logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Vie des entreprises

Les sites de rencontres ne badinent plus avec les RH

Vie des entreprises | Zoom | publié le : 01.05.2009 | Sarah Delattre

Ces sites ne connaissent guère d’autre crise que celle de leur croissance. Les services des ressources humaines sont incités à se structurer et à se doter d’outils de lutte contre le turnover.

Quand on n’a que l’amour à s’offrir en partage, les sites de rencontres en ligne font des ravages, aurait pu fredonner Jacques Brel ! Certes, le numéro un européen Meetic s’est fait poser un lapin en Chine et affiche sa première perte (6,3 millions d’euros en 2008) depuis son introduction en Bourse en 2005. Son rival américain Match.com a vu son chiffre d’affaires baisser de 3 % fin 2008, à 88,1 millions de dollars, et le français Easyflirt, crédité de 5,7 % d’audience nationale, a repoussé à des jours meilleurs son entrée en Bourse.

Malgré tout, l’amour reste rentable en période de crise. Et, pour percer le cœur des quelque 8,6 millions de célibataires français, les Cupidon font flèche de tout bois en développant sans cesse de nouveaux services et en rachetant leurs concurrents. En février dernier, Meetic et le groupe IAC (InterActiveCorp), propriétaire de Match.com, les deux plus célèbres entremetteurs, ont scellé un mariage de raison, mettant fin à une coûteuse guerre marketing. Le français récupère les activités européennes de Match.com qui, en contrepartie, reçoit en dot 26,8 % du capital.

À Meetic, donc, le Vieux Continent et un renforcement de ses positions, notamment dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni. À Match.com, le Nouveau Monde. L’opération, effective au plus tard fin juin, devrait avoir assez peu d’effet sur les effectifs. « Vu la complémentarité de nos implantations, il n’y a pas de phénomène de doublon, affirme Sandrine Leonardi, secrétaire générale de Meetic. Nous devrions même plutôt créer une vingtaine de postes pour gérer l’afflux de trafic dû au rapprochement et au lancement de nouveaux services. »

Organisation éclatée

Mis sur pied en 2002 par Marc Simoncini, qui fit fortune quelques années auparavant en revendant sa société iFrance à Vivendi Universal, le leader français des sites de rencontres Meetic (577 000 abonnés) emploie actuellement 370 salariés, dont 280 à Boulogne-Billancourt, le siège. Dirigé par le magnat Barry Diller, ex-chairman de Paramount Pictures et de Fox, Match.com reste le favori des cœurs solitaires avec plus de 1,3 million d’abonnés payants dans le monde et emploie environ 300 salariés, pour la plupart au siège, à Dallas. Ce qui oblige ses cinq managers locaux à composer avec une organisation du travail éclatée et à recourir aux moyens de communication les plus modernes.

« Deux fois par semaine, tous les directeurs de pays font un point par vidéoconférence avec le directeur international de Match.com à Dallas, explique Arnaud Jonglez, directeur général France, qui chapeaute une équipe de quatre salariés. Tous les trimestres, nous avons une conference call avec le CEO, Gregory R. Blatt, et tous les salariés partagent leur agenda sur Internet. »

Aux côtés de ces deux mastodontes coexistent, sur un marché fortement concurrentiel, une multitude de microentreprises d’audience nationale. Se dépensant sans compter pour développer leur business, leurs (jeunes) dirigeants découvrent les subtilités du droit du travail au jour le jour. À Annecy, Easyflirt, créé en 2001, 25 salariés, envisage de changer de convention collective, après avoir choisi par erreur celle de l’édition ! Meetic ne badine plus en la matière et a recruté Anne Tissoux au poste de RRH en 2006 lorsque le cap des 132 salariés a été franchi. Ses premiers chantiers ? Organiser la représentation du personnel, formaliser les entretiens annuels d’évaluation et le plan de formation.

Sur Meetic, les photos sont contrôlées à Varsovie ou à Casablanca
Service de modération délocalisé

Pour rentabiliser leurs activités à plus faible valeur ajoutée et bénéficier d’une flexibilité accrue, la majorité des sites de rencontres sous-traitent à l’étranger les services de « modération », soit le traitement des annonces. Résultat, les photos et les petites annonces transitent souvent par le Maroc ou la République dominicaine avant d’être publiées.

Depuis 2007, l’un des principaux sites pour homosexuels, Gayvox, fait appel à un prestataire spécialisé qui délocalise lui-même à l’île Maurice. « Auparavant, le recrutement me déprimait un peu, confie Patrick Elziere, le président fondateur du site, qui emploie 10 salariés. Les recrues étaient souvent des jeunes diplômés de niveau bac + 4 ou 5 qui acceptaient faute de mieux ces postes payés au smic et qui partaient à la première occasion. » Chez Match.com, Camille Chardon, responsable du service clients basée à Marseille, supervise à distance les activités de modération sous-traitées en Irlande et en République dominicaine. « Au total, une trentaine d’employés valident nos annonces, à raison de 150 minimum par heure chacun », explique cette ancienne du site de rencontres de Yahoo !.

De son côté, Meetic a opté pour une solution mixte. Les photos sont d’abord contrôlées par deux sous-traitants, soit à Varsovie, soit à Casablanca, où 35 conseillers (en équivalent temps plein) scrutent en moyenne chacun 450 visages par heure. Un second filtrage plus scrupuleux est ensuite réalisé en interne, soit par une des équipes à l’étranger (une cinquantaine d’employés installés à Amsterdam, Londres, Munich, Madrid, etc.), soit par le service clients à Boulogne-Billancourt. Une sorte de tour de Babel en open space où s’activent une soixantaine de conseillers de diverses nationalités. Attablés à des postes rappelant des alvéoles, ils traquent, à raison de 300 annonces par heure, les plaisantins qui affichent en guise de photo celle des stars de leur pays d’origine, les annonces douteuses, la prostitution déguisée.

Big Brother

Une « police » composée de conseillers plus expérimentés joue les Big Brother et épluche plus de 3 000 comptes par jour à l’aide de mots-clés suspects. D’autres répondent aux courriels et aux appels des abonnés, à raison de 16 courriels et 14 appels par heure. Du lundi au samedi, par roulement, de 9 heures à 18 heures.Un horaire encadré dans un secteur qui cherche à maintenir une ambiance start-up en recrutant des jeunes expérimentés capables de cravacher, de se fondre rapidement dans le moule et d’être créatifs.

Directrice marketing et communication chez Match.com, Séverine Briffod, 37 ans, avoue s’être organisée différemment depuis qu’elle est maman. Son job, crucial pour rester dans la course : faire connaître la marque au grand public, capter les tendances amoureuses pour lancer de nouveaux services comme Alchimie, une recherche par affinités. « Il faut sans cesse se réinventer, témoigne-t-elle. Ce que j’apprécie, c’est la relative souplesse d’organisation. Comparé à une entreprise traditionnelle où l’inertie se fait sentir, les décisions sont prises rapidement car le circuit hiérarchique est relativement court. Il suffit de présenter une idée susceptible d’améliorer le retour sur investissement pour obtenir le feu vert. »

Reste que les rémunérations ne suivent pas toujours. Chez Gayvox, « les trois informaticiens sont rémunérés au prix du marché, à 45 000 euros annuels environ », annonce Patrick Elziere. Mais à Points-communs.com, qui emploie trois salariés, un développeur gagne entre 2 000 et 2 400 euros net par mois. Chez Meetic, où les dirigeants ont touché, en 2007, 140 000 euros annuels chacun en fixe, les employés du service clients sont les moins bien lotis. « Hors primes, un conseiller de base gagne 1 500 euros brut, un chef d’équipe 2 000 euros, un responsable de service entre 2 500 et 3 000 euros », détaille franchement Johan Le Bail, responsable du service.

Accords de participation

Pour lutter contre un turnover dû en partie au niveau des rémunérations et à l’humeur volage d’une population âgée de 28 à 30 ans en moyenne, plusieurs sites ont instauré des systèmes de primes et de participation, avec les moyens du bord. Easy-flirt s’est doté depuis le début de l’année d’un outil de motivation baptisé Easy30 et octroie une prime (de 100 euros maximum jusqu’à présent) identique pour tous si le chiffre d’affaires est dépassé. Là encore, Meetic a été plus innovant en mettant en place un accord de participation en mars 2008 et en augmentant les salaires d’embauche de 8 % au service clients. Dans ce même service vient d’être institué un système de challenge individuel et collectif qui permet de gagner entre 50 et 300 euros par mois supplémentaires. Les défis ? Dépasser les objectifs d’abonnements téléphoniques, veiller à la qualité des courriels, organiser le plus d’événements avec son équipe…

« Pour lutter contre le turnover, je verse ces primes, en moyenne de 500 euros actuellement, à l’issue du trimestre », ajoute Johan Le Bail. Surtout, après un audit social révélant une dégradation de l’ambiance de travail, Meetic a réorganisé son service en créant des postes spécialisés en qualité, en conseil psychologique pour élargir les perspectives. En un an, l’ancienneté moyenne y a progressé de douze à dix-sept mois et Meetic se vante dans ses documents de référence de n’avoir jamais essuyé de grève. À croire que l’amour adoucit les mœurs.

Geoffroy Fourgeaud, président du Club des DRH du Net
Un référentiel métiers pour faciliter les politiques RH

Pourquoi avoir créé un club spécifique en octobre 2007 ?

Aujourd’hui, les acteurs de l’économie numérique emploient près de 16 000 personnes. Avec eux sont apparus de nouveaux métiers : webdesigner, trafic manager, responsable d’acquisition… Ils créent de nouvelles problématiques en termes de compétences, de rémunération et de développement d’outils adaptés.

Comment se structurent les RH ?

Un membre du club a, par exemple, attendu d’avoir franchi le seuil des 300 salariés pour recruter un DRH. Or, dans un secteur où la population est jeune et volatile et la matière grise capitale, mieux vaut se structurer tôt pour chercher à la fidéliser. Nos jeunes sont habitués à prendre des responsabilités rapidement, à travailler en mode projet. D’où l’importance d’une politique RH réactive qui favorise les passerelles.

À quoi va servir le référentiel métiers que vous avez bâti ?

Ce référentiel est composé de 32 fiches qui détaillent les missions du poste, le profil requis et les compétences attendues. Cet outil doit aider les RH à recruter, à favoriser la mobilité de leurs salariés et à mettre en place des formations adaptées à l’évolution rapide de nos métiers.

Auteur

  • Sarah Delattre