philosophie de management ?

Nous sommes dans une logique de proximité. Le chef d’agence doit soigner ses plannings et bien connaître ses salariés pour leur assurer un nombre d’heures de travail correspondant à leur souhait. Les formations internes leur permettent de progresser et, parallèlement, nos quatre niveaux de prestation vis-à-vis du client nous permettent de récompenser leur montée en compétence par une meilleure rémunération. Notre objectif est également de trouver en interne 70 % des encadrants d’agence dont nous aurons besoin dans les cinq ans.

Pourquoi avoir choisi de créer une entreprise pour chaque agence ?

Parce que les agréments étaient à l’origine départementaux et que nous envisagions de faire entrer des associés dans le capital de chaque agence. Même si les conditions ont changé, nous maintenons cette organisation car l’entreprise s’est structurée en intégrant cette contrainte. Il est vrai que la multiplication des SARL peut compliquer le dialogue social. C’est pourquoi nous réfléchissons avec nos représentants du personnel à la meilleure façon d’optimiser le dialogue social au sein d’O2.

Une convention collective de branche est-elle indispensable à l’essor des métiers du service à la personne ?

Oui, car nous devons améliorer l’image de nos métiers auprès des salariés et du grand public. Nous souhaitons donc l’émergence d’une convention collective unique qui permette une évolution professionnelle régulière pour les salariés.

Le coût du travail est-il trop élevé en France pour une entreprise de main-d’œuvre ?

La vraie question est de savoir ce que l’on peut faire payer aux clients. Notre principal concurrent est le travail au noir. Dans notre secteur, un emploi sur deux n’est pas déclaré. Mais les allégements de charges sur les bas salaires, ajoutés aux déductions fiscales pour les consommateurs, créent un environnement positif.

Faut-il une représentation syndicale dans les TPE ?

Je suis très réservé sur la représentation syndicale obligatoire dans les TPE. Car le dialogue social y est très souvent de bonne qualité. Quant aux commissions paritaires territoriales proposées dans le projet de loi*, je ne vois pas comment garder la spécificité du dialogue social de chaque entreprise au sein d’une instance de concertation globale. Et puis nous avons déjà une instance de branche pour les sujets généraux.

Propos recueillis par Éric Béal et Jean-Paul Coulange

* Disposition disparue de la loi votée le 8 juillet à l’Assemblée nationale.

GUILLAUME RICHARD

36 ans.

1996

Contrôleur de gestion puis de projet à la Française des jeux.

1999

Directeur marketing et communication pour le projet O2, après la fusion d’At Home et d’Unipôles.

DE 2001 À 2004

Adjoint au directeur d’exploitation chez Relais H.

JUIN 2004

Directeur d’O2 Développement.

DEPUIS 2007

P-DG du groupe.

Auteur

  • Éric Béal

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