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Retour au cœur de métier

Dossier | publié le : 01.11.2009 | Éric Béal

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Retour au cœur de métier

Crédit photo Éric Béal

Améliorer l’engagement des salariés, aligner les politiques RH sur la stratégie, faire évoluer le rôle des managers de proximité… Les DRH se recentrent sur leur métier de base. Une nécessité pour permettre aux entreprises d’anticiper la reprise.

Parce que les entreprises ne raisonnent plus depuis longtemps dans le cadre étroit de l’Hexagone, le baromètre des ressources humaines Liaisons sociales – CSC – Entreprise & Personnel a pris, cette année, une dimension européenne. Pour cette 7e édition, TNS Sofres a interrogé 100 responsables RH d’une entreprise d’au moins 1 000 salariés, dans huit pays du Vieux Continent, afin de connaître leurs priorités, leurs attentes, leurs pratiques… Un exercice inédit qui permet de confronter les politiques mises en œuvre par les DRH français à celles de leurs homologues européens. Ce benchmark est complété par une enquête spécifique menée par l’association Entreprise & Personnel (voir page 66) auprès de 57 de ses adhérents français. Au total, l’ensemble dégage des différences d’approche, mais aussi des préoccupations communes. Faut-il s’en étonner ?

Priorité à la maîtrise des coûts. En dépit des spécificités de leurs économies respectives, les pays européens sont touchés de manière sensiblement identique par la crise. C’est pourquoi, face à la tourmente, les préoccupations des responsables RH européens se ressemblent : en tête, ils citent la maîtrise des coûts de la fonction RH (79 % des DRH européens) ou des coûts opérationnels (pour 57 % des Français sondés par E & P). Juste devant l’amélioration de l’engagement des salariés (71 % des DRH en Europe). Pour Jean-Louis Mutte, directeur général de Sup de co Amiens, ancien DRH et enseignant en management, l’impact de la crise est patent : « Les responsables RH ne veulent pas laisser filer les coûts, au moment où le chiffre d’affaires est en baisse. Mais ils savent bien que l’engagement des salariés est primordial pour permettre à l’entreprise de s’en sortir au mieux. »

Tout le monde n’est cependant pas touché de façon identique. L’impact diffère selon le secteur d’activité ou l’implantation géographique. C’est ce qui explique que 60 % des DRH européens interrogés sont attentifs à accompagner la croissance de l’entreprise, alors que près d’un sur deux (48 %) déclare conduire un plan de restructuration. Et un tiers (34 %) se fixe d’abord comme objectif d’améliorer le développement international de l’entreprise. « Ces contradictions apparentes sont le reflet de l’internationalisation du baromètre.

Les plans sociaux et les restructurations se multiplient, mais cela n’empêche pas la croissance de certaines entreprises sur les marchés internationaux », estime Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur associé en management et en GRH à HEC. À l’inverse, le faible taux (19 %) des DRH qui se déclarent préoccupés par une fusion ou une acquisition n’est pas surprenant. Le resserrement du crédit et la versatilité des marchés boursiers ont rendu ces opérations très aléatoires et donc plus rares.

Confrontés à la nécessité de maîtriser les coûts, les DRH européens ont réagi de manière identique. Près d’un sur deux (49 %) a choisi de ralentir ou de geler ses recrutements. « La baisse des embauches est très nette partout dans le monde, note Charles-Henri Besseyre des Horts. Mais on peut se demander si une stratégie de stop and go au niveau du recrutement est pérenne. » Une question que ne se pose plus Dominique Vercoustre, DG adjoint chargé des RH et du juridique de Beauté Prestige International, le pôle parfum du groupe japonais Shiseido. « Les DRH qui ont fait face à la crise de 1992 savent que l’arrêt brutal du recrutement avait engendré une perte de compétences et créé des difficultés au moment de la reprise, explique-t-il. C’est pourquoi nous sommes nombreux à éviter de tailler dans les effectifs. Mais si la crise se maintient encore six à douze mois, je ne sais pas si nous pourrons continuer. » Aux mêmes maux les mêmes remèdes, près d’un tiers (31 %) des responsables de ressources humaines ont recouru à l’aménagement du temps de travail pour s’adapter à la conjoncture. « En réalité, l’aménagement rapide et temporaire du temps de travail est plus facile à l’étranger, souligne Jean-Louis Mutte. Le droit du travail y est moins contraignant. Alors que le Code du travail français oblige les entreprises à négocier individuellement toute modification du contrat de travail. »

