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Métropoles

Les entreprises nordistes étoffent leur GRH

Métropoles | publié le : 01.01.2010 | A. F.

Grande distribution et vente à distance en tête, les entreprises locales ont une tradition de modestie et de discrétion en matière de GRH. Ce qui n’exclut pas des innovations notables.

Jamais indicateur n’aura été autant commenté ! En classant en 2009 quatre sociétés nordistes dans le top 30 des entreprises françaises où il fait bon vivre, l’institut Great Place to Work a suscité un certain ravissement dans les sphères RH. « Cela prouve, plaide un DRH de l’informatique, qu’il existe une culture sociale forte. » Ou qu’elle se développe. Ou alors que les employeurs commencent à rompre avec le vieil adage, si cher aux gens du Nord, « pour vivre heureux, vivons cachés » et communiquent… Car ni la grande distribution ni la vente à distance, secteurs qui concentrent les principaux employeurs de la métropole lilloise, terre avant tout de PME, n’ont bâti de véritable référence en matière de ressources humaines, à l’image de ce qu’a pu mettre en place Rhône-Poulenc dans le Lyonnais. En atteste la bataille judiciaire récemment engagée par les syndicats et 1 600 salariés contre le groupe roubaisien Auchan, enseigne phare de la galaxie Mulliez, qu’ils accusent d’avoir profité du passage aux 35 heures pour rogner sur les temps de pause. La métropole lilloise n’en regorge pas moins d’initiatives marquantes.

Flunch Des compétences reconnues et validées

La baisse de 15 points de la TVA n’est pas passée inaperçue pour les 10 000 salariés de Flunch. L’enseigne créée en 1971 à Roncq par Gérard Mulliez, dont le QG est désormais à Villeneuve-d’Ascq, a aussitôt accordé une augmentation générale de… 3 %. Et lancé un vaste plan de développement et de rénovation de ses restaurants qui se traduira d’ici à 2011 par 1 000 recrutements. « Ici, les pouvoirs publics savent où va chaque sou », s’enthousiasme Christian Leroy, directeur du développement humain, qui met le turbo sur la reconnaissance des qualifications. Depuis 2001, Flunch incite tous ses employés à passer le certificat de qualification professionnelle, via un programme de formation à distance sur l’intranet maison. Un outil qui leur permettra, dès cette année, d’obtenir le titre d’agent de restauration et, en 2011, grâce à la validation des compétences, le diplôme correspondant.

L’investissement paie. Le turnover ne cesse de baisser : 20 % en 2009 contre 150 % dans le secteur. La politique de redistribution des bénéfices, chère aux enseignes Mulliez qui prônent le « partage du savoir, du pouvoir et de l’avoir », y contribue aussi. La bonne fréquentation des restaurants au troisième trimestre, malgré la crise, s’est traduite par une prime d’intéressement de 330 à 3 400 euros, selon les sites. « 53 % du résultat net a été distribué en 2008, en intéressement ou en participation », rappelle le DRH de l’enseigne, dont 85 % des salariés sont actionnaires via le plan d’épargne d’entreprise. Contrairement à beaucoup de ses pairs qui planchent sur le stress au travail, lui, prépare avec les syndicats un accord sur le bien-être au travail, attendu au printemps 2010.

Damartex Bon élève de la GPEC

Alors que La Redoute et les 3 Suisses digèrent dans la douleur leur restructuration, le leader de la distribution de vêtements pour seniors Damartex tire son épingle du jeu. Du rarement vu dans le secteur et un véritable soulagement à Roubaix, berceau historique du groupe : la délocalisation en 2007 en Tunisie de l’usine historique Despature et Fils, qui fabriquait depuis 1953 les fameux sous-vêtements Thermolactyl, s’est traduite par le maintien de la majorité des emplois. Grâce à la reconversion des ouvrières de confection dans les métiers de la vente et de la logistique. Une volonté de Paul-Georges Despature, président du conseil de surveillance du groupe coté en Bourse, qui garde la haute main sur la stratégie. « La famille Despature est présente aux fêtes de fin d’année. Ça humanise les décisions », note Agatha Colin, responsable du développement des hommes, qui a géré le dispositif de reconversion proposé sur la base du volontariat. Chacun des 117 salariés de l’usine a eu la garantie de se voir proposer un poste disponible pendant trois ans. Un argument convaincant : 90 ont entamé un parcours, 60 l’ont mené à terme ; seuls 3 d’entre eux n’ont pas encore de poste fixe.

Coût du dispositif ? « Pas plus élevé qu’un plan social bien négocié avec les syndicats », reprend Agatha Colin, qui poursuit sa logique de GPEC. Création d’un bureau de style, d’une centrale d’achats internationale, doublement d’ici à 2014 du réseau français de 72 magasins…, le développement l’autorise. Damartex investira 5,61 % de sa masse salariale en formation en 2010. Cela n’empêche pas les récriminations, nombreuses en 2009, à l’annonce d’une augmentation générale de 0,5 %. « Elle est en ligne avec ce qui se pratique dans le nord de la France et dans l’industrie en général », a rétorqué Patrick Seghin, le directeur général du groupe de 3 000 salariés, dont 2000 dans l’Hexagone.

