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Enquête

Cinq contraintes écologiques à prendre en compte

Enquête | publié le : 01.03.2009 | Éric Béal

Réchauffement climatique, pressions des ONG, réglementations de plus en plus strictes… De gré ou de force, les entreprises doivent tenir compte de la nouvelle donne et s’y adapter. Revue des contraintes qui vont devenir incontournables d’ici à une dizaine d’années.

LE RENFORCEMENT DES RÉGLEMENTATIONS

Entre la carotte et le bâton, le législateur a choisi le second concernant l’environnement. « La législation est le principal facteur qui motive l’industriel à prendre en compte l’environnement », affirme Béatrice Bellini, maître de conférences en sciences de gestion à l’université de Versailles-Saint-Quentin, spécialiste de l’intégration de la protection de l’environnement dans la stratégie des entreprises. Les premiers textes de loi remontent, certes, aux années 60. Mais l’emballement de la production législative et réglementaire ne date que d’une décennie.

Et ce n’est qu’un début : les lois Grenelle 1 et II sont en train de donner une ampleur nouvelle à l’arsenal législatif. À cela il faut ajouter l’apport des règlements européens comme Reach, sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques, qui a obligé 4 400 entreprises françaises à analyser les substances utilisées dans leur production. « C’est le sens de l’histoire d’aller vers des textes plus sévères et de renforcer les obligations. Et c’est loin d’être fini. L’issue de la négociation post-Kyoto, à partir de 2013, apportera son lot de normes supplémentaires », indique Bettina Laville, avocate associée au cabinet Landwell, responsable du pôle droit de l’environnement et développement durable.

Du côté des entreprises, le renforcement de la législation a fait évoluer les esprits. « Il y a trente ans, la réglementation le permettant, les industries chimiques sur les bords du Rhin rejetaient sans états d’âme des produits dans le fleuve. Aujourd’hui, les ouvriers considéreraient cela comme inconcevable d’un point de vue tant environnemental que moral », indique Jacques Kheliff, directeur du développement durable du groupe chimique Rhodia.

LA MONTÉE DES RISQUES LÉGAUX

Il est de plus en plus difficile de polluer un coin de France sans être dérangé par une association de riverains ou un gang de défenseurs de la nature. Début février, la société Arkema a été mise à l’index par France Nature Environnement (FNE) lors de la présentation d’une enquête sur la pollution au mercure émanant de l’industrie française. Malgré une certification 14001 (management environnemental), son site isérois de Jarrie, qui produit du chlore et des produits dérivés, ne respecte pas les normes. Sollicités, ses dirigeants n’ont pas donné suite et ont été attaqués en justice par l’ONG. Une initiative qui confine à la routine. « FNE a déjà intenté 1 200 actions en justice, dont 99 % concernaient des entreprises », précise Arnaud Gossement, porte-parole de l’association et avocat au cabinet Huglo Lepage.

Le recours au juge se banalise parmi les défenseurs de la nature. Il n’est pas rare de voir une association locale se battre jusqu’au bout pour obtenir le respect de la législation environnementale. Bientôt, aucune entreprise ne pourra plus y échapper. « Le Grenelle de l’environnement va soumettre les PME à des obligations nouvelles et étendre les obligations légales aux sociétés mères », précise l’avocate Bettina Laville, chargée par Jean-Louis Borloo de la restitution du débat public du Grenelle de l’environnement. « Les poursuites pénales en matière d’environnement vont augmenter », poursuit-elle. Et d’indiquer que la Cour de cassation accueille favorablement la pénalisation du droit à l’environnement.