Pas de gel des salaires. Autre point commun aux DRH européens, l’utilisation très parcimonieuse du gel des salaires – sans parler de leur baisse, solution qui n’était pas proposée par le questionnaire. Seuls 14 % des sondés indiquent avoir imposé cette mesure à leurs salariés pour faire face au contexte de crise. « Nous sommes bien en Europe continentale. Dans les pays anglo-saxons, cette mesure est beaucoup plus utilisée », estime Charles-Henri Besseyre des Horts. À l’inverse, l’incitation à solder les congés payés et les congés forcés, utilisée massivement par les grands groupes français (voir page 66) avec l’utilisation du compte épargne temps, ne rassemble que 28 % des suffrages des DRH européens. De même que le chômage partiel, pratiqué par un quart seulement des DRH européens, alors que leurs homologues français, encouragés par les pouvoirs publics et les partenaires sociaux, en sont plus friands.

Manifestement, la crise n’a pas bouleversé la nature des exigences des entreprises à l’égard des professionnels des ressources humaines. Une forte majorité d’entre eux déclarent que leur direction générale les juge sur les efforts déployés pour améliorer l’efficacité du management des personnes et des équipes (79 %), et, en second lieu, sur l’alignement des politiques RH par rapport à la stratégie de l’entreprise (78 %). « Les directions générales renvoient les DRH à ce qui constitue leur cœur de métier. Cela signifie-t-il qu’elles sont insatisfaites des résultats atteints ou qu’elles mettent la pression sur les DRH pour obtenir plus ? » s’interroge Philippe Cavat, directeur général de DDI France. Ce cabinet de conseil spécialiste du leadership rappelle que les missions menées auprès des DRH consistent souvent à décrypter la stratégie de la direction et à travailler à l’alignement de la GRH sur celle-ci.

Chez Dell, cette mise en cohérence de la politique RH est une exigence de longue date. Ce qui n’empêche pas les remises en question. « En trois ans, nous avons modifié ou adapté plusieurs fois nos politiques RH, nos process et l’organisation des équipes RH », indique Xavier Molinié, DRH pour l’Europe. Aujourd’hui, le fabricant d’ordinateurs portables gère son personnel européen avec une équipe RH réduite à 200 personnes, RRH sur site compris. Deux tiers des sondés (66 %) déclarent également que leur direction générale les juge sur l’amélioration de la capacité d’adaptation des personnes et des équipes. Et les trois quarts indiquent que le maintien et le développement d’un bon climat social fait partie de leur mission. Une attente plus que délicate en période de crise.

Face à ces exigences multiples, huit responsables RH sur dix se focalisent sur l’amélioration de la gestion des compétences (83 %) et le développement de l’engagement des salariés (80 %). L’accompagnement des transformations organisationnelles (79 %) et l’attraction et la rétention des talents (73 %) arrivent juste après. « Il n’est pas étonnant que la gestion des compétences vienne en premier, estime Charles-Henri Besseyre des Horts. Contrairement aux États-Unis, l’Europe essaie d’éviter la flexibilité externe et privilégie la flexibilité interne. Les objectifs en matière d’engagement des salariés et de rétention des talents vont dans le même sens. Les directions évitent autant que possible les licenciements et essaient de construire l’entreprise de demain avec les salariés présents aujourd’hui. »

