Au moment où le Conseil d’orientation des retraites étudie une réforme structurelle, l’exécutif annonce une nouvelle réforme paramétrique. Pourquoi se crisper ainsi sur de vieilles recettes dont l’efficacité diminue à chaque utilisation ? Remisons au musée l’âge officiel de la retraite, la durée d’assurance et la multiplicité des régimes. Adoptons un système unique, par points, où la valeur de service du point sera fixée (selon un lissage entre les années fastes et celles de vaches maigres) de façon à ne distribuer aux retraités que ce qui entre dans les caisses. Instaurons la neutralité actuarielle et laissons chacun liquider sa pension à son heure, totalement ou en partie, de façon modifiable et réversible, en gagnant des points tant qu’il travaille. Misons ainsi sur un levier autrement puissant que des paramètres bureaucratiques : la capacité de chaque homme à prendre des décisions courageuses quand il le fait de sa propre initiative et dans son propre intérêt, sans être ligoté par des dispositions paternalistes. Et, comme les Suédois, modernisons le minimum vieillesse de façon que les cigales puissent passer l’hiver de leur vie à l’abri du besoin mais restent incitées à se transformer en fourmis.
La dégradation profonde du marché du travail depuis un an ne peut en aucun cas être mise à la charge de problèmes « structurels », moins crédibles que jamais. Une erreur fondamentale serait d’imputer à la question démographique et aux difficultés d’emploi des seniors la responsabilité des déséquilibres financiers des régimes de retraite. La cause de ces déséquilibres est aujourd’hui la crise macroéconomique qui résulte elle-même des dérèglements du capitalisme financier et de la distribution des revenus qui ont conduit à l’effondrement de la demande globale. Il n’est donc pas temps de revenir sur les réformes de 1993 et de 2003 qui ont fait de l’allongement de la durée de cotisation le moyen le plus équitable, car il permet aux travailleurs manuels, dont l’espérance de vie est plus faible, de continuer à bénéficier de la retraite à 60 ans pour assurer l’équilibre financier des régimes à moyen/long terme. Les simulations disponibles montrent que c’est le cas à l’horizon 2020 et que le besoin de financement à 2050 est très réduit (autour de 1,5 point de PIB). Il serait bon de s’occuper aujourd’hui du seul objectif qui vaille : le retour au plein-emploi.
La première solution est de retrouver une croissance forte en investissant dans des activités d’avenir. Ensuite, au-delà de l’évidence démographique qui, avec l’allongement de la durée de la vie, implique que l’on puisse demander à des salariés de travailler plus longtemps, il faut se demander pourquoi les Français s’y refusent. Depuis trente ans, la France a adopté une stratégie de suppression des emplois et d’hyperproductivité de ceux qui restent. En résumé, peu de gens travaillent, peu longtemps mais très dur. Le taux de productivité horaire français est l’un des plus élevés au monde. Dès lors, quand on interroge les salariés sur les motivations de leur départ, comme a pu le faire la Cnav, ils répondent qu’ils sont fatigués, usés. Deuxième raison invoquée, ils préfèrent partir plus tôt parce qu’ils redoutent que la réforme suivante soit pire que la précédente. Avant de s’interroger sur les leviers, il est indispensable de se poser la question du rapport au travail et de faire de nos quinquas, comme a réussi à y parvenir la Finlande, un trésor national. Il s’agit de les former, d’adapter leurs postes afin de renouer avec un taux d’emploi des seniors acceptable.
Les Motivations de départ à la retraite, « les Cahiers de la Cnav » n° 1.
La Réforme des retraites, Bruno Palier. PUF, « Que sais-je ? », 2003. En réactualisation.
Urgence des retraites, Jacques Bichot. Éditions Seuil, 2008.
Conseil d’orientation des retraites
« Revue de l’OFCE » n° 109, avril 2009, sur les retraites.
