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Enquête

Le contrat de travail sera-t-il moins protecteur ?

Enquête | publié le : 01.03.2009 |

Oui, répond Antoine Lyon-Caen, sauf sur le risque d’atteinte à l’intégrité physique et morale des salariés. Paul-Henri Antonmattei, lui, croit à un dialogue social plus performant à l’avenir.

ANTOINE LYON-CAEN, professeur à l’université Paris X (Nanterre)

“L’érosion du droit du travail va se poursuivre”

L’unité apparente du droit du travail accueille la diversité. Et il serait hâtif de croire que le droit du travail évolue d’un seul mouvement, à sens unique. Ainsi, les activités de services, plus encore s’ils sont publics, qui demandent un concours des bénéficiaires appelleront un droit du travail plus sophistiqué.

Mais il est vrai que, parallèlement, un modèle d’entreprise, dans lequel le droit du travail a pris racine, est en cours de dilution. Les développements technologiques dessinent déjà une entreprise évanescente, avec des travailleurs plus solitaires et des contrats flexibles. Mais, surtout, une nouvelle représentation de l’entreprise s’est installée qui pourrait devenir dominante si l’on n’y prenait garde. L’entreprise est regardée comme un ensemble d’actifs à céder : telle est la conception que diffusent ses modes d’évaluation ancrés dans la valeur de marché. Cette conception réclame un transfert des risques traditionnellement supportés par l’employeur vers le salarié. Là est le cœur du mouvement d’érosion du droit du travail. Il va se poursuivre, même si des réactions peuvent le contrarier. Il affectera diversement les différents risques dont la répartition est l’épicentre du contrat de travail.

Qui prendra en charge les risques liés aux fluctuations du marché ? C’est l’enjeu du débat sur la sécurisation des parcours professionnels. Peut-on réduire les responsabilités de l’entreprise à de simples contributions financières et accroître les responsabilités des collectivités publiques et des travailleurs eux-mêmes ? Cette répartition comporterait sa dose de danger et d’illusions. Les risques liés à l’organisation sont déjà en cours de réaménagement, comme le montre le développement des franchises de services.

Il n’est que les risques liés à l’intégrité physique et mentale dont une meilleure prise en compte puisse être augurée. Dans une société marquée par la souffrance et éprise de soins, le donneur d’ordres comme l’employeur auront sans doute, en ce domaine, des responsabilités accrues.

PAUL-HENRI ANTONMATTEI, professeur à l’université Montpellier I

“Une nouvelle cohabitation à définir avec l’accord collectif”

« C’est l’une des évolutions les plus marquantes de ces deux dernières décennies : le contrat de travail comporte des éléments essentiels qui ne peuvent être modifiés sans l’accord du salarié. Ce renouveau du contrat de travail, assuré par la jurisprudence et conforté par le législateur, est désormais entre les mains des partenaires sociaux, qui ont pris l’engagement d’ouvrir une réflexion “afin d’atteindre l’objectif de pouvoir déterminer a priori et de manière limitative les éléments qui doivent toujours être considérés comme contractuels” (accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisationdu marché du travail).

La protection du salarié assurée par ce regain de contractualisation n’est toutefois pas sans limite. Le renouveau du contrat de travail s’insère dans un contexte de forte promotion de la règle conventionnelle, d’autant plus justifiée que la légitimité des accords, avec l’exigence majoritaire, et la légitimité des acteurs, avec la réforme de la représentativité, ne sont plus discutables.

Les règles de modification du contrat de travail ne sauraient permettre, par principe, une résistance à l’application de l’acte collectif, sauf à affaiblir dangereusement ce dernier. Le législateur l’a bien compris, lors du passage aux 35 heures, en prévoyant des règles particulières de modification du contrat de travail en cas d’accord de réduction du temps de travail. Ces dispositions ne sauraient suffire tant les modalités d’organisation du temps de travail sont largement offertes à l’accord d’entreprise, singulièrement après la loi du 20 août 2008.

Est de même insuffisante la règle d’application de la clause la plus favorable en cas de conflit entre contrat et acte collectif de travail.

De nouvelles règles de cohabitation entre ces deux actes doivent être trouvées : il y a une certaine urgence ! »