logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Les réseaux sociaux mettent à plat les hiérarchies

Enquête | publié le : 01.03.2009 | Anne-Cécile Geoffroy, Florence Puybareau

Compétences clés pour l’entreprise de demain, le partage des savoirs et l’intelligence collective s’appuient sur des réseaux de communautés qui bousculent les organigrammes.

Ici, le mail et la messagerie instantanée sont dépassés. Tous les messages passent désormais par Facebook et Twitter. » « Ici », c’est en Californie, et le personnage qui ringardise en deux mots les « bonnes vieilles » pratiques de communication des entreprises, c’est Georges Nahon, directeur général du centre Orange Labs de San Francisco. Ce Français a été chargé par l’opérateur de télécoms d’étudier les innovations qui émergent dans ce laboratoire géant qu’est la Californie. Et déjà il constate : « Aux États-Unis, l’introduction de Facebook dans les entreprises est accompagnée par les DRH. Leur objectif : faire du partage de connaissances. »

Partage de connaissances, intelligence collective, travail collaboratif sont l’essence du Web 2.0 et résument les enjeux auxquels seront confrontées les entreprises demain. Popularisé par des réseaux sociaux comme Facebook, Dailymotion, LinkedIn ou Twitter, le Web 2.0, où tout le monde interagit, envahit peu à peu le monde du travail. « Jusqu’ici les entreprises ont beaucoup travaillé à la construction de leur système d’information. Demain, l’enjeu sera de construire le bon système de relations avec ses salariés, ses clients, ses partenaires pour faire émerger cette intelligence collective et la transformer en vecteur de croissance », note Carlos Diaz, P-DG de BlueKiwi, start-up spécialisée dans les réseaux sociaux.

En France, les entreprises à l’heure du 2.0 se comptent sur les doigts de la main. Elles commencent à intégrer les réseaux en autorisant ou en créant des blogs, des wikis, des communautés sur Facebook. IBM fait partie des pionniers. Il a mis en place, en 2005, une plate-forme baptisée Think Place. Cette boîte à idées mondiale est à présent utilisée par 150 000 salariés (sur les 380 000 du groupe). « Elle a généré 1 600 idées. Trois cent soixante-quinze ont été mises en œuvre, et l’impact sur le business est estimé à 574 millions de dollars », comptabilise Willem Gabilly, responsable de la communication interne et des médias sociaux pour IBM en France. Le groupe informatique mise sur la montée en puissance du microblogging (sorte de Twitter à usage professionnel) et expérimente les jam-sessions, discussions en ligne réunissant plusieurs milliers de participants, collaborateurs, mais aussi clients et partenaires, pour faire remonter les innovations de demain.

Alstom, via son université, cherche à promouvoir l’idée de communauté de métiers auprès des salariés, dans le dessein de les faire échanger sur leurs pratiques. Aujourd’hui, l’entreprise spécialisée dans le transport et les centrales électriques abrite 29 communautés sur une plate-forme collaborative. De son côté, SFR a tourné la page de l’intranet plan-plan. Avec My SFR, l’opérateur de téléphonie mobile s’est doté d’un mini-Facebook où chacun peut indiquer son profil, poser des questions et proposer des idées. Après un an de fonctionnement, l’outil entre doucement dans les usages. « Le blog a très bien fonctionné au moment de la fusion avec Neuf Cegetel. Pour ce qui est de l’annuaire, certains collaborateurs hésitent encore à renseigner leur profil. Ils attendent de voir si l’outil va être utilisé et comment. Nous devons aussi imaginer le système de reconnaissance à accoler à la boîte à idées, sinon elle ne fonctionnera pas », explique Stéphane Roussel, le DRH.

Ces nouvelles règles de partage de l’information ne vont pas sans poser de problèmes aux entreprises. À commencer par la fin des hiérarchies, qui va transformer considérablement les organisations. Blogs, wikis et autres outils collaboratifs se jouent des organigrammes. « Tout le monde peut prendre la parole et est traité sur un pied d’égalité, du président au salarié lambda », souligne Nicole Turbé-Suetens, animatrice d’un groupe de travail sur les nouvelles technologies pour le groupe RH & M. Pour le salarié, il s’agira d’exister dans ces réseaux et communautés. « La collaboration devient, dans cet environnement, une compétence clé pour l’entreprise », relève Walfa Chouki, community networks manager chez Alstom. Les équipes de projets ne s’organiseront plus au sein d’un service mais sur la base des compétences recherchées, qu’elles se trouvent dans l’organisation ou en dehors. « Toute la difficulté sera de bien gérer les aspects de la sécurité informatique », admet Walfa Chouki.