LA HAUSSE PLANIFIÉE DU PRIX DU CARBONE

En 2007, 1,4 milliard de tonnes de carbone ont fait l’objet de transactions entre industriels européens. Pour un montant de 22 milliards d’euros. En quelques années, l’Europe est devenue le premier marché de permis d’émission au monde. Un succès à confirmer pour Benoît Leguet, spécialiste du sujet à la Caisse des dépôts. « Entre 2008 et 2012, le nombre de droits à émettre sera diminué de 10 %. Même si la crise dure un moment, il est intéressant pour les industriels de préparer l’avenir en investissant dans la réduction de leurs émissions de dioxyde de carbone (CO2). » Géré par l’administration communautaire et porté par l’engagement des chefs d’État de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport à 1990, l’échange de quotas en Europe signe la fin de la gratuité du carbone pour les industriels. À partir de 2013, d’autres gaz à effet de serre devraient être inclus dans ce système.

Situé entre 1 et 20 euros ces dernières années, le cours de la tonne de CO2 devrait atteindre 100 euros en 2030 pour respecter les objectifs de l’Union européenne, d’après le Centre d’analyse stratégique. De quoi alimenter les craintes d’une fuite des industriels vers des pays plus accueillants envers les pollueurs. À moins que les États-Unis et l’Asie n’adoptent le même système à l’avenir.

LE RECYCLAGE DES PRODUITS

Des portes d’ascenseurs volées en pleine nuit. Des plaques d’égout qui disparaissent. L’envolée des cours des matières premières a inspiré les délinquants en 2008. La demande des pays émergents pousse à la hausse les prix de tous les métaux de base. Pour faire face, l’Europe développe le recyclage : 50 % de la matière première des aciéries provient de ferraille recyclée. De même pour 43 % de la production de verre. La filière électronique, elle, doit encore s’organiser.

Autre solution, l’écoconception. La démarche consiste à minimiser les impacts environnementaux d’un produit dès sa conception. Objectif : diminuer la consommation de matières premières, en substituer d’autres et optimiser la fin de vie des produits. L’obligation faite aux constructeurs automobiles d’atteindre 95 % de masse valorisable pour tous leurs nouveaux modèles a ainsi révolutionné les méthodes de conception chez Renault. De 1996 à 2005, le groupe a réduit ses déchets dangereux de 66 % par véhicule et sa consommation d’eau de 50 %.

« À terme, il y a là une source de création d’emplois de services, car l’achat de produits neufs n’est pas toujours justifié », explique Élisabeth Rocha, coordinatrice du rapport « Visions à trente ans d’une France engagée dans le développement durable », présenté par le Bipe. Pourquoi ne pas imaginer des produits modulables, dont les pièces seraient facilement remplaçables pour intégrer les innovations et faciliter les réparations ? Ou la location ou le leasing, permettant de renouveler des produits sans en avoir la propriété ? « Les industriels récupéreront la matière première. Elle vaudra cher dans quelques années », assure Béatrice Bellini, spécialiste de l’environnement dans la stratégie des entreprises. Michelin propose déjà un « service pneu » pour l’entretien et le remplacement des pneumatiques des flottes d’entreprises.

UN PÉTROLE DE PLUS EN PLUS CHER

Le prix du litre d’essence fait le Yo-Yo, mais les spécialistes anticipent une forte hausse sur le long terme. Dès la fin de la crise, la demande mondiale repartira et les capacités de production ne pourront suivre. « Si rien n’est fait pour diminuer nos besoins, le prix du baril pourrait bien atteindre 200 euros à l’horizon 2025 », anticipe Jean Bergougnoux, président du groupe de travail sur les ressources rares, l’un des huit groupes participant à l’élaboration du diagnostic « France 2025 ». Dans ces conditions, les pays consommateurs doivent reprendre la chasse au gaspi afin de limiter l’augmentation du prix du baril de façon qu’il se fixe autour de 100 euros.