Norsys De l’expérimentation à la modélisation

En quinze ans, Norsys a su rendre célèbre son campus d’entreprise à Ennevelin, près de Lille. La voilà, depuis mi-2009, seule société de conseil et d’ingénierie informatique labellisée Diversité. Très investie dans la lutte contre les discriminations, la PME fondée par Sylvain Breuzard, l’ancien président du Centre des jeunes dirigeants, a mis en place, depuis 2006, le CV anonyme et refondu ses processus de recrutement : le responsable RH assiste à l’entretien d’embauche et les managers ont tous été formés à sa conduite. Du coup, en quatre ans, la proportion de femmes dans l’effectif a doublé (à 20 %), le nombre de Français d’origine étrangère a triplé et les seniors sont passés de un à sept. Déjà, en 1999, quatre ans après sa création, Norsys avait fait sensation, étant l’une des rares SSII à signer un accord 35 heures avec vingt-cinq jours de RTT, dont cinq dédiés à la formation. De quoi expliquer le turnover de 8 % seulement en 2008, contre 20 % dans le secteur.

Autre explication, les collaborateurs sont associés à la définition des grandes lignes de la stratégie. Les évolutions professionnelles et salariales se décident en collège. Et la PME de 200 salariés a même créé son université interne pour aider au passage entre filières professionnelles, de la technique au conseil. Autant d’innovations modélisées. Fort de ses expérimentations, Norsys se diversifie aujourd’hui dans le conseil RH et vient de lancer un progiciel dédié à la gestion des parcours professionnels. « Un Mappy de la fonction RH », selon Céline Ritel, responsable des ressources humaines. Son nom ? Le Norsysway…

Leroy Merlin La promotion interne en fer de lance

Malgré son développement continu depuis vingt ans, le spécialiste du bricolage a gardé son siège dans la région, à Lezennes, au sud-est de Lille. Un espace de 30 000 mètres carrés y est dédié à la formation. Un axe fort de l’enseigne, tombée en 1979 dans le giron Mulliez : la promotion interne est son fer de lance, et la responsabilisation des 18 500 salariés un leitmotiv dans les magasins, où il n’existe qu’un niveau hiérarchique entre le vendeur et le directeur : le chef de secteur. « Depuis sept ans, je n’ai jamais recruté un directeur de magasin à l’extérieur », s’enthousiasme le DRH France Stéphane Calmès, qui investit 6 % de la masse salariale en formation. Depuis 2004, chaque salarié élabore un parcours sur trois ans, à raison de vingt et une heures annuelles. Pour accompagner les montées en compétences, l’enseigne a créé un réseau de 100 experts spécialistes de leur domaine, vendeurs de cheminées ou électriciens.

Comme dans tout l’univers Mulliez, intéressement et participation (près de quatre mois de salaire au total) sont des piliers de la politique salariale. Mais les fiches de paie restent modiques, « au niveau du marché ». Un coup de pouce a récemment été accordé aux employés de la logistique et aux conseillers de vente, rémunérés 8 % au-dessus du smic. Ombre au tableau : les horaires décalés, notamment le dimanche. « Il y a des contreparties sociales : le volontariat absolu des candidats et le paiement double de la journée travaillée », précise Stéphane Calmès, qui a obtenu un accord unanime des syndicats, FO compris, sur le sujet en 1999.

CLASSEMENT DES DIX PREMIERS EMPLOYEURS PRIVÉS LOCAUX

1. Auchan

6 933 salariés

2. La Redoute

3 731 salariés

3. 3 Suisses

2 500 salariés

4. Oxylane

2 400 salariés

5. Cofidis

1 596 salariés

6. Norpac

1 058 salariés

7. AG2R La Mondiale

937 salariés

8. Rabot Dutilleul

753 salariés

9. Eiffage

704 salariés

10. Sogea Caroni

492 salariés

Sources : Insee et entreprises.

Clubs restreints et cafés RH

Trop institutionnel, trop descendant, pas assez convivial pour le Nord. » Dans Lille et sa métropole, l’ANDRH ne fait pas l’unanimité parmi les directeurs de ressources humaines du cru. Même parmi ses 90 adhérents revendiqués. Pour se former, échanger, réfléchir et « réseauter », peu de professionnels des RH résistent à l’attrait du fameux campus d’Entreprises et Cités, niché à Marcq-en-Baroeul, qui concentre trois clubs RH interprofessionnels de 20 membres chacun. « Nous tenons à cette logique de clubs restreints. Au-delà, il est difficile de travailler », note Jacques Despretz, directeur de l’association Arfec et animateur des trois clubs RH. Dans le premier, né au sein de l’Arfec et qualifié de « laboratoire », 25 patrons et ? DRH, d’Auchan à des PME telles que CV Packaging, planchent sur cinq thèmes issus d’un débat provocateur (« peut-on encore parler de dimension humaine dans la GRH ? ») et expérimentent dans leurs entreprises, se retrouvant une journée tous les deux mois pour confronter les résultats. Dernier-né, le club Génération RH, coanimé par Agnès Bouchez, directrice des ressources humaines des supermarchés Match, réunit plutôt des DRH quadras, de Norsys à Kiloutou, sur des sujets de « terrain ». « Nous échangeons les bonnes pratiques », précise Christine Jutard, DRH de Kiabi. Enfin, cinq fois par an, 15 DRH de groupe international se regroupent autour d’un expert, une demi-journée, pour prendre du recul. Autre logique dans le « café RH », né dans le giron du master de management RH de Lille I : le décloisonnement prévaut. « Nous nous sommes inspirés des cafés philo, bien que nous restions entre professionnels RH », note François Gueuze, ex-DRH de l’Institut Pasteur et professeur associé. La rencontre se fait dans un café tous les troisièmes jeudis du mois. Bannis, les échanges formels de type conférence. La liberté d’expression est prônée. Le sujet est décidé en séance d’après les préoccupations des participants, dont le nombre peut atteindre 60. Et l’animateur, choisi dans la salle. L’initiative ch’tie séduit : elle a essaimé dans 10 villes françaises, et jusqu’à Bruxelles et Sao Paulo.

Auteur

  • A. F.