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Enquête

Le marketing RH aiguise les appétits

Enquête | publié le : 01.12.2009 | Éric Béal

Dans la panoplie du marketing RH, les thèmes de la diversité et de l’égalité tout comme les initiatives facilitant le quotidien des salariés figurent en bonne place. Une aubaine pour les prestataires de services. Tour d’horizon, non exhaustif, des offres du marché.

Crise oblige, la communication RH devrait accuser une baisse de chiffre d’affaires de près de 40 % entre 2008 et 2009, selon Les Agences conseil en communication pour l’emploi, le syndicat professionnel des Publicis Consultants, TBWA Corporate et autres Euro RSCG C&O. En cause, la chute du volume des recrutements de cadres qui devrait, selon l’Apec, passer de 200 000 à 165 000 embauches. En revanche, la responsabilité sociale des employeurs est un créneau qui se porte très bien, au vu des nombreuses contraintes légales imposées par l’État sur les seniors, le handicap, les discriminations. Un marché où cohabitent consultants, cabinets de conseil et réseaux associatifs.

Crèches d’entreprise : un secteur qui se structure

C’est clairement le cas concernant les mesures pour faciliter le quotidien des salariés parents. Interrogés au début de l’année pour l’Observatoire de la parentalité en entreprise, près d’un tiers (29 %) d’entre eux plébiscitent la crèche d’entreprise. À cette demande sociale s’ajoutent des mesures fiscales très favorables (50 % des sommes investies et 100 % des frais de charges sont déductibles de l’impôt sur les sociétés) et la possibilité d’améliorer l’attractivité d’une entreprise. De bonnes raisons qui poussent un nombre croissant de directions à débourser quelque 15 000 euros nécessaires à chaque berceau (investissement et fonctionnement). En solo ou conjointement avec une collectivité territoriale. Début 2009, un millier d’entreprises étaient utilisatrices des services d’une crèche privée affiliée à la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC). « C’est souvent la DRH qui s’adresse à nous. Mais l’origine du projet peut aussi venir du CE ou d’un syndicat », explique Maïlys Cantzler, présidente de Crèche Attitude, une structure spécialisée qui a réalisé 12,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2008.

Le marché est très porteur. Créée en 2004, Crèche Attitude gère déjà 38 crèches. Pour Alix Got, responsable du pôle entreprises de Babilou, la crèche est devenue un outil de marketing social. « Les directions souhaitent fidéliser leurs salariés et améliorer les conditions de travail. Offrir une possibilité de garde sûre fait baisser le stress des parents. De plus, la présence d’une crèche contribue à diminuer le taux d’absentéisme et le recours au congé parental. En particulier chez les femmes cadres ou en milieu hospitalier. » La demande est clairement en hausse et la tendance se maintient en dépit de la crise. La FFEC compte déjà une quarantaine d’affiliés. Certains, comme Babilou, gèrent une centaine de crèches, alors que beaucoup d’associations n’en gèrent qu’une. Le secteur a déjà connu ses premiers soubresauts, certains acteurs passant sous le contrôle d’un plus gros. Le tout sous la surveillance tatillonne des CAF, premiers financeurs et garantes de la qualité du service.

La diversité, terrain des associations

La situation est totalement différente sur les thèmes de l’égalité des chances et de la diversité, où les associations sont beaucoup plus présentes que les cabinets de conseil. À l’instar de Nos quartiers ont des talents, créée en 2006 par Yazid Chir, président du Medef 93 Ouest, dont l’objectif est de mettre les jeunes diplômés des quartiers difficiles du « 9-3 » en contact avec des DRH qui recrutent. Activement soutenue par le Medef, cette association multiplie forums et parrainages en Ile-de-France, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées. Objectif, couvrir tout l’Hexagone dans quelques années. Sur le marché du recrutement « diversité », les associations assurent comme les pros : coaching des candidats, organisation de forums d’emploi, tutorat. Il y a les poids lourds. L’Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés dispose de conventions avec l’État, Pôle emploi, l’Apec, le CIDJ, etc. Sans compter le soutien financier des collectivités locales. Créé par Claude Bébéar, l’IMS-Entreprendre pour la cité est financé par les cotisations des entreprises et des subventions publiques.

Des structures plus modestessont également actives. APC Recrutement se présente comme « le premier cabinet de recrutement associatif spécialisé dans la promotion de la diversité et de l’égalité des chances ». De son côté, l’Afip se veut centre de ressources pour les diplômés issus des minorités visibles. Financée par le Fonds social européen et la région Ile-de-France, elle propose formation à la recherche d’emploi et suivi pour 30 euros. Quelques professionnels du recrutement et de la GRH montrent aussi de l’intérêt pour les différents volets de la diversité. Anne Saüt a créé Diversity Conseil il y a quatre ans, après avoir passé un MBA en RH à l’Essec. « La création de la Charte de la diversité en octobre 2004 a permis une prise de conscience des responsables d’entreprise, estime-t-elle. Et le renforcement des obligations légales envers les seniors, les handicapés ou l’égalité hommes-femmes pousse les managers à se tourner vers le conseil et la formation. » Au nombre des propositions de Diversity Conseil : audit des process RH, conseil en stratégie de diversité, recrutement de candidats « différents », mise en place d’entretiens de carrière destinés aux seniors ou formation à la diversité pour les équipes RH. La crise n’a pas fait disparaître la demande. EDF, L’Oréal et Michelin forment plusieurs milliers de leurs salariés à la diversité en 2009. Mais les budgets restent modestes. La diversité n’est pas le nouvel eldorado des consultants.

