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Vie des entreprises

Cetelem plus généreux que Sofinco avec ses salariés

Vie des entreprises | Match | publié le : 01.03.2010 | Éric Béal

Les conseillers clients des organismes de crédit ne sont guère ravis de devenir des téléopérateurs. Mais la filiale de BNP Paribas soigne davantage sa GRH et son dialogue social que celle du Crédit agricole.

L’âge d’or des établissements de crédit tire à sa fin. Dans les semaines à venir, le projet de loi « portant réforme du crédit à la consommation » concocté par Christine Lagarde sera définitivement adopté par le Parlement. Un texte qui inquiète la profession car il encadrera notamment l’offre de crédit renouvelable, le fameux crédit revolving aux taux prohibitifs, et devrait rendre les prêts supérieurs à 6 000 euros bien moins rentables pour les établissements spécialisés. Un souci de plus pour les enseignes du secteur, déjà touchées par une baisse drastique de la demande. En 2009, le volume des crédits à la consommation a chuté de 13,3 %, selon l’Association française des sociétés financières. Du jamais-vu depuis quarante-cinq ans.

Avec 112,5 milliards d’euros d’encours gérés et 5 000 collaborateurs, BNP Paribas Personal Finance est le leader français. Il est plus connu des consommateurs sous sa marque Cetelem, créée en 1953 par la Compagnie bancaire, devenue Paribas en 1997 et passée, depuis, dans le giron de la BNP. Cet adossement à un grand réseau bancaire lui a permis de ne pas trop souffrir de la crise financière, l’argent pour les prêts étant toujours disponible.

Le mariage de Sofinco et de Finaref. Un avantage dont profite aussi le numéro deux, Sofinco, 2 550 collaborateurs en France. Créée en 1951 à l’initiative de la Fédération nationale de l’ameublement, la Société de financement industriel et commercialfait partie depuis 1999 de la galaxie Crédit agricole. Ce rattachement à la banque verte sera d’ailleurs renforcé le 1er avril, lorsque Sofinco prendra le nom de Crédit agricole Consumer Finance. Cette modification de la raison sociale de l’établissement de crédit sera le couronnement du rapprochement avec Finaref, une autre filiale du Crédit agricole spécialisée dans le crédit à la consommation. Entamée au printemps 2009, l’opération devait aboutir à la fermeture de toutes les agences en propre et à la suppression de 226 emplois, principalement par des départs volontaires. Elle a donné lieu à une contestation en règle de la part des représentants du personnel, qui ont obtenu la suspension du PSE par le tribunal de grande instance de Paris le 29 octobre dernier. Pour absence de mesures de reclassement. « La direction a pris acte de cette décision et, pour le moment, les agences restent ouvertes. Mais, à terme, le groupe veut concentrer l’activité sur des plates-formes téléphoniques. L’opération s’apparente au sauvetage de Finaref, qui est plus touché que Sofinco par la crise car il est spécialisé dans le crédit revolving. La direction prend prétexte de la crise pour réaliser une fusion, et ce sont les salariés qui vont payer la note », estime la secrétaire du comité d’entreprise Isabelle Garcia Ballester (FO).

95 % des salariés de Cetelem touchés par la réorganisation ont été reclassés dans le groupe

Centres téléphoniques. Le remplacement des agences par des centres téléphoniques est une tendance générale. À Cetelem – Personal Finance selon la terminologie interne –, 60 agences de proximité ont été supprimées en 2007 et les salariés regroupés dans des centres de relation clients installés dans des capitales régionales. Baptisée « défi 2008 », cette opération a été suivie de la fusion de plusieurs filiales dont les métiers étaient très proches : UCB, Invest Immo et MRC. L’opération « défi 2008 » s’est soldée par la suppression de 155 ? postes, mais « l’accompagnement social a été très efficace », assure Dominique Cappe de Baillon, délégué CFDT. Reconversion dans le groupe BNP, aides financières pour faciliter les mobilités géographiques, prise en charge de la carrière du conjoint, formation avec maintien de salaire et préretraites ont permis de reclasser 95 % des salariés touchés. « Il n’y a eu que très peu de licenciements. Et ces salariés étaient tous volontaires pour partir », assure Florence Lamamy, déléguée syndicale du Syndicat national de la banque (SNB CFE-CGC) et secrétaire du comité central d’entreprise.

Dans les restructurations en cours chez Sofinco, le travail des représentants du personnel est compliqué par l’absence de comités d’établissement, alors que les sites sont dispersés dans toute la France. Les 30 élus du CE multiplient les déplacements pour rendre visite aux salariés. Élue depuis six ans, Isabelle Garcia Ballester a dû se battre pour disposer librement du budget de fonctionnement du CE. « Avant mon arrivée, il était géré par la DRH, qui indiquait aux élus ce qu’ils pouvaient dépenser. »

Récemment, le dialogue social s’est tendu pour d’autres raisons. « Nous n’avons plus vraiment de patron depuis le départ de Patrick Valroff à la tête de Calyon en 2008. Nous avons déjà usé un président et un directeur général et on nous a annoncé que la direction actuelle était provisoire », note un représentant du personnel. « Le directeur général n’a plus de marge de manœuvre et doit suivre les directives de l’actionnaire », souligne Pascal Sorin, délégué FO. Autre source de tensions, la communication interne a été confiée à une agence extérieure et les élus du CE n’hésitent pas à diffuser des communiqués pour démentir la « propagande de la direction ».

