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Idées

Les chemins de la justice sociale

Idées | Livres | publié le : 01.03.2010 | Jean Mercier

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Les chemins de la justice sociale

Crédit photo Jean Mercier

Cet ouvrage confronte deux conceptions de la justice sociale, celles que François Dubet appelle l’égalité des places et l’égalité des chances. La première est centrée sur les rangs, les fonctions occupées par les individus dans la structure sociale. La seconde est fondée sur le principe méritocratique. L’égalité des places a tenu un rôle décisif dans la construction de l’État social et la justification de la redistribution. C’est à partir de cette conception de l’égalité que s’est imposée ce que Robert Castel a appelé la « société salariale » dans les sociétés industrielles développées. Comme ce modèle était principalement porté par le mouvement ouvrier et les partis de gauche, le travail lui a servi de fondement. « En fait, l’égalité des places est un droit de tirage dérivé du travail », observe François Dubet. On retrouve cette approche dans la volonté de ménager l’égalité d’accès de tous à l’école républicaine, dans l’émancipation professionnelle et politique des femmes, dans le prisme « assimilationniste » de notre politique de l’immigration. La critique de fond est que cette position théorique suscite des politiques protégeant « bien ceux qui sont intégrés et mal ceux qui ne le sont pas ».

Plus dynamique, l’égalité des chances s’emploie à gommer les discriminations et les handicaps dont font l’objet certains groupes sociaux. « On équilibre les chances au départ, résume l’auteur ; ensuite, puisque les inégalités produites par l’usage de ces ressources ne dépendent que des individus et de leur libre arbitre, elles sont parfaitement justes. » Le problème est qu’à l’usage les politiques qui se réclament de cette théorie conduisent à un creusement des inégalités et peuvent encourager une certaine indifférence au sort des pauvres ou des exclus. En outre, l’égalité des chances repose sur un principe très discutable et difficile à appréhender : celui du mérite. « Comment, dans le mérite, départager ce qui revient aux chances, au travail, aux vertus des individus et aux circonstances », se demande le sociologue. Ce qui le conduit à préférer l’égalité des places, considérant que l’inégalité peut devenir vite inacceptable à partir d’un certain niveau, quand elle engendre beaucoup de maux et de souffrances. En outre, « plus les places sociales sont égales entre elles, plus les chances de s’élever socialement sont grandes »: une vraie égalité des chances passe par un minimum d’égalité des places. C’est le choix de l’impératif de générosité sur celui de la seule efficacité.

Les Places et les Chances : repenser la justice sociale, François Dubet. Éditions Seuil, collection « La République des idées ». 11,50 euros, 120 pages.

Auteur

  • Jean Mercier