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L’intérim met un pied dans l’administration

Dossier | publié le : 01.02.2010 | S. C.

Après l’hôpital, l’État et la territoriale peuvent recourir à l’intérim. Une aubaine pour les agences de travail temporaire, qui cherchent à séduire des administrations. Les syndicats du public restent méfiants.

Nous n’avons aucune lisibilité en termes de potentiel, mais cela ne va pas être fulgurant. » François Roux, délégué général du Prisme, syndicat patronal du travail temporaire, reste lucide quant à l’ouverture des trois fonctions publiques à l’intérim, instaurée par la loi du 3 août 2009. Ce projet gouvernemental ne répond du reste à aucune demande des services de l’État. « L’idée, ici, est de restreindre le recours à l’intérim à des cas précis : absence momentanée, vacances », tempère Jean-François Verdier, nouveau patron de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Sur le papier, cela offre de belles perspectives : les postes en intérim sont ouverts à près de 800 000 agents de l’État non titulaires, les fameux vacataires, qui concourent chaque année à une mission de service public via un CDD. Une aubaine pour le secteur du travail temporaire, qui peine à se remettre de la crise. Malgré une hausse au troisième trimestre 2009 de 8,5 % par rapport au trimestre précédent, l’évolution du nombre de missions reste catastrophique par rapport à 2008 : – 20,4 %. Mais la tâche s’annonce ardue. Cette pratique, monnaie courante dans la fonction publique hospitalière, bouscule les fonctions publiques d’État et territoriale. Et les ayatollahs de « la fonction publique aux fonctionnaires » n’ont pas encore déserté les rangs. « Lorsque des agents nous questionnent sur cette nouvelle loi, je les stoppe tout de suite en leur disant que nous ne sommes pas concernés », affirme avec assurance Yolande Restouin, secrétaire générale nationale du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale. Dialogue de sourds en perspective.

Fini, l’absentéisme. Les enseignes d’intérim observent ces nouveaux partenaires et peaufinent leur argumentaire par rapport aux CDD vacataires. « Avec le travail temporaire, l’absentéisme n’existe pas. De plus, nous ne facturons que les heures de prestation réellement effectuées », précise Jean-Baptiste Thiercelin, directeur du pôle fonction publique chez Randstad. Un argument de taille qui s’inscrit à merveille dans la stratégie de rationalisation des dépenses publiques. Cerise sur le gâteau, les avantages seraient nombreux pour les vacataires : indemnisation de fin de mission équivalant à 10 % du traitement brut, prime de précarité, mutuelle, cotisation aux Assedic, aides au logement.

Néanmoins, « l’objectif, à terme, serait de limiter le recours aux vacataires, dont le statut reste très précaire », insiste Jean-Baptiste Thiercelin. Cet ex-agent contractuel, juriste de droit public de formation, donne de sa personne pour convaincre l’administration. Sa méthode : organiser des petits déjeuners en région avec les élus locaux et les responsables des centres de gestion, les pôles emploi de la fonction publique territoriale, « incontournables car légitimes en matière de RH », selon Jean-Baptiste Thiercelin. Le recours à l’intérim dans la fonction publique territoriale ne peut se faire qu’en cas de défaillance des centres de gestion. « Nous ne nous inscrivons pas dans une logique de concurrence mais de complémentarité. Dans un esprit de continuité du service public nous essayons de créer des liens avec ces centres afin de leur permettre de répondre encore mieux aux besoins des collectivités territoriales », rassure-t-il. Un discours efficace : Randstad aurait déjà signé entre 50 et 100 contrats avec des établissements publics et des mairies.

À l’instar de Jean-Baptiste Thiercelin, les acteurs du travail temporaire, les Adecco, Manpower et consorts, jouent la prudence. Aucun chiffre ne circule concernant le nombre de contrats envisageables. Tous ont à apprendre. Formaprisme propose ainsi des sessions de formation à l’intention des « dirigeants, juristes et responsables commerciaux » des agences d’intérim. En sept heures, l’organisme de formation du Prisme entend donner les clés d’une bonne maîtrise et analyse des marchés publics, pour 560 euros par participant. À l’Uffa CFDT (Union des fédérations des fonctions publiques et assimilés), on se montre sceptique. « L’intérim coûte cher. Le gouvernement va s’en rendre compte et cherchera des solutions en interne. On peut faire le pari du travail temporaire pour des besoins marginaux et ponctuels. Mais il ne peut être envisagé comme un moyen de restructuration de la fonction publique », met en garde Jean-Claude Lenay, secrétaire national. Il est aussi reproché aux agences d’intérim de ne pas disposer des compétences nécessaires. Pas besoin d’être fin juriste pour savoir que la maîtrise du Code des communes, ô combien usité dans la fonction publique territoriale, ne s’acquiert pas en une journée. Cette lacune n’effraie pas Catherine Séguin, responsable du pôle fonction publique d’Adecco. « Je ne crois pas au caractère insurmontable des spécificités inhérentes à certains postes de l’administration. Je pense, entre autres, aux postes de directeur général de services, qui souffrent d’un turnover important, rassure-t-elle. Nous sommes dans une problématique identique à celle du privé. Notre métier reste le même, nous devons juste adapter notre offre. »

Reste que la plupart des métiers concernés appartiennent à la catégorie C et ne requièrent pas de compétences spécifiques au secteur public : ripeur, assistante maternelle, dame de cantine, cantonnier. La loi d’août 2009 n’établit aucune liste exhaustive des métiers visés. Pis, elle n’exclut pas les fonctions correspondant à des pouvoirs régaliens, avec comme seuls garde-fous le bon sens et une circulaire d’application, qui doit paraître à la mi-janvier, dépourvue de tout pouvoir coercitif.

Nous ne nous inscrivons pas dans une logique de concurrence mais de complémentarité. Nous essayons de créer des liens avec les centres de gestion afin de leur permettre de répondre encore mieux aux besoins des collectivités territoriales.

Jean-Baptiste Thiercelin, Randstad

L’intérim coûte cher. Le gouvernement va s’en rendre compte. On peut faire le pari du travail temporaire pour des besoins marginaux et ponctuels. Mais il ne peut être envisagé comme un moyen de restructuration de la fonction publique.

Jean-Claude Lenay, Uffa CFDT

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  • S. C.