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Enquête

Renégociation des horaires rime avec choix inviduel

Enquête | publié le : 01.05.2009 | A. F.

Défiscalisation des heures sup, monétisation des RTT, relèvement du forfait jours… Le recours au volontariat progresse lorsqu’il s’agit d’augmenter la durée du travail. Avec succès quand les contreparties suivent.

À la centrale nucléaire de Gravelines, dans le Nord, la direction peut se féliciter d’avoir proposé une réorganisation des horaires sur la base du volontariat plutôt que d’avoir dénoncé l’accord de réduction du temps de travail ! Au 1er avril dernier, plus d’un tiers des 2 000 agents avaient accepté de modifier leur emploi du temps. Et quatre des cinq syndicats du site ont décidé de parapher l’accord expérimental, pour deux ans, même la CGT, syndicat majoritaire. « Le fait que la modification d’horaires se fasse sur la base du volontariat a facilité notre entrée dans la négociation. La liberté de choix des salariés est préservée et nous savions que beaucoup étaient demandeurs, reconnaît Richard Vanoc, délégué CGT. Mais ce n’était pas une condition suffisante pour signer. Les mesures devaient être à la hauteur. » L’état du compromis a été jugé satisfaisant : aucune remise en cause du forfait horaire des cadres et un « passage aux 35 heures payées 37 », en lieu et place des 32 heures en vigueur depuis l’accord de 1999.

Chez Breitling France aussi, la direction a choisi de proposer le volontariat pour mettre l’horloge sur 40 heures, au lieu d’imposer cinq heures supplémentaires par semaine. « Cela aurait été le meilleur moyen de casser l’implication au travail des salariés et leur motivation. Cela ne correspond plus à l’époque », note Claude Masson, directeur adjoint de la PME horlogère (30 ans de moyenne d’âge), dépourvue de section syndicale.

Mais la direction a dû revoir sa copie pour emporter l’adhésion de tous. Arguments de choc : la majoration salariale revue à la hausse (26 % de rémunération supplémentaire en moyenne) et « le respect des volontés individuelles ». « Nous avons décidé de ne pas imposer un horaire uniforme », explique-t-il. Choix garanti par la mise en place d’une badgeuse, autorisant « une gestion souple des emplois du temps ». Une salariée est restée aux 35 heures, 10 sont passés aux 40 heures et près de 30 ont négocié les 41 heures hebdomadaires afin d’obtenir six jours de congé par an…

Sur 500 cadres interrogés, 52 % d’entre eux étaient prêts à renoncer à leurs RTT contre une hausse de salaire de 15 %

Prudence syndicale. Lorsqu’il s’accompagne de contreparties jugées suffisantes par les salariés, l’appel au volontariat passe comme une lettre à la poste. Les syndicats n’en restent pas moins d’une prudence de loup face au développement récent des espaces de négociation de gré à gré, au nom du « travailler plus ». La loi Tepa d’août 2007, qui a introduit une défiscalisation des heures supplémentaires, autorise les salariés à interpeller les DRH pour monétiser leurs jours de RTT. Celle du 20 août 2008 réformant les règles du temps de travail ouvre aux employeurs, sauf accord contraire dans l’entreprise ou la branche, la possibilité de relever la durée du travail des quelque 83 % de cadres sous le régime du forfait jours qui le souhaitent… Au grand dam des syndicats de cadres CGT, CFE-CGC et CFDT, très remontés contre le nouveau plafond légal, porté de 218 à 235 jours. « Toute modification du forfait jours nécessite d’abord une négociation collective d’entreprise. Tout dépend donc de la DRH et de la représentation syndicale, tempère la CFDT Cadres. Là où c’est problématique, c’est dans les petites entreprises où il n’y a pas de syndicats. » Les TPE, par exemple, où les cadres au forfait jours sont ceux qui bossent déjà le plus, avec une moyenne de 217 jours travaillés.

« La liberté de choix des salariés va croissante dans les textes, mais elle reste soumise à la volonté de l’employeur », modère Stéphane Béal, codirecteur du pôle droit social du cabinet Fidal. Les salariés de Capgemini, première des SSII hexagonales, l’ont compris. Les 4 000 jours rachetés en 2008 auprès d’un millier de salariés n’ont pas été à la hauteur des demandes, très importantes en période de modération salariale. Dans la filiale Sogeti Services, seuls 20 salariés ont pu le faire alors que les demandes étaient six fois supérieures. Au point de susciter de la grogne : « Les refus ne sont pas motivés », déplore un ingénieur furieux qui a engagé une action aux prud’hommes.

Dans la réalité, il est bien difficile de mesurer l’impact des lois visant à détricoter les 35 heures, notamment par l’élargissement des possibilités de choix individuels. Des lois répondant davantage à une logique politique qu’à un besoin des employeurs, selon les syndicats de cadres. Avec les carnets de commandes réduits comme peau de chagrin, l’époque, en tout cas, n’est guère à l’augmentation du temps de travail. Et il y a les barrages psychologiques, côté syndical comme patronal. « Les 35 heures ont été d’une complexité inouïe à mettre en place. Les employeurs n’ont pas envie de rouvrir la boîte de pandore », rappelle le consultant Stéphane Béal.

Pouvoir d’achat en berne. Reste que les aspirations des cadres semblent évoluer face à un pouvoir d’achat en berne. Selon une récente enquête réalisée par le cabinet de recrutement Robert Walters auprès de 500 cadres, 52 % d’entre eux étaient prêts à renoncer à leurs RTT contre une hausse de salaire de 15 %. Encore faut-il qu’ils soient sur la même longueur d’onde que les employeurs…

Il n’y a pas là de quoi rassurer les syndicats, qui craignent toujours que le recours au choix individuel des salariés ne menace les acquis. Malmenée depuis l’ouverture du marché du fret à la concurrence, la SNCF a sorti, l’été dernier, la carte du volontariat… faute d’avoir trouvé un accord avec les organisations syndicales pour revoir notamment les amplitudes horaires. Avec succès : sur 4 000 cheminots, 800 se sont portés volontaires.

Auteur

  • A. F.