L’égalité des sexes, un créneau modeste

À l’inverse, l’égalité entre les sexes pourrait devenir un filon. « Les grands groupes qui ont négocié sur l’égalité entre hommes et femmes avec leurs partenaires sociaux ont besoin d’outils pragmatiques et de résultats concrets. Même modestes. » Karine Armani, directrice associée d’Équilibres, un cabinet de conseil créé en 2005, en sait quelque chose. Spécialisé à l’origine dans l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, le cabinet a dû recentrer son activité sur la promotion des femmes dans l’entreprise afin de trouver des clients. Les mesures pour la promotion des femmes seraient-elles plus facilement valorisables auprès des agences de notation sociale ? « Dans l’industrie, le recrutement de femmes dans des métiers jusqu’ici réservés aux hommes et leur promotion aux postes d’ingénieurs ou de cadres supérieurs sont des préoccupations qui montent », estime la consultante.

Courses, garde d’enfant imprévue, ménage, une conciergerie doit répondre à tout pour faire baisser le stress des salariés

Équilibres prend en charge la communication interne, la sensibilisation aux stéréotypes de genre et la création de réseaux de femmes au sein de l’entreprise. La concurrence n’est pas très vive, mais la demande se limite aux grands groupes. « De nombreux consultants se sont emparés des problématiques seniors et diversité. Il y en a beaucoup moins sur l’égalité hommes-femmes », estime Isabelle Gueguen, cofondatrice de Perfégal, un cabinet spécialisé installé dans le Finistère. Cette sociologue espère que l’obligation légale de suppression des écarts de salaires avant le 31 décembre 2010 obligera les entreprises à prendre des initiatives. Le cabinet réalise des analyses d’écarts de salaires et des diagnostics de situation. Mais la majorité de ses clients sont des collectivités locales. « Le discours patronal est encore très vieux jeu. Les décideurs se crispent sur la réduction des écarts de salaires alors que le problème oblige à faire évoluer le recrutement, la gestion des carrières, la promotion ou l’accès à la formation », précise la consultante. De son côté, Équilibres a créé un site Internet proposant des informations légales et des solutions pratiques pour faciliter le quotidien des salariés. La demande vient plutôt des femmes… Pour l’heure, CE et directions sont à l’écoute.

Conciergeries : un marché naissant

D’après la loi, un employeur doit garantir la santé physique et mentale de ses salariés. Cette obligation de résultat, couplée à la médiatisation des suicides chez France Télécom, est en passe de devenir le principal argument marketing de certains prestataires. Au risque de la caricature. Sportonus propose ainsi trois jours de formation pour « optimiser ses potentiels physiques, émotionnels et mentaux » grâce à des outils de prévention secondaire du stress. Les spécialistes de la conciergerie d’entreprise utilisent aussi l’argument pour vendre leurs prestations. Blanchisserie, courses, garde d’enfant, ménage ou entretien automobile, une bonne conciergerie doit répondre à tout pour faire baisser le stress des salariés. En direct ou grâce à des sous-traitants. « Les cabinets de conseil, les médias ou les entreprises de nouvelles technologies offrent souvent ce service à leurs salariés. Une conciergerie compense des horaires de travail importants. C’est aussi un argument de marketing social pour attirer les jeunes diplômés », indique Christelle Blanchet-Aïssaoui, directrice marketing et communication de To do Today.

Le marché excite les convoitiseset fait naître des vocations. Olivier Villeneuve, responsable de Service personnel, un concept de conciergerie en franchise, a ainsi déboulé en mai 2009 à la tête de la Fédération française de la conciergerie d’entreprise. Ne manquent plus que les adhérents. La profession n’est pas encore structurée et attire les entrepreneurs individuels. À l’instar de Martine Payeur, inventrice de Concierge durable. Durable parce que faisant appel à des prestataires respectueux de l’environnement et de leur responsabilité sociale.

Congés solidaires : encore confidentiels

Grâce à Planète Urgence, 820 personnes seront parties en congés solidaires en 2009. Parmi eux, une grande majorité de salariés qui prennent sur leurs congés annuels et sont soutenus financièrement par leur entreprise. Celle-ci paie le billet d’avion et verse 2 000 euros par salarié volontaire. Ce dernier consacre une quinzaine de jours sur ses vacances à mettre ses compétences au service d’un projet de développement. Comptabilité, GRH, organisation, santé, commercialisation ou encore informatique, les besoins sont divers. Fondateur de Planète Urgence en 1999, Hervé Dubois constate un certain engouement pour la formule. « Les effectifs de volontaires augmentent de 5 à 10 % d’une année à l’autre. Certaines entreprises, comme L’Oréal, La Poste ou PricewaterhouseCoopers, nous sont fidèles depuis des années », explique le responsable de l’association.

Autre possibilité, verser une somme pour soutenir un projet de reforestation. À raison de 1 euro par arbre replanté. Une sorte de compensation carbone, non reconnue officiellement, pour les entreprises. « Une cinquantaine de sociétés sont partenaires des congés solidaires. Elles y trouvent leur intérêt en termes d’image et de gestion RH. Encourager un salarié volontaire est porteur de valeur en interne et permet de mobiliser les troupes », estime le responsable associatif. Pour Planète Urgence, le soutien des entreprises est vital car les subventions ne suffisent plus et l’appel aux dons des particuliers est trusté par les grandes structures. 80 % des 3,6 millions d’euros du budget annuel de l’association sont couverts par les entreprises. Un bilan qui donne envie de copier la recette. Pour le moment, ce sont des ONG, comme les Volontaires du progrès, qui tentent l’expérience. Mais Projects Abroad, une société anglaise, vient d’ouvrir des locaux à Grenoble pour prospecter des candidats individuels en France. À terme, elle pourrait concurrencer Planète Urgence sur ses partenariats avec les entreprises.

Auteur

  • Éric Béal