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Le stage tient bon face au logiciel

Dossier | publié le : 01.04.2009 | S. C.

Les nouveaux outils disponibles sur le marché pour apprendre les langues sont légion. Mais entreprises et salariés plébiscitent toujours les méthodes classiques.

Enrayer l’allergie chronique des Français aux langues étrangères, les entreprises en rêvent. Aussi les prestataires et autres concepteurs de logiciels d’apprentissage des langues se cassent-ils la tête pour inventer des méthodes innovantes. Le logiciel Speedlingua fait partie de ces nouveautés en matière d’e-learning (apprentissage via Internet). La promesse d’une technique plus efficace que celle de l’emblématique patate chaude dans la bouche.

Première étape, installer le logiciel, désormais téléchargeable, puis se parer d’un supercasque high-tech. Et c’est parti pour… de la musique et des images. Surprenant, quand on s’attend à répéter comme un perroquet une série de mots. Violons, rythmes plus dansés. Des paysages, des palmiers. Elle n’est pas déjà passée cette photo avec les éléphants ? Non ? Au bout de cinq minutes, l’expérience devient un peu psychédélique. En fait, il s’agit d’une approche quasi subliminale. Avec cette première séquence, le logiciel prépare le cerveau. Zéro effort garanti. Il lui fait entendre des fréquences imperceptibles, mais nécessaires à une bonne compréhension et, de fait, à une bonne prononciation. Vient enfin le moment tant attendu : « M for Mike », « parlez ». En fait, le logiciel trompe l’oreille en déformant légèrement la prononciation de la personne, lui faisant croire que sa bouche formule correctement. Au fil du temps, le « frangliche » laisse la place à l’english. Un oral fluide, et plutôt bon, regonfle le moral des troupes. Là est la clé de tout apprentissage réussi. Reste à savoir si les acheteurs de formations vont mordre à l’hameçon. « Bien prononcer, oui, et après ? » s’interroge l’un d’entre eux. Et de préférer l’aisance de la communication et l’acquisition d’un vocabulaire étoffé.

Un minimum de 1 000 à 1 500 mots. Sur ce dernier point, les opérateurs rivalisent également d’imagination pour séduire le chaland. À l’instar du logiciel Lexminder. Dans un premier temps, ce produit teste l’apprenant en se fondant sur des critères cognitifs afin d’établir son profil mémoriel. Mémoire visuelle, auditive, spatiale. Puis il s’adapte aux capacités de chacun en utilisant divers vecteurs : MP3, e-mail, SMS, pop-up. Ah ! un téléphone vibre. Un message reçu. C’est Lexminder pour une petite piqûre de rappel.

Ce produit ne prétend pas se suffire à lui-même, « c’est un complément à l’enseignement traditionnel. Il s’adresse aux personnes qui ont un minimum de grammaire. Il peut également convenir aux débutants qui veulent commencer par des choses simples. La maîtrise du vocabulaire permet d’être opérationnel assez rapidement », explique Xavier Lefebvre, inventeur du logiciel et directeur de la société Conitiv Synchron. Avec quelque 272 Lexipass (champs lexicaux), il y a de quoi faire pour combler les lacunes des salariés hexagonaux. D’après une étude menée par cette même société, chaque personne maîtrise en moyenne autour de 50 à 100 mots d’anglais. Ce qui s’avère insuffisant. Pour être autonome, le minimum se situe entre 1 000 et 1 500 mots.

Malgré tout, les salariés bien au fait des dernières innovations technologiques préfèrent se tourner vers les stages en immersion. Christopher Rétif, directeur de l’agence Planète linguistique, constate « un vrai phénomène DIF [droit individuel à la formation] ». Ces derniers mois, la demande a explosé. Les agences spécialisées enregistrent, en moyenne, une hausse de 20 à 30 %.

Cependant, les entreprise continuent à voir ce genre de stages comme des formations cadeaux : soleil, palmiers, pratique de l’anglais. Vision erronée. La plus ensoleillée des île anglophones est loin de remporter tous les suffrages. Les pays anglo-saxons conservent leur leadership en la matière. « Malte n’arrive qu’en troisième position, loin derrière l’Angleterre et les États-Unis », commente Hervé Dutilloy, gérant de la société Atout linguistique. Certains de ses concurrents, comme Planète linguistique, n’incluent même pas cette offre dans leur catalogue. Apprendre l’anglais au soleil, c’est bien, mais l’apprendre chez et avec des anglophones pure souche, c’est mieux. La durée de ces escapades linguistiques ne dépasse généralement pas une semaine. Les tarifs peuvent osciller entre 900 et plus de 2 000 euros pour quinze à trente heures de cours. Une pléiade d’offres qui proposent aussi bien des enseignements dispensés dans des centres de langues que des séjours à temps complet chez un professeur particulier – la formule choisie dans la plupart des cas.

