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Enquête

Des salariés nomades et hyperconnectés

Enquête | publié le : 01.03.2009 | Anne-Cécile Geoffroy, Florence Puybareau

Télétravail, webconférences, management à distance… La présence physique est de moins en moins indispensable. Le bureau comme espace personnel n’a plus lieu d’être.

Si une chose ne perturbera pas les salariés issus de la génération Y, ce sont bien les avatars ! Quoi de plus normal que de se retrouver entre collègues dans un bureau virtuel ? Teleperformance en est déjà convaincu. Pour mieux manager ses salariés travaillant à domicile, le leader mondial des centres d’appels est en train de créer, sur son propre réseau, une île virtuelle façon Second Life. Objectif : permettre aux salariés de se retrouver via leur avatar et recréer un esprit de bureau comme dans la vraie vie. Déjà, les conseillers de clientèle à domicile ne sont pas laissés seuls dans la nature. « En entreprise, le manager s’assied auprès du conseiller, écoute la conversation et peut l’aider. En télétravail, le manager écoute la conversation à distance et intervient grâce à la messagerie instantanée », explique Olivier Carrot, directeur général adjoint de Teleperformance. Chez IBM, le nomadisme est entré dans les mœurs. « Lorsque l’on organise une réunion en interne, peu importe que le salarié soit présent ou non physiquement. On réserve un numéro de téléphone avant de réserver une salle », note Philippe Bournhonesque, directeur de la stratégie software pour IBM France. Et, lorsqu’il s’agit de passer par le Web, le salarié réserve une session de Web conferencing. « Si jamais vous arrivez un peu tôt, l’outil vous propose de patienter dans une salle d’attente virtuelle », ajoute Philippe Bournhonesque.

Les coursiers n’ont plus de téléphone portable à portée de main dans la société de courses Novea, mais un PDA (personal digital assistant). L’entreprise, dont 80 % des salariés sont nomades, n’a pas hésité à investir 1 million d’euros pour gonfler les fonctionnalités de son logiciel de gestion des courses. « Celui-ci nous permettra de gérer en temps réel les coursiers et conduira les chefs d’agence à optimiser au maximum les ressources disponibles sur le terrain, explique Mickael Macé, le P-DG. Les coursiers pourront aussi avoir un lien direct avec l’entreprise via l’extranet que nous mettons en place pour développer un sentiment d’appartenance à son égard en leur donnant des informations concrètes sur leur protection sociale, les accords que nous négocions avec les syndicats. Des informations dont ils n’ont pas toujours connaissance. »

Ces types de management à distance vont sans aucun doute se généraliser avec le développement du télétravail. Aujourd’hui, 14 millions de salariés sont concernés en Europe. Ils étaient 4,5 millions en 2002. En France, 7 % de la population active télétravaille (25 % aux États-Unis). Et, pour nombre d’experts, la crise actuelle et la nécessité pour les entreprises de comprimer leurs coûts vont accentuer la tendance. Il ne sera plus nécessaire d’être physiquement au bureau pour travailler, même si l’on doit intervenir en groupe sur un même document. « Les murs d’une entreprise seront surtout là pour se protéger du soleil et du vent », relève Georges Nahon, chez Orange Labs en Californie. Les entreprises devront se demander objectivement à quoi serviront demain les bureaux. « Ce n’est pas tellement la forme mais plutôt le choix du lieu de travail qui importera, souligne Michael Fenker, ingénieur de recherche au Laboratoire espaces travail de l’École d’architecture de Paris-La Villette. Longtemps, les grandes entreprises ont cherché à faire du bureau une petite ville, où le salarié pouvait trouver de multiples services. Les TIC permettent aujourd’hui au salarié de faire de la ville son bureau. »

Pour tenir compte de ces nouveaux modes de travail, les espaces évoluent, même à l’intérieur de l’entreprise (voir ci-contre Cisco). Ce qui n’est pas sans problème, comme chez Renault, où les collaborateurs, craignant des dérives, ont décidé d’édicter des chartes qui « réglementent » l’utilisation des espaces de travail et des outils technologiques. Il est par exemple interdit de forcer son collaborateur à répondre à un e-mail arrivé le dimanche soir, et les portables doivent être en mode vibreur pour éviter de gêner son entourage. « L’autre impératif est de garder le lien physique. C’est une règle de management. Mes collaborateurs et moi-même sommes complètement mobiles. Mais nous nous voyons sur le site de l’entreprise tous les mercredis », précise Valérie Cohen, directrice de l’environnement de Renault.

« L’entreprise sera de plus en plus mobile, agile, rapide, affirme Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur de management à HEC. Elle devra d’autant plus veiller au “vivre ensemble” et à préserver une communauté. Lorsque les gens viennent au bureau, ce n’est pas seulement pour travailler. C’est aussi pour y trouver des relations humaines. Le télétravail ne répond pas à un besoin essentiel des salariés : le sentiment d’appartenance. Ce sera l’une des missions des DRH que de mettre en place ces règles de vie. En l’absence de règles, la thématique du stress ne cessera de grandir. »

Reste que tous les employés ne vont pas suivre cette évolution, d’où l’importance de leur accompagnement. Stéphane Roussel, DRH de SFR, en a bien conscience. « Les technologies professionnalisent les relations sociales et donnent de la voix argumentée aux collaborateurs. Mais c’est aussi un monde où il va falloir être plus rapide qu’intelligent. Il risque d’y avoir une fracture numérique. Ceux qui n’y arriveront pas seront mis à l’écart plus vite. »

PAROLE D’EXPERT

“Le DRH de demain sera le directeur des réseaux humains. Sa mission : organiser des réseaux organiques qui, au fil du temps et des projets de l’entreprise, se feront et se déferont.”

Carlos Diaz, P-DG de BlueKiwi, start-up spécialisée dans les réseaux sociaux d’entreprises.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy, Florence Puybareau