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Politique sociale

Mon autoentreprise ne connaît pas la crise

Politique sociale | publié le : 01.06.2009 | Éric Béal

Chômeur, salarié, retraité et… autoentrepreneur. Moyen de compléter son revenu ou de tester une activité, ce nouveau statut décolle. Mais suscite les réticences des syndicats et des artisans.

Nicolas Sarkozy aura fait son possible pour promouvoir l’autoentrepreneuriat. Jusqu’à recevoir plus de six cent de ces nouveaux aventuriers de la création d’entreprise à l’Élysée, jeudi 14 mai. Une façon pour lui de souligner « le rôle des entrepreneurs dans la sortie de crise » et d’associer son nom à un plébiscite inattendu en faveur d’une initiative d’Hervé Novelli, le secrétaire d’Etat chargé du Commerce, de l’Artisanat, des PME, du Tourisme et des Services. Car depuis le 1er janvier 2009, premier jour d’existence de ce nouveau régime, quelque 150 000 personnes se sont déjà enregistrées comme autoentrepreneurs. Comparé aux 300 000 créateurs d’entreprise répertoriés en 2008, ce nombre constitue une nette accélération des vocations à créer son entreprise. « Trois quarts des autoentrepreneurs ne se seraient pas lancés sans l’existence de ce régime », estime Alain Bosetti, président de Planète microentreprises et organisateur de l’Université des autoentrepreneurs, les 8 et 9 juin, à Paris. Institué par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, l’autoentrepreneuriat est entré en vigueur le 1er janvier 2009. Il permet à tout le monde, ou presque, de se mettre à son compte pour développer une activité économique. Salariés, chômeurs, retraités, fonctionnaires, étudiants peuvent désormais créer leur entreprise sans changer de statut pour développer une activité annexe. Seule limite imposée par la loi, le plafonnement du chiffre d’affaires. Au-delà de 32 000 euros hors taxes par an pour des prestations de services et de 80 000 euros hors taxes pour la vente de marchandises, les autoentrepreneurs ont l’obligation de créer une véritable entreprise.

L’idéal pour se lancer sans risque. La simplicité de la formule et le régime fiscal particulièrement avantageux sont plébiscités par les intéressés (voir encadré page 24). Geneviève Lefebvre fait partie de ces nouveaux aventuriers de la création d’entreprise. Cette ancienne intermittente du spectacle ne tarit pas d’éloges sur le régime d’autoentrepreneur, qui lui permet de compléter sa maigre pension d’invalidité en proposant des travaux de couture aux particuliers résidant dans et autour de Merville, une commune du Nord. « L’enregistrement est simple et les charges proportionnelles aux rentrées d’argent. C’est l’idéal pour se lancer sans risque… » Au vu des premiers inscrits, l’autoentrepreneuriat est un régime passe-partout. Certains l’utilisent pour développer une deuxième activité, comme Philippe Flohic, assistant maternel à Launaguet (Haute-Garonne), qui réalise et vend des dessins au fusain d’après photos. D’autres espèrent aboutir à la création d’une entreprise classique, comme Valérie Pizzi, restauratrice de mobilier ancien à Paris, Corinne Parent, secrétaire à Nomain (Nord), ou encore Nathalie Blanco, créatrice de pâtisseries orientales à Marignane (Bouches-du-Rhône). D’après le réseau des chambres de commerce et d’industrie, plus de la moitié (58,6 %) des autoentrepreneurs sont des demandeurs d’emploi, un quart (22,2 %) des salariés, 7 % des retraités. Cette diversité réjouit François Hurel, délégué général de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et grand inspirateur de l’autoentrepreneuriat, qu’il appelait de ses vœux dans un rapport rendu en janvier 2008 à Hervé Novelli. « C’est un phénomène de société qui bouleverse la façon d’appréhender le travail, assure-t-il. Aux États-Unis, derrière 76 % des entreprises se trouvent des autoentrepreneurs. La proportion s’élève à 81 % en Espagne. En France, si nous atteignons ces pourcentages dans quelques années, il y a la place pour 1 million d’autoentrepreneurs, notamment dans les services. »