Hypertendues lorsqu’il s’agit de sécuriser leur environnement informatique, certaines entreprises interdisent déjà l’accès à Facebook à leurs salariés par souci de sécurité et de productivité. C’est oublier qu’un simple téléphone portable permet d’être connecté en permanence grâce aux bornes Wi-Fi. Mohamed Mokrani, coauteur d’un mémoire sur l’entreprise 2.0 et coordinateur du redéploiement externe chez DHL, parle de la relation schizophrénique que développe l’entreprise au Web 2.0. « Les entreprises veulent des collaborateurs qui donnent leur opinion ; mais, en même temps, elles cherchent à contrôler ce qu’ils disent. D’un côté, elles souhaitent qu’ils utilisent des outils de communication modernes ; de l’autre, elles bloquent les accès de peur de ne plus maîtiser l’information. » Les entreprises n’auront pas le choix car, pour attirer les meilleurs talents de la génération Y, elles ne pourront pas se permettre d’interdire très longtemps l’usage de Facebook.

PAROLE D’EXPERT

“Nous sortons de l’entreprise citadelle avec ses frontières, et ceux qui sont dedans ou dehors, pour passer à l’entreprise archipel. C’est-à-dire une agrégation de contenus qui va permettre de réussir avec tout le monde : les collaborateurs, les clients et les partenaires.”

Jean-Pierre Corniou, ancien DSI de Renault et auteur du livre le Web, 15 ans déjà… et après ? (éd. Dunod, 2009).

I actif sur 2 en France, soit 12 millions de salariés, utilise un ordinateur au travail 96 % font usage de l’e-mail 11 % d’un espace de travail collaboratif wiki 16 % d’un réseau social

Source : étude Ifop pour Microsoft, décembre 2008.

La puce RFID

C’est le code-barres du XXIe siècle. Dotée d’une antenne radio, elle permet de communiquer à distance les informations qu’elle contient.

L’objet

Marché

En 2008, le marché des puces RFID a dépassé le milliard de dollars et devrait atteindre plus de 3 milliards de dollars d’ici à trois ans.

Taille

La puce RFID de demain ne sera pas plus grosse qu’un grain de sable.

Application

La puce RFID peut être implantée partout et notamment dans des organismes vivants (animaux, humains).

Controverse

Utilisant des fréquences radio, la puce RFID pourrait, selon ses adversaires, être dangereuse pour la santé des individus.

INTERVIEW D’ANNE BEAUFUMÉ, SOCIOLOGUE, MEMBRE DU GROUPE DE TRAVAIL « TECHNOLOGIES ET VIE QUOTIDIENNE, FRANCE 2025 », CAS
“Le salariat pourrait devenir un modèle repoussoir pour les jeunes générations”

Pourquoi les individus s’approprient-ils si bien les technologies de l’information ?

Les TIC épousent trois tendances sociologiques lourdes. Tout d’abord, le formidable besoin d’autonomie et d’expression de soi, dans la vie comme au travail. Ensuite, le poids croissant des émotions dans notre quotidien, dont les TIC permettent l’expression. Enfin, le fait que, de plus en plus, l’être humain est un « animal connectif ». Les réseaux sociaux du Web font écho à ce mode de relation spontanée.

L’entreprise est-elle en phase avec ces évolutions sociologiques ?

Si elle n’évolue pas vite, elle va être en décalage avec les salariés, auprès desquels les TIC se démocratisent à grande vitesse. En termes d’équipements, les ruraux rattrapent les citadins, les vieux rattrapent les jeunes ; 63 % des foyers sont équipés d’au moins un ordinateur. Et beaucoup de salariés français sont bien mieux équipés à la maison qu’au travail, ce qui crée des « déficits », pas forcément visibles.

Quel est le premier signe de ce décalage ?

Le jeu des relations plus directes induit par l’usage des TIC bouscule le système hiérarchique des entreprises. Et le salariat pourrait devenir un modèle repoussoir pour les jeunes générations si l’entreprise ne s’adapte pas à ces nouveaux modes de fonctionnement. D’ailleurs, un nombre croissant d’étudiants se lancent dans la création d’entreprise dès la fin de leurs études, voire avant.

Comme si vous y étiez !

Leader mondial des réseaux informatiques, Cisco mise sur la téléprésence, une solution qui permet de réunir des collaborateurs de différentes parties du monde sans qu’ils bougent de leur lieu de travail.

Pas de bureaux attitrés

Les bureaux que Cisco termine de réaménager sur son site d’Issy-les-Moulineaux préfigurent ce que sera sans doute l’entreprise de demain, hormis quelques services stratégiques comme la DRH, les finances et la direction générale…

Interdiction de réserver sa place

De longues tables, sans espaces de séparation mais pourvues de toute la connectique nécessaire pour brancher un ordinateur portable, ont été installées à chaque étage. Lorsqu’il arrive au bureau, le salarié s’installe à l’emplacement qui est libre avec interdiction de réserver sa place.

Mais les équipes restent groupées

Cependant les collaborateurs restent toujours groupés par équipes. Par ailleurs, à chaque étage, on trouve des box pour s’isoler, des salles de réunion et des espaces de détente.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy, Florence Puybareau