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Rendez-vous capital pour les retraites

Dossier | publié le : 01.12.2009 | Valérie Devillechabrolle, Bénédicte Foucher

Crise et perspectives de déficit obligent, le dossier des retraites revient plus tôt que prévu à l’ordre du jour. Âge légal de départ, durée de cotisation, montant des pensions… ou encore réforme du système, les enjeux de ce rendez-vous sont multiples.

Après la réforme des régimes spéciaux, le dossier des retraites ne devait plus faire partie des priorités présidentielles. C’était sans compter les prévisions économiques peu rassurantes : pour le régime général, les dernières estimations font état d’un déficit de 8 milliards d’euros en 2009, qui devrait atteindre 58 milliards cumulés en 2013. Or, dans les vingt prochaines années, le nombre de retraités augmentera de 42 %. Alors qu’en 1970 on comptait 3,80 cotisants pour 1retraité, ce rapport n’est plus que de 1,45 aujourd’hui… Résultat : sans réforme, le déficit annuel devrait être compris entre 70 et 110 milliards d’euros dans quarante ans, d’après les estimations du Conseil d’orientation des retraites (COR), qui révisera certainement ce chiffre à la hausse dans un rapport attendu pour janvier prochain, chômage aggravé et crise obligent. Cette dernière a fait voler en éclats le pari sur lequel se fondait la réforme de 2003 d’un transfert de cotisation chômage vers la branche vieillesse, qui aurait résolu une partie du problème de financement.

Deux ans avant la date prévue. Fort de ce constat, Nicolas Sarkozy a fixé en juin devant le Congrès du Parlement un nouveau rendez-vous aux partenaires sociaux pour la mi-2010. Soit deux ans avant la date initialement prévue par le calendrier de la réforme Fillon. Un agenda qui concorde avec celui des régimes complémentaires : l’accord Agirc-Arrco, conclu le 23 mars, prévoit un point d’étape en 2010 à l’occasion duquel « il faudra prendre de vraies décisions », selon Danièle Karniewicz, présidente CFE-CGC de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). D’autant que le dispositif AGFF, qui finance la retraite dans les régimes complémentaires des salariés du privé de 60 à 65 ans, n’a été reconduit que jusqu’au 31 décembre 2010… Pour le président de la République, ce rendez-vous est donc « capital »: « Tout devra être mis sur la table : âge légal de la retraite, durée de cotisation », a-t-il déclaré. Alors, effet de manche présidentiel ou réforme de fond en perspective ?

Une mesure injuste. C’est Brice Hortefeux, alors ministre des Relations sociales, qui, en juin, a ouvert le feu en évoquant l’éventualité d’un report de l’âge de la retraite au-delà de 60 ans, acquis symbolique par excellence. Une vieille revendication du Medef, qui milite pour la retraite à 63 ans et demi, la mesure la plus efficace selon lui. Les projections du COR montrent en effet que le recul de l’âge légal du départ serait plus rentable que l’augmentation du nombre d’années de cotisation jusqu’en 2020-2025. Même si, par la suite, le système actuel deviendrait plus profitable en raison de l’entrée plus tardive des jeunes sur le marché du travail…

Quoi qu’il en soit, cette revendication est loin de faire l’unanimité chez les syndicats. Comme la CGT et FO, la CFDT, pourtant signataire de l’accord de 2003 qui a acté l’allongement progressif de la durée de cotisation de quarante à quarante-deux ans pour les salariés du public comme du privé, ne semble pas disposée à céder sur la question de l’âge. « Cette mesure est profondément injuste car elle pénalise les salariés qui ont commencé à travailler tôt », insiste Jean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT. Seule la CFE-CGC se dit prête à discuter dans ce sens : « Pour redonner confiance dans le système par répartition, il faudra assurer un bon niveau de retraite, soutient Danièle Karniewicz. Cela nécessitera de payer plus et de travailler plus longtemps. »

L’obstacle de la pénibilité. Reste que tout le monde est d’accord sur un point : envisager une telle réforme supposera « que l’on s’attaque sérieusement au problème de l’emploi des seniors », estime Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral CGT. Autrement, cela revient à baisser les pensions, les salariés ne parvenant à cotiser assez longtemps pour obtenir une retraite complète. Or, malgré la volonté affichée du gouvernement de promouvoir l’emploi des seniors, les comportements mettent du temps à évoluer. L’âge moyen de cessation d’activité reste bloqué à un peu plus de 58 ans. Quant au taux d’emploi des 55-64 ans, il stagne au-dessous de 38 %. Et le nombre de Français qui jouent les prolongations au-delà de 65 ans reste anecdotique : 300 000 environ. À l’autre extrême, le travail des jeunes pose aussi problème, comme le montre une étude de l’Irdes : durée de scolarisation croissante et difficulté d’insertion sur le marché du travail obligent, le nombre de trimestres validés avant 30 ans a baissé de sept trimestres entre les générations 1950 et 1970. Dernier obstacle, et pas des moindres : la pénibilité. En 2008, les partenaires sociaux ont échoué à trouver un compromis sur cette question sensible, après trois ans de négociation. Le ministre des Relations sociales, Xavier Darcos, a promis de remettre le sujet au menu des prochaines discussions.

