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En Allemagne, les PME démunies face au stress

Dossier | publié le : 01.01.2010 | Thomas Schnee

Encadrée par la loi, la question du stress des salariés n’est pas étrangère aux grandes entreprises. Les PME ont plus de peine à s’en saisir.

C’est paradoxalement le suicide du gardien de but de l’équipe nationale Robert Enke, soumis à une trop forte pression professionnelle, qui a projeté le problème du stress au travail au rang de fléau national. Les médias ont en effet saisi l’occasion pour aborder largement le sujet. Pourtant, dans le monde économique, ce problème est déjà d’actualité depuis une bonne dizaine d’années. Ainsi Henkel, le géant des produits ménagers, propose depuis 1994 des séminaires de « gestion du stress et des conflits » associés à des activités sportives ; IBM Deutschland a développé une offre de conseil où les salariés apprennent à mieux coordonner temps de travail et vie privée, l’électricien Vattenfall Europe organise des entretiens individuels sur le parcours et l’identité professionnels en cas de restructuration. Quant à la fédération régionale du Bade-Wurtemberg du syndicat IG Metall, elle propose depuis 2001 une formation destinée à sensibiliser les membres des comités d’entreprise. Plus de 500 d’entre eux, actifs dans 200 entreprises régionales, ont déjà suivi la formation.

« En Allemagne, nous préférons traiter du problème du stress sous l’angle plus général des charges psychosociales qui pèsent sur les salariés », précise Jörg Feldmann, de l’agence fédérale pour la protection du travail BAuA : « Évidemment, avec la crise, on en parle davantage car les causes sont de plus en plus nombreuses, de la flexibilisation des temps de travail aux impératifs croissants de rendement en passant par la réduction des effectifs, qui conduisent à des surcharges de travail. Et aussi l’accélération des rythmes sous l’effet des nouvelles technologies de la communication ou encore les problèmes psychologiques liés aux restructurations. »

Trois études récentes, émanant de la Fondation syndicale Hans Böckler, de la caisse d’assurance maladie Techniker Krankenkasse (TK) et de la Fédération professionnelle des psychologues allemands (BDP), montrent ainsi qu’un salarié allemand sur trois considère son rythme et ses conditions de travail comme stressants et que le nombre d’arrêts maladie dus au stress a augmenté de 17 % dans les cinq dernières années. Si cette progression se maintient, le stress pourrait être, en 2020, la deuxième cause d’arrêt maladie après les maladies cardiaques, estime l’étude de la BDP. De son côté, la TK évalue qu’en 2008 le nombre de journées de travail manquées à cause du stress équivaut à l’absence de 40 000 salariés tout au long de l’année.

Une mise en œuvre décentralisée. « En Allemagne, la protection du travail et l’application des directives européennes sont gérées au niveau fédéral, mais la mise en œuvre des politiques adéquates est du ressort des Länder et des caisses professionnelles des accidents du travail. Ce sont principalement ces acteurs qui interviennent auprès des entreprises pour informer et contrôler », décrit Jörg Feldmann. Selon lui, les grandes entreprises et les grosses PME, c’est-à-dire celles qui ont l’obligation et les moyens d’entretenir un dispositif de protection du travail, sont conscientes du problème et ont, pour la plupart, déjà conduit des études détaillées d’analyse des risques : « Le problème se pose surtout pour les petites entreprises, qui représentent le gros des 3 millions d’entreprises que compte l’Allemagne », explique-t-il. Dans les PME, la situation n’a pas beaucoup évolué, tout simplement parce que les administrations régionales chargées de les aider et de les contrôler sont elles-mêmes touchées par des coupes budgétaires et des réductions de personnel…

17 %

C’est la croissance des arrêts maladie dus au stress en cinq ans. Un salarié sur trois considère ses conditions de travail comme stressantes

Le Woccq, un outil belge de prévention qui fait référence

La Belgique a été l’un des premiers pays en Europe à transposer une directive européenne sur la prévention des risques professionnels dans une loi nationale sur le bien-être au travail, adoptée en août 1996. Les employeurs belges sont, depuis, tenus de mener des politiques actives de prévention des risques psychosociaux. De nouvelles méthodes ont donc percé, pour mieux cerner les risques. L’outil Woccq, pour working conditions and control questionnaire, mis au point par l’université de Liège, devenu une référence en Belgique, commence à être repris en France. Le Woccq, développé depuis 2004, consiste en trois questionnaires élaborés par Isabelle Hansez, une responsable du département de psychologie du travail de l’université de Liège. Ces listes de questions visent à mesurer le niveau de stress et le contrôle exercé par le salarié sur son activité. Elles sont complétées par un « relevé des situations problèmes » dans lequel le travailleur doit décrire trois causes typiques de stress. Le Woccq, vendu sous licence aux entreprises de plus de 150 personnes, implique la création d’un comité de pilotage interne à l’entreprise chargé d’analyser les résultats et de définir les mesures adaptées. Tout l’intérêt de l’outil tient à l’identification rapide des groupes à risques et du degré d’urgence des mesures à prendre. Le Woccq s’appuie sur une base de données nationale de 20 000 questionnaires, gérée par l’université de Liège. Cette base permet de comparer les situations dans les entreprises et de leur attribuer des notes. S. C.

Auteur

  • Thomas Schnee