Réduire l’importance du salariat. Loin de partager cet enthousiasme, les syndicats oscillent entre crainte et scepticisme. « En pleine crise, la mesure va à l’encontre de la création d’emplois. Les entreprises vont être tentées de substituer des autoentrepreneurs à des salariés », estime Éric Aubin, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. Une vision partagée par Marie-José Kotlicki, secrétaire générale de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT, qui juge le nouveau régime caractéristique d’une idéologie gouvernementale « attachée à réduire l’importance du statut de salarié ». De son côté, Jean-François Milliat, secrétaire confédéral de la CFDT en charge des TPE-PME, estime que l’initiative peut offrir des possibilités de rebond aux chômeurs ou permettre aux salariés à temps partiel de compléter leurs revenus. Il souligne néanmoins les risques de chantage à l’emploi. « Particulièrement dans des secteurs comme le bâtiment, la restauration, le transport routier ou les services à la personne, dans lesquels la sous-traitance en cascade pourrait favoriser l’intervention d’autoentrepreneurs aux conditions de travail et de protection sociale dégradées. »

L’UPA demande que les activités artisanales soient retirées du régime de l’autoentrepreneur

Président d’Entreprendre en France, le réseau des chambres de commerce dédié à la création d’entreprise, et président de la chambre de commerce et d’industrie du Val-d’Oise et des Yvelines, Yves Fouchet admet qu’il faudra faire un inventaire en fin d’année pour éclaircir les règles fiscales et apporter quelques corrections réglementaires. Mais il rejette les réticences syndicales. « Les possibilités de sous-traitance abusive existaient déjà avec les microentreprises, souligne-t-il. D’autre part, les limites au développement du chiffre d’affaires des autoentrepreneurs diminuent les possibilités de fraude. Enfin, je considère que la part de ceux qui profitent de l’autoentrepreneuriat pour régulariser une activité exercée au noir n’est pas négligeable. »

Pour autant, les syndicats ne sont pas les seuls à critiquer ce régime. Ainsi, Pierre Martin, le président de l’Union professionnelle artisanale (UPA), ne décolère pas. « Les avantages fiscaux et sociaux accordés aux autoentrepreneurs constituent une distorsion de concurrence insupportable pour les artisans. La franchise de TVA leur offre un avantage concurrentiel tout à fait injuste. De plus, personne ne contrôle leurs qualifications. » Début mai, l’UPA participait à la première réunion d’un groupe de travail sur le régime de l’autoentrepreneuriat mis en place par Hervé Novelli. L’occasion pour ses représentants de demander que les activités artisanales soient retirées du régime de l’autoentrepreneur. S’ils ne sont pas entendus, ils n’excluent pas d’engager une procédure auprès de l’Autorité de la concurrence visant à contester la légalité du régime de l’autoentrepreneur. Face à ces critiques, François Hurel, qui vient de lancer l’Union des autoentrepreneurs sur les rails, compte bien défendre les avantages du nouveau régime. Il pourra toujours s’appuyer sur l’enthousiasme des nouveaux inscrits.

150 000

C’est le nombre de personnes qui se sont enegistrées comme autoentrepreneurs depuis la création de ce statut, en janvier.

Un régime qui fait des envieux

Les avantages liés à l’autoentrepreneuriat suscitent des jalousies. Après les professionnels libéraux dont le chiffre d’affaires est faible qui pétitionnent sur le Net pour obtenir la permission de passer sous le nouveau régime, ce sont les artisans du bâtiment et l’UPA qui demandent d’exclure leurs activités du champ d’application du régime de l’autoentrepreneur.

Celui-ci ne permet pourtant pas de dépasser des seuils stricts de chiffre d’affaires annuel : 80 000 euros hors taxes pour une activité de vente de marchandises ou de denrées à emporter. Et 32 000 euros hors taxes pour des prestations de services. Mais la simplicité de mise en œuvre et les avantages fiscaux et sociaux font des envieux.

L’autoentrepreneur est dispensé d’une inscription au Registre du commerce et des sociétés. Une simple déclaration envoyée à un centre de formalités des entreprises suffit. Le formulaire est disponible sur le Net.

Les charges sociales sont calculées comme pour les microentreprises : un prélèvement libératoire trimestriel ou mensuel, calculé sur le chiffre d’affaires. 12 % pour une activité commerciale, 21,3 % pour une activité de prestation de services ou 18,3 % pour les prestations de services des professionnels libéraux affiliés à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse.

Les impôts sont calculés sur le chiffre d’affaires et prélevés sous forme libératoire par trimestres ou par mois. 1 % du chiffre d’affaires pour un commerce, 1,7 % pour un prestataire de services, 2,2 % pour les prestataires imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Seul côté négatif : l’impossibilité de déduire la TVA ou les frais de fonctionnement de son chiffre d’affaires.

58,6 % des autoentrepreneurs sont des demandeurs d’emploi (estimation du réseau des CCI, fin avril).

Auteur

  • Éric Béal