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Métropoles

Une ville en quête d’un nouveau souffle

Métropoles | publié le : 01.05.2010 | L. D.

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Une ville en quête d’un nouveau souffle

Crédit photo L. D.

Nantes s’est forgé une image de dynamisme culturel et économique. Mais son essor se heurte aujourd’hui à son faible rayonnement international.

Nantes n’est pas une ville évidente. Il faut du temps et des kilomètres pour l’appréhender. « Au moment des élections, quand les télévisions viennent à Nantes, on ne sait pas où les mettre ! » commente un observateur du cru. Ici, il n’y a pas une patte architecturale bien nette, un monument, une place qui marque la ville. Elle a même l’air d’avoir été bâtie autour de plusieurs centres, du château des ducs de Bretagne au passage de la Pommeraye en passant par le quartier de la gare, avec son architecture ultracontemporaine. Sur l’île de Nantes, vaste friche industrielle au cœur de la ville, on tâtonne entre un passé industriel omniprésent et des tentations futuristes qui s’incarnent sous la forme d’un éléphant articulé, d’immeubles avant-gardistes ou de jeunes entreprises innovant dans le domaine de la création, du design ou du développement durable…

Mais n’est-ce pas finalement ce mélange des genres qui fait sa marque de fabrique ? « C’est une ville de brassage et de passage, raconte l’historien Ghislain de La Gatinais. Elle a toujours été dominée par le port, qui est aujourd’hui, avec Saint-Nazaire, le premier de l’Atlantique et le quatrième port français. Toutes les activités économiques qui s’y sont développées en découlent, de la conserverie de poissons à la biscuiterie, de la construction navale à la finance jusqu’aux GPS produits par Magellan. » Une foule de PME constituées en filières autour de quelques grands donneurs d’ordres contribuent à faire des Pays de la Loire la troisième région industrielle de France. Parallèlement, une autre famille de PME perpétue la tradition de l’agroalimentaire, tandis qu’à Nantes même le tertiaire et l’innovation montent en puissance. Les services y représentent 8 emplois sur 10 et, selon l’Apec, 47 % des emplois créés en 2010 le seront dans ce secteur. Une prédominance qui a amorti la crise à Nantes même.

Ville de réseaux à forte tradition démocrate-chrétienne, Nantes a vu se développer des organisations syndicales puissantes qui ont marqué l’histoire sociale de la région. Aujourd’hui, la CFDT domine le paysage, même si la CGT reste très ancrée dans les activités portuaires. Elle se distingue aussi par son économie sociale et solidaire. On y trouve des Scop comme Macoretz dans le bâtiment ou la marque de jouets Moulin Roty, et des entreprises d’insertion comme Volutique, dans le bâtiment.

Cette diversité contribue à l’attractivité de l’agglomération, de même que l’aura culturelle acquise par la ville au cours des vingt dernières années. En 2009 encore, selon une enquête de l’Insee, la sixième agglomération française figurait en sixième place des villes préférées des cadres, qui plébiscitent sa qualité de vie. Ils arrivent d’ailleurs en nombre : « En 1994, on comptait 3500 recrutements de statut cadre, commente Michel Launay, directeur de l’Apec ; en 2008, 8 500 ! » Ce n’était pourtant pas gagné. Au milieu des années 80, une vraie morosité pesait sur la ville. C’était l’époque des grands conflits sociaux qui ont précédé la fermeture des Chantiers navals en 1987.

« C’est la conjonction de nouveaux éléments qui a permis d’inverser très vite cet état d’esprit, souligne Ghislain de La Gatinais. En 1989, Jean-Marc Ayrault arrive à la mairie, l’année où Nantes est reliée à Paris par le TGV et l’autoroute, et une nouvelle ère s’ouvre pour la ville. » Grâce à des projets culturels audacieux – les Allumés de Nantes, La Folle Journée ou Royal de Luxe –, Nantes opère une mue spectaculaire et passe en quelques années du statut de cité pluvieuse et sinistrée à celui de pionnière de la culture. « Ils ont même réussi à faire croire que Nantes était au bord de la mer, s’amuse une Nantaise d’adoption, alors qu’elle est à une heure du centre-ville ! »

Parallèlement,lavillese dote d’un appareil de formation de haut niveau. Dans les années 90, sept écoles d’ingénieurs sont ouvertes à Nantes, qui compte à présent 17 grandes écoles. Du côté de l’université, Polytech se développe avec un rayonnement international. Au total, 52 000 étudiants se forment dans l’agglomération. Mais l’an dernier, Nantes n’a pas été retenue dans le plan Campus et cela a été vécu comme un symptôme de ses fragilités, de son manque de visibilité, voire de lisibilité. « Notre faiblesse, c’est l’ouverture à l’international, note Alain Mustière, président du conseil économique et social régional. C’est pour cette raison que la construction de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes est vitale pour les Pays de la Loire. On est arrivé au bout de l’ère TGV. »

Bruno Hug de Larauze, président de la CCI de Saint-Nazaire, abonde : « Les entreprises marquent le pas car elles doivent mener quatre combats en même temps : celui de la crise économique, celui de la mondialisation et ceux de l’innovation et de la compétitivité. Les entreprises du bassin nantais ne travaillent pas assez en réseau et ne sont pas assez internationales. Nous essayons de les pousser mais, face à ceux qui veulent toujours aller plus loin, il y a tous ceux qui pensent qu’il faut faire une pause. » Faire une pause, ou poursuivre et sécuriser le développement amorcé depuis le début des années 90… Les acteurs économiques et politiques ont-ils vraiment le choix ?

Auteur

  • L. D.