logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Éditorial

L’arbre ne doit pas cacher la forêt

Éditorial | publié le : 01.05.2009 | Denis Boissard

Image

L’arbre ne doit pas cacher la forêt

Crédit photo Denis Boissard

La polémique sur la rémunération des grands patrons, leurs superbonus, stock-options, parachutes dorés et retraites chapeaux, n’en finit plus. Tolérée en période d’embellie économique, l’insatiabilité affichée par nombre de dirigeants de groupe coté devient difficilement supportable en ces temps de crise aiguë et de dégraissages massifs.

On est d’ailleurs sidéré de constater la légèreté de ceux qui persistent à vouloir grappiller toujours plus, sans réaliser ou en feignant d’ignorer que leur boulimie exacerbe l’incompréhension et la colère des innombrables salariés dont l’emploi est supprimé. Et qu’elle contribue à approfondir le fossé qui s’est creusé dans ce pays entre l’opinion publique, l’entreprise et ses dirigeants. Un divorce dont témoigne crûment la bienveillance des Français, révélée par les sondages, à l’égard de la généralisation préoccupante des séquestrations de responsables d’entreprise.

Mais il ne faudrait pas que l’arbre cache la forêt. Et qu’en se focalisant sur le symptôme – non sans calcul populiste de la part du chef de l’État et d’une partie de la classe politique – on en vienne à négliger l’essentiel, la maladie grave qui frappe aujourd’hui l’économie de marché mondialisée. Car c’est son extrême financiarisation qui mène le capitalisme dans le mur. Le décalage croissant entre les rémunérations des dirigeants des groupes cotés, notamment via l’attribution de stock-options, et celles de leurs collaborateurs n’est que la résultante du poids exorbitant pris par l’actionnaire, de ses exigences folles en termes de retour sur investissement, ainsi que du court-termisme qui prévaut désormais dans beaucoup d’entreprises. Le capitalisme anglo-saxon et ses avatars – le tout-entreprise, l’externalisation de ce qui n’est pas le cœur de métier, l’individualisation des rapports de travail, le contrat de travail plutôt que la convention collective – ont pris le pas sur le capitalisme régulé de la vieille Europe. Il n’est pas sûr que les clients, les salariés et, en définitive, les actionnaires (lesquels sont à la merci de krachs boursiers à répétition) s’en portent mieux.

La crise actuelle peut être salutaire si elle débouche sur une revalorisation des contre-pouvoirs, notamment syndicaux et consuméristes, si elle conduit à réintroduire un peu plus de collectif dans les relations de travail, si elle amène à redonner du poids au dialogue social (d’entreprise comme de branche), si elle incite à mettre la fonction de DRH sur le même pied que celle de directeur financier, si elle aboutit à privilégier l’investissement à moyen et à long terme plutôt que la performance immédiate en Bourse… Ce n’est évidemment pas gagné, tant la plupart des P-DG actuels donnent le sentiment de courber provisoirement l’échine, en espérant confusément que – sitôt l’orage passé – tout repartira comme avant : la course à la surperformance et son corollaire, l’envolée de leur rémunération.

Auteur

  • Denis Boissard