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Le bloc-notes

L'épargne salariale ne doit pas être le levier d'un contre-pouvoir

Le bloc-notes | publié le : 01.04.2000 | Raymond Soubie

L'épargne salariale : une réforme sans risque. L'épargne salariale et l'actionnariat salarié devaient être en bonne place dans le programme de réformes du gouvernement. La suite n'a cependant pas été à la hauteur de l'ambition déclarée. Après le rapport Balligand-de Foucauld, la majorité parlementaire a semblé de plus en plus réticente à faire d'une participation des salariés à la création de valeur pour l'actionnaire une des bases d'une politique sociale de gauche.

En faire le levier d'un contre-pouvoir ou l'amorce d'une cogestion n'a séduit ni les syndicats ni les entreprises. Les enquêtes montrent d'ailleurs que les salariés actionnaires sont plus sensibles à l'aspect « participation financière » qu'à celui du partage du pouvoir. Conséquence : une décision d'ouvrir une large concertation, signe en France d'un embarras évident, et une incertitude sur la date, les voies et les moyens d'une éventuelle réforme.

Que penser de tout cela ? D'abord, l'actionnariat salarié et plus généralement l'épargne salariale marchent bien, à la satisfaction conjointe des salariés et des entreprises. Rien ne servirait de tout bouleverser. Ensuite, il est vrai que l'épargne salariale et l'actionnariat des salariés sont trop cantonnés aux grandes entreprises. Que ce soit ou non par les méthodes proposées dans le rapport Balligand-de Foucauld, il convient d'inciter les autres entreprises à généraliser la formule. Enfin, les règles actuelles de la participation, de l'intéressement et de l'épargne salariale sont diverses, résultant de strates successives. Il faudrait les harmoniser et simplifier le tout.

Un projet de loi sur ces deux derniers points, suivant ou non une négociation entre partenaires sociaux, serait bien accueilli et ne poserait d'autre problème que technique. Pourquoi s'en priver ?

La refondation : un pari audacieux mais jouable. Qui n'ose rien n'a rien. Le Medef a gagné la première manche de la « refondation sociale » : passer d'une proposition un peu théorique à la première étape de sa mise en œuvre, l'engagement de négociations avec les syndicats dans différents « groupes de travail ». À la réflexion, ce succès n'a rien d'étonnant, car il est partagé. Après tout, le Medef qui refusait voici peu la négociation collective s'en fait l'apôtre : les syndicats doivent être objectivement satisfaits de ce changement de stratégie.

Deuxième motif de satisfaction : les sujets retenus, qui couvrent tout le champ, ou presque, des politiques de l'emploi, de la formation professionnelle et de la protection sociale, sont aussi les leurs pour une large part. En outre, dans la vie sociale comme ailleurs, prendre l'initiative, au risque de provoquer, permet de créer une dynamique et de lever des blocages.

Mais, ce premier pas franchi, que va-t-il advenir ? Parmi toutes les incertitudes que comporte un tel processus, trois points paraissent acquis. D'abord les syndicats, le patronat et l'État ont intérêt à ce que des résultats soient obtenus. S'il n'en était pas ainsi, l'initiative du Medef aura été a posteriori un échec et les syndicats auront perdu une partie de leur rôle. L'État se retrouvera avec quelques sujets difficiles à traiter. Ensuite, une petite partie seulement du programme aboutira dans les dix-huit prochains mois. Ce résultat ne serait pas si mauvais puisqu'il permettrait de relancer la négociation collective sur le plan national. Enfin, les accords, quand ils seront conclus, seront donnant-donnant : autant dire que chacun devra faire des concessions.

Emploi : une victoire de la croissance. L'Unedic a recensé 470 000 créations nettes d'emplois en 1999, le ministère de l'Emploi 375 000. Ces statistiques, les meilleures depuis plus de trente ans, prouvent que la situation de l'emploi a changé en France. Cela n'est pas dû aux 35 heures, qui ne s'appliquaient pas. Il s'agit donc bien d'un renouveau de l'économie française elle-même, plus créatrice d'emplois, indépendamment des mesures prises par l'État. Cette bonne nouvelle, due pour une large part à la confiance retrouvée des Français – un succès pour Lionel Jospin –, doit faire réfléchir sur les politiques de l'emploi à mener désormais.

Les 35 heures avaient été conçues dans une optique de création d'emplois par le partage du travail. La réalité aura été bien différente. Favoriser les créations d'entreprises, notamment dans les nouvelles technologies, développer les compétences, encourager et faciliter la mobilité professionnelle, inciter au retour à l'emploi, traiter du cas spécifique des exclus : voilà quels devraient être les axes d'un programme fondé sur le principe de réalité.

Auteur

  • Raymond Soubie