Quels autres paramètres activer alors ? Allonger la durée de cotisation ? Si l’idée est jugée plus juste socialement, elle ne résout pas l’équation de l’emploi. Augmenter les cotisations ? Le patronat ne veut pas en entendre parler, et les syndicats y sont réticents dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat. « Il faudrait surtout commencer à clarifier les financements, à savoir la part des mécanismes non contributifs et l’assiette de cotisation, juge Bernard Devy (FO). Les dispositifs d’épargne y échappent complètement, alors même qu’ils assèchent le régime par répartition. » Raboter les pensions ? En modifiant la référence servant de base au calcul des pensions – les 25 meilleures années au lieu des 10 –, la réforme de 1993 a déjà fait une bonne part du travail. De plus, l’évolution des pensions n’est plus indexée sur les salaires mais sur l’inflation. Introduire de la capitalisation ? Ses défenseurs se sont faits discrets devant les piètres performances des fonds de pension. Mais Xavier Darcos a laissé ouverte la porte d’« une capitalisation plus grande ».

Certains, à l’instar du sénateur Dominique Leclerc (UMP, Indre-et-Loire), vont plus loin en souhaitant que ce nouveau tour de vis s’accompagne d’une réforme novatrice des régimes spéciaux et de la fonction publique. Pour les autres, cette énième modification des paramètres s’apparenterait plutôt à du bidouillage. Avec, in fine, le risque que les Français se perdent définitivement dans les méandres d’un système dont les règles du jeu changent en permanence. « En un an, déplore Jean-Louis Malys, entre la remise en cause des carrières longues, la suppression de l’AGFF, le débat sur la majoration de durée d’assurance, etc., on a créé pas moins de cinq ou six situations anxiogènes. » Résultat, près de la moitié des plus de 55 ans ignorent tout du montant de leur future pension…

Un régime par points ? Du coup, certains en appellent à une réforme systémique. Une remise à plat qui, sans toucher au principe de la répartition, passerait par une unification des régimes et gagnerait en lisibilité. Le COR travaille sur deux scénarios dans le cadre d’un rapport qui sera remis en février à Nicolas Sarkozy. Le premier est bien connu des partenaires sociaux qui gèrent les caisses complémentaires Agirc-Arrco. Avec les cotisations, le salarié achète tout au long de sa carrière des points qu’il transforme en rente au moment de liquider sa pension. Si les déficits se creusent, il suffit d’augmenter le prix d’achat plus vite que la valeur pour revenir à l’équilibre. « On gagne en flexibilité, mais pas en transparence », regrette Antoine Bozio, chercheur à l’Institute for Fiscal Studies. Le second système envisagé, celui des comptes notionnels, a été mis en place en Suède. Le salarié accumule les cotisations salariales sur un compte. Le montant de la rente est calculé en fonction du capital ainsi constitué et de l’espérance de vie de la génération du salarié. L’âge légal devient alors un problème secondaire.

Reste qu’en Suède la réforme a été votée en 1994 et mise en place en… 2002. « Le calendrier fixé par le gouvernement est trop serré », juge Bernard Devy (FO), qui rappelle que la France compte pas moins de 35régimes de retraite différents. « En matière de retraite, il faut rester humble, poursuit-il. La prétention démesurée de ce rendez-vous m’inquiète. » Sans compter qu’adopter un nouveau système ne résoudra pas le problème du financement. Qui exigera des choix politiques, alors que se profile déjà l’échéance présidentielle de 2012.

B. F.

La MDA a minima

Vite fait, bien fait ! C’est l’adage qui semble avoir présidé à la réforme de la majoration de durée d’assurance (MDA). Après une concertation éclair avec partenaires sociaux et associations familiales, Xavier Darcos a proposé une réforme a minima de ce droit familial de retraite, bonifiant depuis 1971 la pension des mères de famille. Certes, la Cour de cassation a jugé en février 2009 que le dispositif actuel – deux ans par enfant – était incompatible avec l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit les discriminations fondées sur le sexe. Tout père de famille peut donc revendiquer en justice le bénéfice de la MDA. Pour autant, étendre le dispositif aux hommes dans la loi aurait plus que doublé la facture actuelle (4 milliards d’euros). Inenvisageable vu le déficit de la Sécurité sociale. Dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2010, le gouvernement a opté pour une formule qui sécurise le dispositif, tout en préservant au maximum la compensation que la MDA représente pour les femmes, désavantagées en termes de carrière puis de retraite. À compter du 1er avril 2010, deux majorations distinctes devraient voir le jour : une première, de quatre trimestres, sera accordée à la mère au titre de la grossesse et de l’accouchement ; une seconde, de quatre trimestres également, sera accordée au couple, au titre de l’éducation de l’enfant. Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, la seconde majoration sera réservée à la mère, sauf si le père a élevé seul l’enfant. Pour les autres, c’est le couple qui décidera librement d’attribuer à l’un ou l’autre la majoration ou de se la partager. La copie du gouvernement ne devrait pas être bouleversée par le Parlement.

Marie Duribreux

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle, Bénédicte Foucher