Logiquement, ces objectifs se retrouvent dans les thèmes de travail prioritaires mis en avant par les professionnels interrogés. L’évolution de l’organisation du travail constitue un sujet de réflexion pour plus des deux tiers (68 %) d’entre eux. Et l’évolution des rôles des managers de proximité est un sujet évoqué par 64 %. « Chez Dell, les managers sont les premiers relais RH des salariés, explique Xavier Molinié. Nous faisons beaucoup d’efforts pour les faire évoluer d’une fonction de contrôleur à un rôle de leader, capable d’entraîner son équipe. C’est un chantier toujours ouvert. Car, de la qualité des managers dépend aussi la motivation et l’attachement des salariés à l’entreprise. » Près d’un DRH sur deux revendique également de travailler sur la mobilisation de la ligne managériale (49 %) et sur la répartition des rôles entre RH et managers, corporate et local (49 %). Ce qui n’étonne pas Dominique Vercoustre : « Les managers de proximité sont la clé de voûte de toute politique RH digne de ce nom. Mais la hiérarchie doit leur apporter une information claire sur l’évolution éventuelle de la stratégie afin qu’ils puissent la présenter à leur équipe. »

Outre la RSE, la prévention des risques psychosociaux fait de plus en plus l’objet de réflexions : 43 % des DRH interrogés la citent comme thème prioritaire de travail (voir tableau page ci-contre). « Le fait qu’elle apparaisse à ce niveau dans un baromètre européen montre que le problème est partout présent, estime Charles-Henri Besseyre des Horts. » Enfin, interrogés sur la façon dont leurs collaborateurs occupent leur temps, les professionnels RH européens citent en premier l’écoute des collaborateurs (76 %) et l’appui des managers (71 %). Avant les problèmes opérationnels (66 %) ou la gestion des relations sociales (64 %). Reste à savoir si la qualité d’écoute est à la mesure des attentes des salariés.

BAROMÈTRE, MODE D’EMPLOI

Cette 7e édition du baromètre de la fonction RH Liaisons sociales – CSC – Entreprise & Personnel s’appuie sur un questionnaire proposé par TNS Sofres à 100 responsables des ressources humaines, dans huit pays européens : France (une réponse sur cinq), Italie (19 %), Royaume-Uni (16 %), Allemagne (16 %), Espagne (16 %), Portugal (5 %), Belgique (5 %) et Luxembourg (3 %). 69 % des répondants appartiennent à une entreprise de services, 10 % à l’industrie, 3 % au BTP, 14 % au commerce et 5 % au transport. 60 % des DRH interrogés travaillent dans une entreprise ayant de 1 000 à 2 999 salariés, 23 % dans une entreprise de 3 000 à 5 999 salariés, 10 % dans un groupe de 6 000 à 9 999 salariés et 8 % dans un groupe dont les effectifs sont supérieurs à 10 000 personnes.

La non-discrimination, fer de lance de la RSE

La responsabilité sociale (sociétale chez nos voisins belges) des entreprises (RSE) s’impose un peu partout dans le monde. Et particulièrement en Europe, où l’Alliance européenne pour la responsabilité sociale des entreprises a été lancée par la Commission de Bruxelles en 2006. Mais cette notion touche plusieurs aspects de la gestion des ressources humaines et du management : le recrutement, la gestion des carrières, les rémunérations, etc. En période de crise, des choix drastiques s’imposent. Huit DRH européens sur dix (79 %) placent la promotion de la non-discrimination au premier rang de leurs priorités en matière de RSE, devant l’égalité entre hommes et femmes, qui rassemble les trois quarts des sondés (75 %). Viennent ensuite l’embauche et l’intégration des jeunes (66 %), l’insertion des personnes handicapées (64 %), puis le soutien au développement socio-économique local (53 %). « Avec, en première place, la non-discrimination, le poids de l’Europe du Nord se fait sentir. D’autant qu’une majorité des groupes internationaux est sous l’influence de la culture américaine, très proche des pays scandinaves sur cet aspect », analyse Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur à HEC. Confirmation chez Dell France, où Xavier Molinié affiche la non-discrimination et l’égalité hommes-femmes pour principales priorités. À l’inverse, la gestion des seniors n’est pas d’actualité pour plus d’une entreprise européenne sur deux. Ce sujet ne remporte que 44 % des suffrages des responsables RH interrogés. « Pas de surprise, note Philippe Cavat, directeur du cabinet DDI France. Mais les DRH français devront réviser rapidement leur positionnement avec les nouvelles obligations légales qui s’imposeront en janvier 2010. » Et qui pénaliseront les entreprises récalcitrantes. Sans législation européenne contraignante, leurs homologues européens suivront-ils ?

