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Éditorial

Changer le travail

Éditorial | publié le : 01.10.2009 | Jean-Paul Coulange

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Changer le travail

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Quand le travail tue, qu’il s’agisse d’accidents, de maladies dites professionnelles et, a fortiori, de suicides de salariés, ce n’est pas uniquement une entreprise ou une administration qui est meurtrie, mais l’ensemble de la société. À ce titre, Xavier Darcos, le justement nommé ministre du Travail, a été fort inspiré de convoquer Didier Lombard, le P-DG de France Télécom, afin qu’il vienne s’expliquer sur la série de suicides qui a endeuillé, depuis un an et demi, cette entreprise.

Si l’on a bien compris les déclarations, parfois maladroites, du dirigeant, qui s’avoue lui-même « sous pression », l’histoire de France Télécom se confond avec celle de l’ex-Direction générale des télécommunications, jetée, avec ses dizaines de milliers de fonctionnaires, dans le grand bain de la concurrence. À cela, on pourra objecter que La Poste, qui est également un démembrement de l’ancien ministère des Postes et Télécommunications, a vécu pareille mutation sans que l’entreprise ait à déplorer des suicides en cascade dans les rangs de son personnel.

Dans un passé récent, Renault, naguère Régie nationale des usines Renault, souvent en vitrine sociale de l’industrie française, a lui aussi connu une vague de suicides à Guyancourt, son centre d’ingénierie des Yvelines. Comme France Télécom, l’établissement possédait pourtant en son sein un observatoire du stress, dont l’existence n’a pas empêché plusieurs salariés de mettre fin à leurs jours. Face à cette tragédie, le constructeur automobile français a opté pour le remède de choc plutôt que pour la médecine douce. Réduction de l’amplitude des horaires d’ouverture du Technocentre, recrutement massif de collaborateurs pour soulager les personnels en place – même si la crise de l’automobile est ensuite passée par là –, nomination de responsables ressources humaines de proximité et de responsables « charges-ressources » pour évaluer le volume de travail demandé par rapport aux moyens fournis…

Cela s’appelle réorganiser le travail, ce que beaucoup d’entreprises en dépression rechignent à faire pour ne pas risquer d’ouvrir la boîte de Pandore. France Télécom a simplement suspendu son plan de réorganisation. Dans l’urgence, l’opérateur a installé une ligne téléphonique d’assistance psychologique extérieure, annoncé un plan de formation à la détection des risques psychosociaux pour les 20 000 managers du groupe et engagé, à chaud, une négociation sur le stress qui abordera l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle et l’accompagnement de la mobilité. Des mesures qui jetteront, a promis Didier Lombard, les bases d’un nouveau « contrat social » dans l’entreprise. On en accepte l’augure. Mais mettre en place une cellule d’assistance psychologique ou former les managers à la prévention du stress ne constitue qu’une partie de la solution. Parce que lorsque le travail tue, il faut le changer !

Auteur

  • Jean-Paul Coulange