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Idées

Une société sans visibilité

Idées | Livres | publié le : 01.06.2009 | Jean Mercier

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Une société sans visibilité

Crédit photo Jean Mercier

Le Travail des sociétés, François Dubet. Éditions Seuil . 350 pages, 21 euros.

Comprendre le social devient de plus en plus difficile. C’est normal, explique François Dubet, car le temps est fini où le social se déployait à l’intérieur d’une société. « Les grandes théories générales expliquant à la fois les conduites des acteurs, les lois du système et le sens du changement sont reléguées au musée de la pensée sociale », avertit l’auteur, qui préfère parler de sociétés au pluriel.

La crise de l’idée de société doit beaucoup à la globalisation et à l’affaiblissement de l’État-nation. Elle se traduit par plusieurs symptômes. Politique, avec la volatilité croissante des électorats. Sociologique, avec le peu de pertinence des approches de l’organisation sociale par classes. « À terme, observe François Dubet, la stratification a triomphé des classes sociales. » Les inégalités cessent de se mesurer en termes de position sociale. Pour autant, le triomphe des classes moyennes ne s’est pas fait par la résorption des inégalités, qui se réduisent moins qu’elles ne se transforment et frappent un plus grand nombre d’individus. Entre 1989 et 2003, 21 % des hommes et 17 % des femmes ont changé de groupe social, contre 10 % dans les années 80.

Cette crise de la société se traduit aussi par le grand trouble des institutions. Église, État, école, famille, syndicats, toutes sont ébranlées. À la place de cette intégration « par le haut » se met en place un système d’interactions entre individus ou communautés, plus complexe à appréhender et à réguler. Cela ne veut pas dire qu’il faille abandonner le prisme de la société pour analyser le social. Trois « chemins » lient encore ces deux univers. Le premier est celui que François Dubet appelle l’« expérience sociale ». Chacun devient le stratège de sa personne, tentant de valoriser au mieux son capital social de départ. Le deuxième, c’est la domination, dont la logique est partout à l’œuvre dans le fonctionnement du système social. Le troisième fil rouge est celui des injustices. La dénonciation des discriminations en tout genre n’a jamais été aussi répandue. Cette forme de critique sociale ne peut se faire qu’à partir d’une certaine image de la société. Mais comme cette image est en voie de disparition, la critique se fait plus diffuse : on dit non à tout propos. « Tout se passe comme si nous vivions dans une espèce d’émeute lente dépourvue des relais sociaux capables de lui donner une forme collective », résume le sociologue. La crise fournit maints exemples à l’appui de sa thèse.

Auteur

  • Jean Mercier