L’impact sur les entreprises sera bien évidemment fonction de leur activité. « Pour nombre de produits, comme les téléphones portables, les impacts environnementaux liés au transport sont minimes par rapport à ceux concernant toute la vie du produit », explique Béatrice Bellini. L’incitation à relocaliser la production en Europe sera donc faible. À l’inverse, les effets sur le textile pourraient être spectaculaires. Produire un jean ou un manteau plus près des consommateurs aura du sens lorsque les prix du pétrole crèveront le plafond. Tout le secteur du transport devrait également en être chamboulé, selon Jean Bergougnoux. « Si le transport par train et péniche se développe, il faudra revoir l’optimisation des stocks et la politique du flux tendu. »

Plus généralement, les entreprises pourraient suivre l’exemple d’Eau de Paris, dont la présidente, Anne Le Strat, a réduit le parc de berlines et investi dans des véhicules au GPL. « Les gains économiques sur l’entretien, l’assurance et l’essence nous permettent de rembourser intégralement l’abonnement en transport et à Vélib pour tous les salariés », indique-t-elle. Quand écologie et économie tirent dans le même sens…

684 000 emplois

C’est le nombre de créations nettes d’ici à 2020 si la France suit une politique d’économie d’énergie et de développement des énergies renouvelables permettant de réduire les émissions de CO2 de 30 %.

Source : WWF.

6,2 tonnes

Ce sont les émissions de CO2 par habitant en France en 2005.

Source : Eurostat/CAS.

La voiture partagée, c’est l’avenir

Pétrole cher, embouteillages, pollution, gaz à effet de serre… Le XXIe siècle sera celui de la voiture partagée. Demain, trois types de solutions s’offriront aux entreprises.

Le covoiturage

C’est la solution classique promue par les plans de déplacement d’entreprise (PDE). STMicroelectronics, PSA, Hôpitaux de Marseille, Ikea, ADP… Les initiatives sont légion. Avec des résultats inégaux.

Freins :« Si on atteint 10 % de covoiturage au bout d’un an, c’est excellent. Car les freins sont nombreux. On touche à la liberté du salarié, à son environnement privé, voire à sa sécurité », explique Arnaud Sarfati, fondateur de Green Cove, qui aide les entreprises à mettre en place un PDE.

Avancées : « On est en plein foisonnement, avec des initiatives d’entreprises, de collectivités territoriales, de zones d’emploi. Dans cinq à dix ans, tous ces sites auront sans doute fusionné pour laisser place à trois ou quatre acteurs globaux », pronostique Valérie Blanchot-Courtois, fondatrice de l’association Agora Energy.

L’auto-partage

En Ile-de-France, une voiture de fonction stationne… 95 % du temps ! Ridicule, dès lors, d’en attribuer une à chacun de ses collaborateurs nomades. Autant les partager, histoire de réduire les coûts et de préserver la planète.

Freins : Pas simple de convaincre les entreprises de sauter le pas. « Les mentalités évoluent très lentement.

Les dirigeants et les cadres gardent une vision très statutaire de la voiture de fonction », explique Benoît Chatelier, cofondateur de Carbox.

Avancées : Les loueurs s’y mettent, des start-up aussi. Carbox propose aux entreprises des véhicules en partage, mis à disposition dans leurs parkings. Un marché naissant. Ses sept premiers clients (Danone, Icade, Sodexo, L’Oréal…) ne totalisent que 40 véhicules sous contrat.

La ligne de voitures

Vous cherchez une place dans une auto pour rejoindre votre lieu de travail ? Un SMS vous avertit chaque fois qu’un conducteur « compatible » avec votre trajet passe à proximité.

Freins : Ce concept révolutionnaire, dans lequel les voitures de particuliers remplacent les bus, n’a encore pas été déployé dans l’Hexagone. Seul un test de faisabilité a été réalisé, dans la technopole iséroise d’Inovallée (9 000 salariés).

« On était en mesure de monter deux lignes, avec une trentaine de salariés concernés. Mais le projet a été suspendu car il nécessitait trop d’investissements », note Frédéric Bisson, patron de One Plus One Technologies et pilote de l’opération.

Avancées : D’autres expérimentations pourraient être lancées à Sophia-Antipolis et dans le parc tertiaire Silic de Rungis-Orly.

Auteur

  • Éric Béal