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Métropoles

L’atout d’un capitalisme responsable

Métropoles | publié le : 01.01.2010 | A.F.

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Lille Métropole

Crédit photo A.F.

L’agglomération lilloise est une fois encore durement touchée par la crise. Mais, sur cette terre de tradition sociale-chrétienne, partenaires sociaux et décideurs politiques font front commun.

L’argent responsable ». Un an après la faillite de Lehman Brothers, la métropole lilloise ne pouvait rêver meilleure affiche pour la troisième édition, en novembre, de son World Forum. De tous les patrons réunis devant 4 000 participants, c’est Gérard Mulliez, 78 ans, première fortune professionnelle de France et patriarche de l’empire nordiste de la distribution, d’Auchan, Décathlon, Boulanger à Kiabi, qui a tenu la vedette. Vantant les vertus du capitalisme familial. Le sou pour le sou, le réinvestissement des bénéfices dans l’entreprise, la priorité au long terme, la force de l’actionnariat salarié. Bref, l’inverse du capitalisme financier et spéculatif.

Des propos entendus par les oreilles ch’ties. « Gérard Mulliez a dit : “l’homme passe avant le fric !” »: deux semaines après, des salariés sous-traitants de Pimkie, sous le coup d’un plan social de 190 emplois, levaient leurs pancartes devant Auchan Roncq, exigeant un reclassement dans les enseignes de la galaxie Mulliez. Un conflit qui, comme beaucoup ici, n’a pas dérapé. Malgré une hausse du chômage à 11,9 % dans la métropole, la capitale des Flandres reste calme. La force de l’habitude… Déjà confrontés à l’effondrement douloureux du charbon, de la sidérurgie, du textile et, aujourd’hui, de la vente à distance, première filière d’activité régionale avec 55 000 emplois, les acteurs économiques et sociaux ont appris à travailler en bonne intelligence. Comme le patronat et les syndicats, qui ont créé dans le Nord la toute première commission paritaire interprofessionnelle régionale de l’emploi de France.

C’est la force aussi du capitalisme familial, incarné par un patronat social-chrétien. Il a durablement marqué le Lillois, qui a vu naître quantité d’institutions à caractère social, inspiré la création des allocations familiales, de mutuelles, du 1 % logement. Il reste très investi dans la métropole, deuxième place française en nombre de sièges sociaux, qui réussit même, par la force de ses cinq pôles de compétitivité, à attirer de nouveaux centres de décision. À l’instar du siège parisien de Bayer Schering Pharma, « relocalisé » ici mi-2009. Comme aime à le répéter le Medef local : « Quand on sonne à la porte des entreprises nordistes, quelqu’un répond. » « Les patrons vivent ici. Ils connaissent leurs responsabilités territoriales », commente Philippe Vasseur, président du Crédit mutuel du Nord et désormais du Comité Grand Lille, regroupant 40 décideurs.

De quoi, pour l’initiateur du World Forum qui promeut la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et peaufine une charte mondiale sur le sujet pour 2010, légitimer sa tenue dans la capitale des Flandres. « C’était Lille ou carrément un autre pays ! » assure l’ex-ministre du gouvernement Juppé. « Le family business est notre meilleure carte de visite », affirme Thierry Mabille de Poncheville, directeur général de l’association chargée de promouvoir la métropole à l’international et présidée par Luc Doublet, P-DG de la société éponyme, dans la famille depuis 1932 (voir pages 36 à 40). Autant de chefs d’entreprise qui ont fini par trouver un modus vivendi avec la « dame des 35 heures », la maire socialiste Martine Aubry.

Du conseil régional à la Communauté urbaine de Lille, de nombreuses commissions permettent les échanges entre patronat, syndicats et décideurs publics. Dernière illustration, la signature en mai 2009 par l’État, la Région, le patronat et tous les syndicats d’un pacte territorial de continuité professionnelle pour sécuriser les parcours des licenciés économiques jusqu’en 2013 et les former à de nouveaux secteurs. Sur la table, une mutualisation des fonds, ceux gérés par les Opca compris. « Nous voulons anticiper pour éviter d’être les pompiers du social. Le pacte reconnaît la responsabilité des partenaires sociaux dans le développement économique », commente Philippe Perrault, secrétaire régional de la CFDT, qui copréside avec le Medef la commission de mise en œuvre. Pas trop tôt, estime Jean-Marie Toulisse, son prédécesseur à la tête de la CFDT régionale. Et de regretter que « les dirigeants politiques, qui ont toujours eu un discours sur le social, n’émancipent pas plus les acteurs sociaux ».

Idem dans les entreprises. La métropole lilloise est avant tout un terreau de PME peu célèbres pour leur pratique du dialogue social. Et si elle compte de nombreuses entreprises emblématiques, celles-ci ne portent pas forcément des politiques sociales et RH très haut de gamme. Le fond de paternalisme reste vivace. Elles communiquent peu, d’ailleurs, ressassant à l’envi le fameux adage « le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit ». « Elles travaillent beaucoup sur les valeurs, les missions. Le collectif est très important, mais cela peut occulter gravement l’individu », juge un ancien DRH de la grande distribution nordiste. En tout cas la métropole ne se différencie pas des autres par ses pratiques en matière de restructuration. « Les licenciements économiques ont augmenté de 66 % en un an. Et il y a une montée en force des plans de départs volontaires ou des départs hors plan social », commente Frédérick Renault, consultant du cabinet d’expertise Syndex. Ici, la lutte pour la survie économique passe avant tout.

85 communes

27 700 établissements employeurs privés pour 380 000 emplois

11,9 % de chômage

Auteur

  • A.F.