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Idées

Avis de tempête sur la France

Idées | Bloc-Notes | publié le : 01.03.2009 | Rose-Marie Van Lerberghe

LA PEUR DU CHÔMAGE NE FREINE PLUS LES REVENDICATIONS

Habituellement, les menaces sur l’emploi font passer les revendications salariales au second plan. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, comme le montrent le conflit social en Guadeloupe et les sérieuses craintes de contagion qu’il suscite.

L’exaspération sociale s’alimente de l’annonce des milliards accordés aux entreprises en difficulté. Elle s’entretient aussi des révélations régulièrement distillées sur le scandale des rémunérations des patrons, de leurs bonus, de leurs stock-options ou de leurs indemnités de départ.

NON AU PATRON DANS LE PUBLIC

Manque de chance, c’est précisément au moment où la dictature du court terme compromet la légitimité des entreprises et où leurs dirigeants sont décrédibilisés par le comportement scandaleux de quelques-uns que les réformes lancées dans le secteur public tendent à imposer l’autorité d’un patron qui deviendrait lui-même responsable des résultats. Or, s’il y a bien une particularité du service public en France, c’est l’aversion à rendre des comptes à une hiérarchie toujours suspecte, soit d’incompétence, soit d’inféodation au pouvoir politique, quand ce n’est pas des deux à la fois. À l’Université, le débat tourne au dialogue de sourds. Les enseignants-chercheurs considèrent être déjà amplement évalués sur leur travaux et un bon nombre n’acceptent pas d’avoir des comptes à rendre au président d’université, pourtant élu parmi eux. Les présidents eux-mêmes, en majorité favorables à la réforme, vacillent dans leur détermination et ne veulent pas être « instrumentalisés » par le pouvoir. Dans cette affaire, tout le monde instrumentalise tout le monde et l’angoisse des jeunes risque de servir de détonateur.

ET PAS QUESTION DE GÉRER L’HÔPITAL COMME L’ENTREPRISE

Le projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires » repose aussi sur l’idée que l’hôpital doit avoir un patron pour dépasser les cloisonnements, les corporatismes et imposer des organisations centrées autour du patient. On peut s’attendre à une bataille d’amendements visant en particulier à réintroduire l’avis conforme de la commission consultative médicale pour chaque décision importante. Les praticiens craignent la dictature de l’efficience au détriment de la qualité des soins et on perçoit déjà des tentatives de mobiliser l’opinion publique sur ce thème très émotionnel. Le problème, c’est que les mêmes se sont toujours opposés à une évaluation de la qualité des soins au motif qu’elle serait très difficile à mesurer. L’évaluation des pratiques professionnelles s’est transformée en une simple obligation de formation continue. Il faudrait pourtant que les médecins se saisissent de ce thème de l’évaluation de la qualité par les pairs, faute de quoi perdurera la vraie inégalité de l’accès aux soins en France, qui est celle de l’information du patient.

Hôpitaux et universités résisteront difficilement à la coalition des opposants et à leur capacité de mobiliser des populations inquiètes et des jeunes angoissés. Et les entreprises ne resteront pas nécessairement à l’abri.

Auteur

  • Rose-Marie Van Lerberghe