Du côté des entreprises, entraînées inexorablement dans le tourbillon de la globalisation et de la mondialisation, deux tendances se dégagent. Dans les sociétés où les responsables des achats règnent en maîtres incontestés, la formation reste souvent une simple obligation. Ainsi, près de 70 % des groupes qui s’adressent à l’organisme Linguaphone France s’accrochent avec force aux vingt heures de formation par an calquées sur le DIF. Une option inadaptée. « Il faut compter entre cinq cents et mille heures pour qu’un adulte soit à l’aise avec une langue qui n’est pas la sienne », précise Sana Ronda, présidente de Linguaphone France. À l’opposé de la direction des achats, « les responsables de formation et les directeurs des ressources humaines sont très portés sur la qualité », relève Olivier Tomasini, numéro deux de Wall Street Institute France.

Un professeur d’anglais recruté. Dans l’inconscient collectif entrepreneurial français, la qualité passe par un maximum de présentiel. « Ici, les gens doivent pouvoir communiquer, y compris avec des personnes dont l’anglais n’est pas la langue maternelle. Ce n’est pas en cochant des cases que nos collaborateurs vont pouvoir progresser. Le moyen le plus efficace est l’enseignement dispensé par un formateur », assure Pétra Heijdenrijk, référente pédagogique chez Total à Pau, qui dispose de son propre centre de formation linguistique. Toutefois, la contrainte économique n’est jamais très loin, surtout en ces temps de crise où gestion réussie rime souvent avec économie. Raison pour laquelle la société Mega, spécialiste du conseil en organisation et éditeur de logiciels, a recruté son propre professeur d’anglais. La DRH, Karima Chauvalon, argumente : « Rebecca est considérée comme une vraie collaboratrice, elle gère elle-même son budget, qui équivaut environ à 1200 euros par an pour 35 stagiaires par trimestre, ce qui représente un vrai avantage économique. Elle s’adapte aux horaires de ses collègues et élèves, plus motivés à son contact. »

Pour autant, le présentiel possède ses limites. Près de 80 % des entreprises françaises de plus de 50 salariés ont une dimension internationale. Et les nouveaux globe-trotteurs des affaires sont de plus en plus mobiles. Pour Annee Bayeux, responsable de la formation à distance chez Alstom, « l’e-learning reste un bon compromis pour les personnes qui n’ont pas la possibilité de suivre une formation en présentiel ». Un outil moins contraignant mais inefficace contre le manque d’assiduité des apprenants.

Parer au choc des civilisations

Nous vivons dans une complexité culturelle qui tranche avec nos habitudes de penser », affirme Peter Isackson, directeur de la société International Communication for Business Management (ICBM).

Le monde de l’entreprise n’échappe pas à cette complexité. Et la BNP en a fait les frais, il y a quelque temps, en Inde. Le contrat tant espéré était signé, tout paraissait aller comme sur des roulettes.

Mais voilà, les cinq managers envoyés par la banque au pays des maharajas n’ont pas supporté le « choc culturel ». Résultat, grosse déprime pour les cinq Français, rapatriés en catastrophe.

Les vaches sacrées, les rickshaws, Bollywood, c’en était trop pour eux. Dans ce cas de figure, la maîtrise de l’anglais s’est révélée nécessaire mais pas suffisante. De la compréhension des autres civilisations dépend la qualité de la communication. Savoir se défaire de son déterminisme culturel pour mieux décrypter les autres civilisations est un enjeu de taille. Mais les entreprises restent trop souvent insensibles à la thématique de l’interculturel dans leur relation à l’international.

Ce que confirme Peter Isackson : « Les sociétés sont négligentes ; pourtant elles doivent être capables de résoudre des problèmes dans un contexte transculturel où il y a un conflit de valeurs.

C’est une condition sine qua non de réussite. » Dans cette optique, ICBM innove et propose aux entreprises, via e-learning, une initiation hors du commun, qu’il baptise méthode du « détective culturel ». Le but étant de rendre les salariés capables de s’adapter à tout type de situation dans n’importe quel pays.

Auteur

  • S. C.