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Enquête

DIF : Bombe ou pétard mouillé ?

Enquête | publié le : 27.04.2010 |

Globalement, les compteurs du Droit individuel à la formation (DIF) sont pleins et le financement de sa portabilité n'est pas assuré. Le « pétard mouillé » du DIF dans les entreprises pourrait devenir une « bombe » dans les Opca.

Le DIF dans votre entreprise, est-ce une bombe financière ou un pétard mouillé ? Le DIF dans votre Opca, risque d'explosion ou certitude d'un long feu ? Aujourd'hui, le pétard mouillé du DIF dans les entreprises pourrait devenir une bombe dans les Opca.

Une certitude : dans de très nombreuses PME et TPE, les compteurs sont pleins. Les salariés connaissent peu ce nouveau droit et les employeurs n'ont pas trop envie d'en faire la promotion. Sauf dans certains secteurs comme, par exemple, les équipementiers automobiles qui ont usé du DIF récemment durant les périodes de chômage technique.

A l'inverse, si l'on en croit Gérald Lefèvre, président du Groupement des acteurs et responsables de formation en entreprise (Garf) : « Des responsables formation du club des 25 plus grandes entreprises adhérentes du Garf assurent que celles-ci ont fait leur possible pour dégonfler au maximum les compteurs DIF. » Mais les exemples de grandes entreprises, comme Manpower ou la SNCF (lire p. 26 et 27), ne vont pas vraiment dans ce sens.

Inquiétudes pour le financement futur

Concernant le financement de ce droit d'initiative, un sondage Demos de mars dernier auprès de 300 sociétés, révélait que 39 % des entreprises interrogées avouent s'inquiéter du financement futur du DIF. On peut penser que ce chiffre est destiné à grossir quand s'accumuleront la hausse (même relative) des demandes des salariés et l'assèchement des fonds de la professionnalisation des Opca qui ont jusqu'à présent largement solvabilisé les demandes de DIF.

Pourtant, l'Agefos-PME constate que son offre d'«assurance DIF», Reshum DIF (voir Entreprise & Carrières n° 878) stagne depuis 2008 : seules 120 entreprises ont opté pour cette formule. Il est vrai qu'elle repose sur un versement libre et complémentaire au-delà de l'obligation légale, et que la crise est passée par là : les entreprises ont eu la tête ailleurs.

Face à cette question financière, certains responsables formation, qui affirment avoir bien pris la mesure de l'enjeu, veulent rester zen. Mais un adhérent du Garf a témoigné de sa très grande surprise, lors d'une réunion d'information, en janvier dernier, face à « l'absence totale d'analyse globale des impacts de la réforme en cours, et notamment des effets du DIF » chez nombre de ses confrères responsables formation. Peuvent-ils alors légitimement s'inquiéter ? Il est vrai que nombre d'employeurs (et même des représentants de fédérations patronales) ont découvert, fin 2009, l'existence des débats sur la ponction de 13 % au profit du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP)...

Toujours pour tenter d'y voir clair, nous avons repris contact avec cinq entreprises (PSA, SNCF, Cims/Affinion, Ad'Missions, Journal officiel) qui, en 2004-2005, avaient été particulièrement proactives sur la gestion du DIF et avaient signé des accords ad hoc avec leurs partenaires sociaux (voir Entreprise & Carrières n° 767 du 7 juin 2005). PSA et Journal officiel n'ont pas souhaité nous répondre, mais on constate chez les trois autres des bilans très variables.

Sujet de friction entre les Opca et le FPSPP

Au final, il apparaît que les compteurs DIF sont encore bien alimentés, et qu'une tension est déjà perceptible sur les fonds professionnalisation : la portabilité du DIF devient un sujet majeur de friction entre les Opca et le FPSPP, les premiers estimant que le deuxième doit la financer sur les fameux 13 %. Les partenaires sociaux nationaux qui pilotent le FPSPP leur ont déjà répondu : sur les 800 millions d'euros de la première convention triannuelle signée avec l'Etat, seuls 20 lui sont a priori destinés. Ça ne les a pas convaincus.

Mais le transfert de charge du DIF des entreprises et de leurs Opca vers les autres Opca et le FPSPP n'est pas souhaitée par le Medef. Le 14 avril dernier, lors d'un débat de Tendance RH, Alain Druelles, négociateur et principale cheville ouvrière du Medef sur la formation, a été interrogé sur le fait de savoir si l'organisation patronale souhaitait que les entreprises s'efforcent de gérer le DIF en interne, ou s'il était préférable qu'elles le laissent filer vers la portabilité inter-Opca. Sa réponse a été claire : « Le Medef souhaite que le DIF reste un outil de dialogue au sein de l'entreprise, c'est le principe de base de 2003, il est toujours valable. Le paradoxe est que beaucoup d'entreprises sont anti-DIF, mais qu'elles en sont très contentes quand il est mis en oeuvre dans leurs murs. Autre paradoxe : les entreprises se plaignent beaucoup dans les sondages, mais pas auprès de leurs fédérations, de leur Opca ni du Medef. »

Au bout du compte, le pire serait que le DIF meurt de non-existence alors que le taux d'accès à la formation ne progresse pas. Ce serait un échec pour ses inventeurs, les partenaires sociaux, et pour les salariés. D'où le désir de certains de rouvrir le débat de la jonction entre le DIF et le plan de formation.

L'essentiel

1 Certaines grandes entreprises ont poussé leurs salariés à consommer leur Droit individuel à la formation (DIF) pour éviter le cumul, mais dans les PME et TPE les compteurs sont pleins.

2 La tension sur les fonds des Opca risque d'être double : demandes de financement du DIF en entreprise, appels à financement du DIF portable après sortie de l'entreprise.

3 Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) a prévenu qu'il ne financera pas tout.