Si les relations sociales ne sont pas non plus extraordinaires chez Cetelem Personal Finance, les organisations syndicales ont néanmoins signé, ou s’apprêtent à le faire, des accords sur le statut social des salariés et le temps de travail. Les délégués ont obtenu de nouveaux moyens pour exercer leur mandat. Jusqu’à la possibilité d’une VAE : une valorisation de l’activité syndicale avec accompagnement d’un expert. « Mais les représentants du personnel s’inquiètent de la teneur des négociations à venir sur les différents chantiers stratégiques », affirme Florence Lamamy.

Cette tradition de dialogue social ne date pas d’hier. Avant le regroupement des collaborateurs sur des plates-formes téléphoniques, les représentants du personnel ont été associés à la réflexion sur l’ergonomie et l’architecture intérieure des nouveaux sites. « Nous avons souhaité que les salariés issus des agences retrouvent une ambiance conviviale et un rapport étroit avec leur manager de proximité. D’ailleurs, la dernière enquête sociale interne indique un très bon niveau de satisfaction sur l’environnement de travail », explique Annick Verdier, la directrice des ressources humaines.

Une relation au client dépersonnalisée. Chez Sofinco, en revanche, la réorganisation en centres de gestion de la clientèle passe mal. « La parcellisation des tâches et l’industrialisation des méthodes de travail avec des scripts à suivre pour répondre aux clients, des logiciels qui appellent automatiquement un nouveau prospect dès que vous en avez fini avec le précédent rendent le travail pénible », pointe Éric Debrion, délégué CFDT. La spécialisation des postes et la dépersonnalisation de la relation au client, favorisée par une gestion centralisée des appels, n’arrangent rien. « Nous avons un réel problème de souffrance au travail. Le turnover et les arrêts maladie ont beaucoup augmenté », indique Christine Deneuve, secrétaire du CHSCT.

Une expertise chez Sofinco a suscité de l’émoi : les salariés y décrivent un travail inhumain

Un rapport d’expertise remis en décembre par le cabinet Émergence a suscité de l’émoi en interne. Les salariés y décrivent un travail inhumain. « On laisse notre cerveau sur le bureau et on le reprend en partant », indique ainsi une jeune femme. Les open spaces, avec tableau électronique indiquant le nombre de clients en attente, accentuent le ressenti de stress. L’organisation en double tâche, abandonnée il y a six mois, aggravait encore la situation. En plus de la gestion des appels, les salariés des centres de gestion de la clientèle devaient répondre au courrier. « Nous avons obtenu l’arrêt de cette obligation après huit ans de combat avec la direction », précise Christine Deneuve. Ni la DRH, qui se refusait à donner des précisions sur le nombre global d’arrêts de travail, lequel ne distinguait pas les congés de maternité et les congés maladie.

Côté rémunérations et avantages sociaux,labalance penche également en faveur de Cetelem. Fin janvier, les négociations annuelles obligatoires n’avaient pas encore commencé, mais les délégués syndicaux s’attendaient à des propositions semblables à celles de 2009 : 1 % d’augmentation générale et 2 % pour les augmentations individuelles. Une enveloppe améliorée par l’équivalent d’un mois et demi de salaire au titre de la participation et de l’intéressement. Sans oublier les 3,4 % de la masse salariale qui alimentent le budget social du comité central d’entreprise.

Chez Sofinco, les représentants du personnel ont déposé en janvier un préavis de grève pour dénoncer l’indigence des propositions salariales de la direction. Tirant argument de la crise, celle-ci avait présenté une enveloppe de 1,3 % pour les mesures individuelles et refusait toute augmentation générale. Pour couronner le tout, elle avait annoncé que les accords de participation et d’intéressement, qui procuraient aux salariés l’équivalent de trois mois de salaire, ne seraient pas maintenus en l’état une fois la fusion réalisée. Malgré une reprise de la négociation quelques jours plus tard, les syndicats organisaient une journée de grève le 11 février. Le climat social reste dégradé dans la filiale du Crédit agricole.

BNP Paribas Personal Finance/Cetelem

Chiffre d’affaires : 112,5 milliards d’euros d’encours gérés

Présence : dans 30 pays

Effectif : 31 500 collaborateurs fin 2008, dont 5 000 en France

Crédit agricole Consumer Finance/Sofinco SA

Chiffre d’affaires : 65,5 milliards d’euros d’encours gérés

Présence : dans 21 pays

Effectif : 7 500 collaborateurs fin 2008, dont 2 550 en France

Métiers et profils divers

Ils sont assistants commerciaux, gestionnaires administratifs ou chargés de clientèle. Les salariés des spécialistes du crédit à la consommation, qui remplissent les « centres de relation clients », ont des profils divers. Ils sont soutenus par des équipes plus spécialisées chargées de construire des offres ou de gérer les dossiers difficiles : responsable marketing, spécialiste du recouvrement, comptable, juriste ou encore informaticien. Les niveaux de formation initiale vont de bac à bac + 6. « Un certain nombre de jeunes recrues ont des profils clairement surdimensionnés et espèrent progresser en interne », estime Pascal Sorin, représentant FO chez Sofinco.

Une frustration pour les personnes concernées, doublée de conditions de travail difficiles : l’open space, même aménagé, des centres téléphoniques, l’incivilité de plus en plus courante des clients, en agence comme au bout du fil. Le travail est répétitif et les méthodes s’« industrialisent » : programmation automatique des appels téléphoniques pour les commerciaux, gestion automatisée des appels entrants pour les chargés de clientèle, script de réponse imposé. Pour couronner le tout, le management adopte souvent un style autoritaire.

Auteur

  • Éric Béal