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Idées

La grande peur française

Idées | Livres | publié le : 01.10.2009 | Jean Mercier

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La grande peur française

Crédit photo Jean Mercier

Dans ce nouvel ouvrage, Éric Maurin analyse les réactions de la société aux crises économiques de 1974 et 1993. Celles-ci ont mis au jour un trait permanent du modèle français : son exposition extrême à la peur du déclassement. Le véritable déclassement ne s’est pas sensiblement accru au cours des trente dernières années, ce qui a beaucoup augmenté, c’est le coût social que représente pour l’individu une éventuelle forme de déclassement, généralement à travers la mise au chômage. Il y a de plus en plus à perdre pour quiconque bascule dans le monde des statuts précaires. Ce qui explique ce paradoxe : la peur du déclassement a progressé, en fait, en proportion des nouvelles protections que les pouvoirs publics ont attachées à l’emploi à statut du privé ou du public. C’est au moment où la croissance commençait à s’essouffler, au début des années 70, que s’est renforcé l’ensemble des garanties et des protections dont jouissent les salariés dans les entreprises. Les périodes de crise économique sont précisément ces moments complexes à gérer sur le plan social « où les protections deviennent réellement utiles et où se creusent les inégalités nouvelles entre les individus ».

Pour le sociologue, l’originalité du modèle français se trouve là. Même s’il reste rare, le déclassement est un drame presque irrémédiable pour ceux qui en sont victimes. Comme le montre Éric Maurin, c’est dans la fonction publique que le choc de la démocratisation scolaire a eu les effets les plus violents. Conjugué à la récession de 1993, il a conduit des jeunes diplômés à chercher refuge dans le secteur public, où les postes correspondant à leur niveau ne pouvaient croître à proportion. Toute réforme revient à demander à ces jeunes surdiplômés de renoncer à ce pour quoi ils ont sacrifié leurs années de formation initiale.

Cette réflexion sur la peur du déclassement bat aussi en brèche certaines idées reçues. Notamment celle qui voudrait que les diplômes auraient perdu une grande partie de leur valeur sociale. Pour Éric Maurin, « le surcoût d’exposition au chômage des jeunes sans diplôme par rapport aux diplômés du supérieur était de 10 points environ au milieu des années 70 ; il dépasse aujourd’hui 40 points, soit un quadruplement en trente ans » ! Ce n’est pas la valeur des diplômes qui s’effrite, mais le mouvement de démocratisation qui a érodé les protections procurées par le statut social des parents. De quoi révolutionner nos grilles de lecture du malaise des classes moyennes françaises.

La Peur du déclassement, Éric Maurin. Éditions Seuil . 96 pages, 10,50 euros.

Auteur

  • Jean Mercier