Quelles sont vos priorités en matière de RSE ?
83 % des DRH ont comme objectif prioritaire d’améliorer la gestion des compétences
FRÉDÉRIC PICHARD Manager consultant chez CSC

“Face à la violence de la crise, les DRH ont retenu les leçons du passé. Ils ont tout fait pour éviter les plans sociaux afin de sauvegarder le savoir-faire interne et la motivation des salariés. Mais cela risque de ne pas durer indéfiniment.”

Quelles sont les préoccupations RH de votre entreprise en 2009 ?

79 %

Maîtriser les coûts de la fonction RH

71 %

Améliorer l’engagement des salariés

60 %

Accompagner la croissance de l’entreprise

48 %

Conduire le plan de restructuration

34 %

Améliorer le développement international de l’entreprise

19 %

Réaliser une fusion ou une acquisition

74 % des DG attendent un alignement des politiques RH sur la stratégie
XAVIER MOLINIÉ DRH Dell Europe du Sud

“Chez Dell, nous procédons à une mise en cohérence de la politique RH avec la stratégie de l’entreprise à chaque modification de celle-ci. En trois ans, nous avons modifié ou adapté plusieurs fois nos politiques RH, nos process et l’organisation de nos équipes RH.”

Performance RH : quels outils ?

Comment les DRH européens surveillent-ils la qualité des prestations de leur équipe ? Sur quels moyens s’appuient-ils pour l’améliorer ? Deux outils sont particulièrement utilisés pour piloter la performance RH de l’entreprise : l’enquête de satisfaction auprès des salariés (71 %) et le benchmark des pratiques de gestion des ressources humaines (69 %). Viennent ensuite l’analyse de l’engagement des salariés (65 %), puis l’audit des processus de GRH (63 %). Près de six DRH sur dix (59 %) utilisent un tableau de bord RH centré sur des KPI (indicateurs de performance clé), un outil très adapté à l’informatisation du processus. Une certitude : les responsables RH ont besoin d’un retour d’information. « Les DRH ont pris conscience qu’il y avait souvent un écart important entre ce qui leur est demandé et les prestations réellement proposées par leur équipe », analyse Philippe Cavat, directeur général du cabinet DDI France. À la variété des outils utilisés pour surveiller la performance RH répond la banalité des solutions trouvées pour améliorer les services de la DRH. L’informatique et le perfectionnement des SIRH existants se taillent la part du lion avec, respectivement, 86 % et 85 % de réponses. « Les DRH sont beaucoup trop fascinés par l’informatique. Pourtant les usines à gaz ne servent à rien », estime Jean-Louis Mutte, directeur général de Sup de co Amiens. L’amélioration des services rendus (80 %) et la réorganisation de la fonction RH (74 %) font aussi partie de la boîte à outils. À noter que les centres de services partagés (33 %) et l’externalisation de certaines activités RH (20 %) sont loin de faire l’unanimité en Europe.

Quelles sont les attentes prioritaires de votre DG à l’égard de la DRH ?

79 %

Concourir à l’efficacité du management

78 %

Améliorer l’alignement des politiques RH sur la stratégie

74 %

Assurer le maintien et le développement d’un bon climat social

73 %

Améliorer l’efficacité des processus de gestion RH Quels sont les objectifs prioritaires de votre politique RH ?

49 % des DRH travaillent sur la répartition des rôles entre RH et managers
DOMINIQUE VERCOUSTRE DRH de Beauté Prestige International

“Les managers de proximité sont la clé de voûte de toute politique RH digne de ce nom. Mais la hiérarchie doit leur apporter une information claire sur l’évolution éventuelle de la stratégie afin qu’ils puissent la présenter à leur équipe.”

Quels sont vos thèmes de travail prioritaires ?

68 %

Évolution de l’organisation du travail

64 %

Évolution des rôles des managers de proximité

63 %

Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE)

Auteur

  • Éric Béal