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Éditorial

Le silence assourdissant des banlieues

Éditorial | publié le : 01.04.2010 | Jean-Paul Coulange

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Le silence assourdissant des banlieues

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Parmi les nombreux enseignements des élections régionales, il en est un qui en dit long sur l’état de notre démocratie. C’est le taux d’abstention dans ce que l’on appelle, par commodité, les banlieues. Les chiffres sont alarmants : 68,7 % d’abstention, au second tour, à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis ; 66,7 % à Vaulx-en-Velin, dans le Rhône ; ou encore 65,7 % à Roubaix, dans le Nord. Et, parfois, plus de 80 % dans les quartiers les plus défavorisés. Autre facteur d’inquiétude, la participation a chuté en moyenne de 20 points entre le scrutin régional de 2004 et celui de 2010 dans ces communes en souffrance. Un signal d’alarme qui s’adresse autant à la majorité qu’à l’opposition.

La gauche, qui gère, entre autres, l’Ile-de-France, Rhône-Alpes, le Nord-Pas-de-Calais ou Provence-Alpes-Côte d’Azur, n’a pas su convaincre les électeurs des banlieues de se rendre dans l’isoloir. La majeure partie des budgets des régions étant consacrée au financement des transports, de la formation, et notamment de l’apprentissage, ou encore au développement économique, l’abstention record de l’électorat de banlieue montre bien qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. Aux ténors du PS qui paradaient, au soir du 21 mars, et attribuaient, pour partie, la victoire au bilan des présidents de région sortants, il convient de rappeler qu’il y a aussi un envers au décor.

Pour la majorité, le silence des banlieues est également une sévère sanction. Car la politique de la ville est l’un des domaines dans lesquels s’est investi le président de la République. Fer de lance du dispositif gouvernemental, le plan Espoir banlieues, défendu par une Fadela Amara bien seule à la manœuvre, porte décidément mal son nom. « L’intégration, ça commence avec la feuille de paie », a coutume de dire la titulaire de ce maroquin. Selon les données de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, datant d’avant la crise, un quart des jeunes de banlieue sont au chômage, contre 15 % dans les quartiers plus favorisés de ces mêmes agglomérations. Même diplômés, ils ont 1,7 fois moins de chances que les autres jeunes d’accéder à un emploi stable. Enfin, un tiers des habitants et 20 % des jeunes des quartiers sensibles vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

Les rangs des partisans d’un plan Marshall, autrement dit d’un effort financier exceptionnel en faveur des banlieues, vont certainement grossir au vu des taux de participation indigents des élections régionales. On connaît d’avance les objections des grands argentiers de l’État : pas d’argent dans les caisses, trop de dette publique… D’un strict point de vue budgétaire, ils n’ont pas tort. Mais, politiquement parlant, il n’est pas du tout certain qu’ils aient raison. Car, si la désespérance des populations des banlieues s’est traduite, cette fois-ci, par le refus d’aller voter, on peut craindre qu’elle ne prenne à l’avenir des formes plus violentes.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange