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Tableau de bord

Faut-il à nouveau partager le travail ?

Tableau de bord | publié le : 01.05.2009 |

Jean-Yves Boulin Sociologue au CNRS, Iris-Université Paris-Dauphine

Les entreprises de nombreux pays ont réduit le recours aux heures supplémentaires afin de faire face à la crise. Bien plus, certaines découvrent les vertus de la réduction du temps de travail (semaine de quatre jours chez KPMG ou chez Vauxhall en Grande-Bretagne, réduction quotidienne chez Toyota au Japon…). En France, des entreprises qui avaient dénoncé les accords 35 heures en utilisant les dispositions mises en place depuis 2002 reviennent aux 35 heures, tandis que d’autres utilisent les marges de manœuvre offertes par l’existence d’un accord 35 heures (annualisation, solde des jours de RTT et des CET). Dans ce contexte, la défiscalisation des heures supplémentaires introduite par la loi Tepa apparaît totalement surréaliste et inadaptée : elle constitue un frein évident à l’embauche, tant dans les secteurs non encore touchés par la crise que dans ceux qui le sont. Si réduire plus avant la durée du travail n’est sans doute pas la priorité en France, au moins pourrait-on inciter les entreprises qui ne sont pas passées aux 35 heures à le faire. La réduction collective du temps de travail est moins porteuse d’inégalités que le recours au chômage partiel.

Denis Ferrand Économiste, directeur général de COE-Rexecode

La remise en cause de la défiscalisation des heures supplémentaires nous paraît inopportune à deux titres. Elle l’est au regard des difficultés récurrentes d’appariement entre les offres et les demandes de qualifications sur le marché du travail. Plus de la moitié des chefs d’entreprise du secteur industriel soulignent qu’ils ne seraient pas en mesure d’adapter la durée d’utilisation de leurs équipements en cas d’augmentation de la demande, et ce principalement en raison du manque de main-d’œuvre qualifiée. Cette question n’est pas d’actualité à cause du fort recul de la demande. Elle ne manquera pas de se poser quand surviendra la reprise de l’activité. Les heures sup seront alors un levier important de flexibilité. Elle est également inopportune au regard des difficultés de trésorerie des entreprises. Déjà fortes au cœur de la récession, celles-ci risquent de s’accroître au moment de la reprise quand les besoins en fonds de roulement se redresseront brutalement alors que leur trésorerie sera à leur point bas. Relever les cotisations sociales sur les heures sup pourrait alors introduire un élément supplémentaire de fragilisation de cette trésorerie.

Jacques Freyssinet Économiste, président du conseil scientifique du Centre d’études de l’emploi

Le travail a toujours été partagé : entre chômeurs et titulaires d’un emploi, temps plein et temps partiel, emplois durables et précaires… La question est donc celle de l’opportunité d’une politique voulant modifier ce partage. Depuis deux ans nous assistons à l’empilement de mesures contradictoires.

Les incitations financières aux heures sup et les mesures visant à retarder l’âge de la retraite augmentent la durée du travail de ceux qui ont un emploi. Les exonérations pour les services à la personne et le RSA, s’il réussit, favorisent le développement du temps partiel. L’État a augmenté son effort financier pour l’indemnisation du chômage partiel et vient d’obtenir l’accord unanime de l’Unedic pour y apporter sa contribution. Or, lors de la récente renégociation de l’assurance chômage, le patronat a réclamé des restrictions sur l’indemnisation des activités réduites pour éviter qu’elle ne devienne un « revenu de complément » ; faute d’un succès immédiat, il a obtenu la création d’un groupe de travail sur cette question. La crise de l’emploi crée la nécessité d’une remise à plat complète des dispositifs visant à agir sur la répartition des durées de travail « tout au long de la vie ».

Pour en savoir plus

Dares, Premières Informations n° 14.1, avril 2009.

www.travail-solidarite.gouv.fr

Rapport au Parlement sur la mise en œuvre de la loi Tepa, 2009.

www.vie-publique.fr

Jean-Yves Boulin, Villes et politiques temporelles. Éd. La Documentation française, 2008.

Conseil d’analyse économique, Temps de travail, revenu et emploi, rapport n° 68, 2007.

www.cae.gouv.fr

Insee, Économie et statistique n° 376-377, juin 2005.

www.insee.fr