Les entreprises qui appartiennent à un secteur en crise (automobile, tourisme, banque, immobilier…) ont presque toutes intégré des SIRH. Ce qui ne les empêche pas de supprimer des postes. Une bonne gestion des ressources humaines ne permet certes pas d’échapper aux restructurations. Mais, pour Lionel Prud’homme, vice-président RH de Carlson Wagonlit, mettre en place un SIRH efficace peut aider à gérer les difficultés. Leader des voyages d’affaires, Carlson Wagonlit a pris la crise de plein fouet : « Nous avons été touchés les premiers à travers nos activités de tourisme et de voyage d’affaires. » Mais bien que la société ait été amenée à supprimer 440 postes en France sur 3 000, Lionel Prud’homme estime avoir évité le pire : « Pendant quatre ans, nous avons été en hypercroissance avec une forte progression (+ 30 %) de nos effectifs. Pour nous aider à gérer cette transformation, nous avons mis en place dès 2005 des outils informatiques qui nous ont permis d’optimiser les processus comme le recrutement, l’identification des talents, l’étude des rémunérations, l’évolution des performances… Par ailleurs, nous avons externalisé une partie importante de la paie, ce qui nous a conduits à redistribuer le temps, l’énergie et l’argent consacrés à cette activité vers des tâches à plus haute valeur ajoutée. » Mais, surtout, les solutions technologiques ont modifié les processus de travail et poussé à mettre en place de nouvelles pratiques qui portent leurs fruits aujourd’hui : « La réorganisation a permis aux RH de créer du lien avec les collaborateurs. Si bien que nous sommes plus crédibles aujourd’hui lorsqu’il s’agit de rassurer les gens. Mais ces habitudes de dialogue doivent être prises avant la crise et non pendant, car cela serait considéré, à juste titre, comme du cynisme. C’est un vrai processus graduel », précise Lionel Prud’homme.

Utiliser les outils informatiques RH pour aider les collaborateurs en temps de crise, c’est aussi ce que fait Christelle Chappaz, DRH de Devoteam : « Avec le ralentissement de nos activités, nous avons décidé de ne pas remplacer les départs. Pour les managers, c’est un problème, et on note de leur part une vraie envie de communiquer et de s’informer. C’est pourquoi ils viennent solliciter les RH pour les accompagner dans leurs actions juridiques et pour les aider à réorganiser leurs équipes en trouvant le collaborateur adéquat. Ils nous considèrent comme des partenaires. »

Gérer le cycle de vie du collaborateur. De tels exemples sont malheureusement assez rares. Car, dans le domaine des RH, les entreprises sont encore peu nombreuses à mettre en place des processus automatiques pour les aider à anticiper ou à accompagner leurs collaborateurs. Néanmoins, la crise pourrait avoir des effets bénéfiques dans ce domaine car, en cette période troublée, il est important de savoir gérer les compétences, de favoriser la mobilité et de motiver les collaborateurs. « En ce moment, il y a des paradoxes. Les entreprises recrutent peu et doivent se restructurer. Or elles ne savent pas comment faire au niveau des ressources humaines. C’est pourquoi elles investissent dans des outils RH qui vont leur permettre de gérer le cycle de vie du collaborateur », souligne Arnaud Peponnet, de StepStone.

Même propos chez Franck Boutboul, directeur France de HR Access, le leader mondial des solutions e-RH : « À défaut d’augmenter le nombre des collaborateurs, les entreprises essaient de les retenir et de les motiver en leur proposant de nouveaux postes ou des formations. Nous avons actuellement une forte demande pour des solutions de gestion de talents. » Mais ce qui incite aujourd’hui les entreprises – surtout en temps de crise – à investir dans des solutions e-RH, c’est la volonté de réduire les coûts, notamment en externalisant une partie de leur activité. Franck Boutboul, qui vient de signer avec le sous-traitant automobile Getrag Ford Transmissions (pour la gestion administrative, la paie, la formation et la gestion des compétences), note une recrudescence du phénomène : « Outre la réduction de ses coûts, l’externalisation permet à l’entreprise de se recentrer sur son cœur de métier. Par ailleurs, pour faire baisser davantage les coûts, de plus en plus d’entreprises sont ouvertes aux plates-formes nearshore ou offshore [externalisation des activités dans des pays émergents, NDLR], même dans le secteur public. »

La Croix-Rouge française, 16 000 salariés dans 650 établissements, n’a pas à gérer des suppressions de postes. Néanmoins, comme dans tous les secteurs d’activité, l’association doit réduire ses coûts en raison de la crise. Et, pour Stéphane Barthuel, le DRH, les outils e-RH sont, dans ce cas, indispensables : « Les solutions e-RH nous permettent d’être plus rapides et plus performants, notamment pour les recrutements, qui représentent une partie importante de notre activité. Accélérer les processus d’évaluation et de mobilité entraîne un important gain de temps et d’argent. »

Mais, surtout, constatent autant les DRH que les fournisseurs, l’intégration d’outils informatiques permet de repenser l’organisation de l’entreprise, ce qui est en général primordial pour une structure en crise si elle veut pouvoir redémarrer une fois que les difficultés auront pris fin. À condition, bien entendu, soulignent les hommes de terrain, que cela soit accompagné d’une véritable conduite du changement car, en matière de ressources humaines plus qu’ailleurs, les outils n’ont guère de chance d’être efficaces s’ils ne sont pas acceptés par les principaux intéressés.