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L’inflation des indemnités journalières

Dossier | publié le : 01.06.2009 | B. F.

Si les arrêts courts se stabilisent, ce n’est pas le cas des arrêts longs. Vieillissement et hausse de la productivité sont en cause, mais aussi l’instrumentalisation du congé maladie par les employeurs et les salariés.

Mois après mois, la tendance se vérifie. Après une période de baisse due à la politique très volontariste de lutte contre la fraude à l’assurance maladie, les indemnités journalières (IJ) repartent à la hausse : + 5,4 % en janvier, + 6,5 % en février, + 8,3 % en mars : les arrêts de travail constituent un des postes de dépenses les plus inflationnistes pour le régime général depuis le second semestre 2008 – accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) et maladie confondus. « Dans les caisses primaires, nous constatons un surcroît d’activité au sein des services concernés », rapporte Victor Pérez, directeur de la caisse primaire d’assurance maladie d’Évreux, qui commence tout juste à analyser ces chiffres.

Un décalage de neuf mois. Le phénomène a de quoi surprendre en temps de crise, où les arrêts de courte durée ont plutôt tendance à baisser. « Les salariés craignent pour leur emploi et la pérennité de l’entreprise », explique Julien Jan, directeur d’AGP Conseil, qui constate effectivement une baisse des arrêts de travail dans les entreprises qu’il conseille. En fait, selon un responsable de l’assurance maladie, on observe toujours un décalage de neuf mois entre la réalité du marché de l’emploi et la remontée des indemnités journalières : « La hausse des IJ de courte durée correspond à l’amélioration de la situation économique de début 2007. »

Mais si les arrêts courts se stabilisent, les arrêts longs continuent de grimper : « En volume, ils représentent 90 % de la hausse », reconnaît-on à la Caisse nationale d’assurance maladie. Du côté des complémentaires, on appréhende l’heure des comptes, à la fin du premier trimestre : « Nous nous attendons à une dégradation des comptes prévoyance et arrêts de travail », pronostique Yanick Philippon, directeur général de Mercer. Le phénomène est d’autant plus inquiétant qu’il coûte cher : en 2008, les arrêts de plus de 90 jours représentaient 10 % de la sinistralité dans la branche AT-MP mais 69 % des dépenses, tandis que, côté maladie, les arrêts longs (plus de trente jours) engendraient 80 % des dépenses.

La crise serait-elle passée par là ? « Les arrêts longs sont normalement moins dépendants de la conjoncture économique que les arrêts courts », explique-t-on à la Cnam. Pour Bernard Salengro, médecin du travail et secrétaire confédéral à la CFE-CGC, « cette remontée est avant tout due au vieillissement de la population active et à l’augmentation de la productivité ». Elle peut aussi s’expliquer par l’« effet de seuil » de la politique de contrôle systématique des arrêts de plus de soixante jours mise en place en 2005 par l’assurance maladie : une fois le potentiel d’économies réalisé, l’évolution des indemnités journalières revient en phase avec celle de la masse salariale.

En arrêt maladie plutôt qu’au chômage technique. Reste que, sur le terrain, on commence à s’inquiéter. À la CPAM d’Évreux, Victor Pérez fait état d’une remontée très nette des dépenses liées à l’indemnisation des maladies professionnelles, troubles musculo-squelettique et troubles psychosociaux : « Elle est en partie due à l’amélioration récente des conditions de prise en charge, estime-t-il. Mais d’autres explications doivent être avancées. » Bernard Schmitt, médecin-conseil à la Cnam, observe un autre phénomène lors de ses visites de maîtrise médicalisée en entreprise. « Des employeurs, notamment chez des équipementiers automobiles, gèrent le chômage technique avec des arrêts maladie afin de passer un cap difficile en pénalisant au minimum les salariés. » Catherine Francony, directrice de l’activité optimisation des charges sociales de LowendalMasaï, constate pour sa part que si les gens hésitent à s’arrêter, « une fois qu’ils franchissent le cap, les arrêts sont plus longs ». Autre explication : selon Denis Monneuse, auteur d’une étude récente sur l’absentéisme pour Entreprise & Personnel, de plus en plus de salariés utilisent l’arrêt de travail comme « outil de pression » envers la hiérarchie : « Ils entendent que des dirigeants quittent l’entreprise avec des sommes colossales, et ne voient pas pourquoi, quand ils souhaitent partir, ils n’auraient rien du tout. »

Face à cette remontée des IJ, les entreprises sont dans l’attente. « Celles qui sont engagées dans une démarche de prévention la poursuivent, mais les autres ont des problèmes plus urgents à régler », estime Julien Jan. Pourtant, elles pourraient bien être rattrapées par le sujet. Le gouvernement étudierait en effet, dans le cadre du PLFSS 2010, un nouveau partage de la prise en charge des indemnités journalières entre l’assurance maladie et les entreprises. Ces dernières pourraient supporter le coût des arrêts de courte durée et la Sécurité sociale les arrêts longs. Un système qui se pratique déjà dans d’autres pays comme les Pays-Bas. Reste que la crise n’est pas favorable à un alourdissement des charges des employeurs.

Une addition plus salée

L’article 5 de l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008 a renforcé les obligations de l’employeur, qui doit désormais verser 90 % du salaire dès le huitième jour d’arrêt (au lieu du douzième) à tous les salariés en arrêt ayant au moins un an d’ancienneté (au lieu de trois). Résultat : les employeurs dépendant de branches prévoyant des dispositions moins favorables – 62 %, selon le CTIP – doivent payer la différence, à moins que les partenaires sociaux n’amendent les conventions collectives.

Entré en vigueur en juillet, cet article « a pris tout le monde par surprise », selon Sébastien Morin, directeur grands comptes de Vauban Humanis, qui constate qu’« aucune convention n’a encore été rediscutée ». L’addition peut être salée. Selon Yves Trupin, associé chez Winter, « un employeur peut voir ses charges augmenter jusqu’à 15 % » . Une hausse qui dépend des dispositions en vigueur dans la branche, mais aussi du turnover.

Quant aux entreprises qui recouraient à un contrat d’assurance, « elles se sont bien adaptées », estime Pascal Broussoux, directeur technique à AG2R La Mondiale. Certains assureurs commencent toutefois à adapter leurs contrats. Ainsi, D & O vient de réaménager la garantie de maintien de salaire proposée aux transporteurs routiers moyennant une hausse des cotisations.

Auteur

  • B. F.