logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Idées

Faut-il un revenu d’assistance pour les moins de 25 ans ?

Idées | Débat | publié le : 01.09.2009 |

Chargée de plancher sur les politiques en faveur de la jeunesse, la commission Hirsch n’a pas retenu dans ses propositions la mise en place d’un revenu minimum pour les moins de 25 ans. Le débat sur une allocation de subsistance pour les jeunes n’est pourtant pas clos.

Pierre Concialdi Chercheur à l’Ires

Parmi les pays européens qui ont instauré un revenu minimum, la France fait partie des quelques pays où l’âge d’accès à ce dispositif est le plus élevé : 25 ans. Entre la fin de la scolarité obligatoire à 16 ans et le moment où l’on peut percevoir ce revenu minimum, il peut donc s’écouler près de dix ans. Cette période est devenue de plus en plus difficile à vivre pour les jeunes. Une proportion importante de chaque génération continue de sortir précocement du système scolaire sans diplôme ou sans qualification. Ceux qui continuent leurs études doivent de plus en plus travailler pour subvenir à leurs besoins. C’est le cas d’un étudiant sur deux aujourd’hui, et cette proportion a fortement augmenté depuis dix ans. Quant à ceux qui viennent sur le marché du travail après avoir terminé leurs études, on sait que leur taux de chômage reste élevé et qu’ils se retrouvent bien souvent exclus de l’indemnisation du chômage.

La crise actuelle risque fort d’accentuer davantage ces difficultés et rend encore plus nécessaire qu’auparavant la création d’un revenu minimum accessible dès la majorité légale. Le niveau de cette allocation pourrait facilement être celui de l’actuel revenu minimum. Cela permettrait, si l’on souhaite maintenir un écart lié à l’âge, de revaloriser le revenu minimum des 25 ans et plus dont la valeur relative a fortement chuté depuis vingt ans. Le niveau du RSA représente aujourd’hui l’équivalent de 66 smics horaires ; au moment de la création du RMI, il y a vingt ans, ce dernier représentait l’équivalent de 83 smics. Il est évident que d’autres mesures concernant, notamment, la formation, l’emploi ou le logement sont également nécessaires pour permettre aux allocataires de construire leur autonomie. Car une allocation de subsistance n’est pas la panacée et ne peut, à elle seule, résoudre les difficultés que rencontrent les jeunes adultes. Mais outre l’aide matérielle qu’une telle allocation peut apporter, elle représente une forme de reconnaissance sociale qui peut faire barrage au sentiment d’exclusion dont souffrent de plus en plus de jeunes. Il ne faut pas craindre un risque d’enfermement dans une prétendue paresse : ce risque n’est rien en comparaison du désespoir qui peut saisir un certain nombre de jeunes gens et les conduire fatalement vers des activités aux marges ou en dehors de la légalité faute de perspective d’intégration professionnelle ou sociale.

Christine Le Clainche Chercheuse au Centre d’études de l’emploi

Oui, il faut un soutien financier pour les jeunes, qu’ils soient ou non étudiants, dans la mesure où leurs conditions de vie se sont détériorées, mais sans doute pas sous forme de revenu mensuel, car un tel revenu risquerait de les pousser à renoncer à la formation. Pour les jeunes de 18 à 25 ans, la formation doit rester une priorité. Ceux qui ne peuvent suivre un cursus classique doivent être également aidés dans les projets qu’ils ont. Ce soutien peut prendre plusieurs formes. Parmi celles-ci figure la distribution d’un capital permettant un investissement dans des projets d’envergure (création d’entreprise, poursuite ou reprise d’études, placement pour usage différé, etc.) auquel pourrait être associé un accompagnement des projets des jeunes. Le Livre vert Reconnaître la valeur de la jeunesse, rendu public récemment, mentionne la possibilité de distribuer une dotation en capital. J’ai moi-même proposé une telle réforme à plusieurs reprises dont l’esprit et la forme sont particulièrement développés dans une publication du Centre d’études de l’emploi.

L’idée du capital jeune vise à promouvoir l’égalité des chances et à contrecarrer les effets inégalitaires de la transmission intergénérationnelle des capitaux, qu’ils soient financiers ou sociaux. Ma proposition reposait sur la distribution à moyen terme d’un capital de 15 000 euros aux jeunes dès l’âge de 18 ans. Cela correspond à un coût de 12 milliards d’euros, soit à peu près le montant des prestations familiales distribuées chaque année aux chefs de ménage. Le financement pourrait être obtenu via une réallocation des sommes de la politique familiale, un redéploiement des mesures dédiées aux étudiants ainsi que grâce à une hausse de l’impôt sur les successions, l’héritage constituant une source importante d’inégalités dans la société et la dotation en capital pouvant être considérée comme une forme d’héritage transmis par la société. Un accompagnement via les enseignements d’éducation civique dispensée par le système scolaire permettrait alors de responsabiliser les jeunes envers l’aide qu’ils recevraient de la part de la collectivité. Pour dissuader un usage transgressif du capital reçu, des sanctions pourraient être prévues. Enfin, la responsabilisation des jeunes pourrait être renforcée en fournissant, par exemple par le biais des missions locales d’insertion, une aide à l’élaboration de projets pour les jeunes les plus en difficulté.

Guillaume Allègre Centre de recherches en économie de Sciences po.

On ne peut déconnecter la question du revenu d’assistance pour les jeunes adultes de celle, plus générale, de leur accès à l’autonomie. Les jeunes adultes peuvent recevoir un revenu par le biais de trois institutions : le marché (par le travail), l’État (par les prestations sociales) et la famille (par les solidarités familiales). Par rapport à leurs homologues européens, les jeunes Français dépendent majoritairement des solidarités familiales : ils ont droit à peu de prestations propres (allocations logement et bourses) et accèdent difficilement au marché du travail du fait de sa dualisation. Les transferts sociaux se font majoritairement par le biais de la famille (prestations familiales, quotient familial de l’impôt sur le revenu). De ce point de vue, la France fait partie d’un groupe de pays dits méditerranéens. Les Scandinaves font plus appel à la fois au marché et à l’État via des salaires étudiants et des revenus d’assistance universels alors que les Anglo-Saxons recourent davantage au marché : le taux d’activité des jeunes et des étudiants y est plus important. Or les solidarités familiales sont inégalitaires et ne permettent pas l’accès à l’autonomie.

Le passage de transferts sociaux familialisés à des transferts perçus directement par les jeunes adultes est un progrès en termes à la fois d’équité et d’autonomie. De même que les jeunes Scandinaves, les jeunes Français devraient pouvoir fonder leur propre foyer dès 18 ans : cela suppose l’éligibilité au revenu d’assistance ainsi que le calcul des bourses étudiantes par rapport aux ressources du foyer de l’étudiant. En levant une partie des contraintes financières, cette solution est propice aux tâtonnements, allers-retours et réorientation, qui sont le propre de l’accès à l’autonomie. Une telle solution, d’esprit universel, est très coûteuse ; elle aurait aussi pour conséquence une augmentation de la décohabitation (corollaire de l’autonomie), ce qui induirait un coût supplémentaire en termes d’allocations logement. Une alternative moins coûteuse est de cibler, à l’image des Anglais, les jeunes adultes en difficulté d’insertion. Les jeunes en recherche d’emploi depuis plus de six mois se verraient orientés vers un référent qui, après évaluation des besoins, proposerait une formation en alternance, un contrat aidé qualifiant ou une allocation de recherche d’emploi. Dans tous les cas, les revenus du jeune adulte ne pourraient alors être inférieurs au niveau du revenu d’assistance.