logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Politique sociale

Vent de fronde anti-Parisot

Politique sociale | publié le : 01.02.2010 | Stéphane Béchaux

La réélection s’annonçait tranquille pour la présidente du Medef. Deux départs fracassants au sein de son état-major rebattent les cartes.

Pas de trêve des confiseurs pour Laurence Parisot. Dans le Landerneau patronal, peu doutaient, début décembre, de sa réélection à la présidence du Medef, prévue pour la fin du premier semestre 2010. Quelques semaines plus tard, les certitudes se sont envolées. En fin d’année, les attaques à boulets rouges d’Alain Minc, conseiller de l’ombre de Nicolas Sarkozy, contre la mauvaise gestion patronale de la crise économique signe la disgrâce de la patronne des patrons auprès du chef de l’État. Une charge qui s’intercale entre deux autres, internes au patronat. « Pour rouvrir le jeu, il fallait deux types de secousses. Des critiques de fond sur l’utilité du Medef et une attaque en règle de la gouvernance interne. Les deux se sont produits », constate un très fin connaisseur de l’organisation.

Premier à dégainer, Jean-René Buisson. Un poids lourd dans la maison, tout à la fois président de la commission protection sociale, membre du bureau et du conseil exécutif. En décembre, l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), qu’il préside, vote sa désaffiliation du Medef. Au motif que les services rendus ne sont pas à la hauteur des 600 000 euros de cotisations annuelles. Un coup très dur pour Laurence Parisot qui, en 2005, avait pu compter sur les voix de cette grosse fédération, industrielle de surcroît, pour succéder à Ernest-Antoine Seillière. La raison invoquée pour justifier ce départ n’en est pas moins factice. « La main droite sur la Bible et la gauche sur le Coran, je vous jure que Jean-René Buisson n’est jamais venu me trouver pour évoquer des difficultés financières », assure Jean-Louis Schilansky, vice-président trésorier du Medef. Empêtrée dans des problèmes de fonctionnement interne, l’Ania critiquait, certes, les dérives sociétales du Medef. Mais sa désertion tient d’abord aux relations très dégradées qu’entretenaient la patronne de l’Ifop et l’ex-DRH de Danone. « Jean-René Buisson n’était plus associé aux décisions politiques, il était mis devant le fait accompli. On avait d’ailleurs consigne de ne pas se montrer coopératif avec lui », confie un directeur de l’Avenue Bosquet.

Relations exécrables. Second à sortir le flingue, Jean-Charles Simon. Début janvier, le codirecteur général délégué claque la porte d’une réunion des directeurs, à laquelle sa patronne participe. En cause, un différend avec Hélène Molinari, son alter ego, portant sur les appels d’offres de l’Agefiph, qui mettent sur la paille les Medef territoriaux recalés. Dans la foulée, il démissionne. « Méthodes inusuelles », commente alors l’organisation, en accusant l’intéressé d’« avoir mené tout seul de bout en bout un incident spectaculaire ». En interne, ce départ ne surprend personne. Les relations exécrables entre les deux codirecteurs, qui se marchent constamment sur les pieds, ont fait le tour de la boutique depuis des mois. En novembre, Jean-Charles Simon avait d’ailleurs déjà fait ses cartons. Non pour quitter la maison, mais pour fuir le bureau qu’il partageait avec Hélène Molinari. « Mon départ est lié exclusivement à des problèmes de gouvernance. Les débats ne sont jamais tranchés, on revient sans cesse dessus. Avec des arguments qui, souvent, ne tiennent pas la route », dénonce le démissionnaire.

Des explications que Laurence Parisot, sourde à la critique, balaie d’un revers de main. Maintes fois accusée de gouverner en petit comité, hors des instances, en privilégiant la communication plutôt que le fond, elle fait monter ses supporters en première ligne. « Dans les instances, il y a une grande liberté de parole. Les fédés peuvent parler, elles sont entendues. Ça n’était pas le cas auparavant », affirme Patrick Bernasconi, patron de la FNTP (travaux publics). Derrière le départ de son DG, Laurence Parisot voit l’ombre de Denis Kessler, dont Jean-Charles Simon est l’un des proches. Un coup bas du patron de la Scor qui voudrait la déstabiliser pour prendre sa place. Il n’empêche, la démission fait tache. Trois DG sur le carreau en dix-huit mois, c’est beaucoup. Et risqué. Prévue le 4 mars, l’audience de départage portant sur le licenciement de Jacques Creyssel pourrait être l’occasion d’un nouveau déballage. Et coûter cher si l’ex-DG, toujours au chômage, obtient le 1,2 million d’euros qu’il réclame.

Face à ces attaques, Laurence Parisot se dit « archisolide ». En dépit des rares soutiens du côté des grands patrons. Parmi les réactions, celle de Michel Pébereau (BNP Paribas) – « c’est au moment de l’élection qu’il faudra faire un bilan complet » – ne verse pas dans la parisolâtrie. Au sein du Medef, en revanche, les 14 présidents de commission ont pris la plume pour défendre leur chef. Mais sans attendre que Jean-François Pilliard, délégué général de la redoutée UIMM, ne soit officiellement investi, deux jours plus tard, à la tête de la commission protection sociale. L’initiative aurait pu gêner l’intéressé, dont une partie des troupes rêve toujours d’en découdre avec le Medef, voire d’en faire scission pour créer une grande fédération de l’industrie. Sa nomination, à quelques semaines de la grande convention de la métallurgie, s’avère donc particulièrement habile. « Ses compétences sont unanimement reconnues. Et on voulait donner un signe fort d’ouverture à la nouvelle UIMM », confie Benoît Roger-Vasselin, DRH de Publicis et président de la commission des relations du travail.

Petits jeux d’appareil. On connaîtra dans les prochaines semaines les modalités d’organisation de la campagne. Aujourd’hui, bien malin qui peut dire qui Laurence Parisot affrontera. Hormis Geoffroy Roux de Bézieux (Virgin Mobile), aucun n’est sorti du bois. « Des candidats à la présidence, on n’en manque pas. Mais personne ne veut prendre le risque de perdre », constate un membre du conseil exécutif. Déboulonner la présidente en place s’avère d’autant plus compliqué pour son éventuel rival que celui-ci ne fera pas le plein des voix des anti-Parisot. « Beaucoup de prétendants jouent le coup d’après, en 2013. Ils n’ont aucun intérêt à soutenir un candidat qui, s’il est élu, tiendra le poste jusqu’en 2015 ou 2018 », analyse Hugues-Arnaud Mayer, candidat malheureux en 2005. Des petits jeux d’appareil qui pourraient favoriser l’actuelle présidente.

Laurence Parisot
La régente déstabilisée

Dans la tempête, la présidente du Medef reste droite dans ses bottes. Et compte ses soutiens, qui tardent à s’afficher parmi les grands patrons.

Geoffroy Roux de Bézieux
Le rival embusqué

Le patron de Virgin Mobile se dit candidat pour 2010 ou… 2013. Un adversaire que Laurence Parisot a ellemême crédibilisé en le nommant à la tête de l’Unedic.

Jean-René Buisson
Le sécessionniste

Sanguin, le patron des industries alimentaires a désaffilié son organisation du Medef. Pro-Parisot en 2005, il en est devenu un violent opposant.

Jean-Charles Simon
Le déserteur

Le co-numéro deux du Medef, en guerre ouverte avec Hélène Molinari, son alter ego, a claqué la porte. En cause, la gouvernance interne de l’organisation.

Auteur

  • Stéphane Béchaux