La question du travail du dimanche a récemment défrayé la chronique sociale. Dans ce deuxième roman*, Sylvain Rossignol anime remarquablement le débat en mettant en scène les salariées d'un supermarché dans leur travail quotidien, leur direction et un consommateur. Quel est l'enjeu ? Pour l'enseigne, la réponse est simple : il s'agit d'arrondir son chiffre d'affaires en décidant d'ouvrir un dimanche 24 décembre, veille de Noël. Pour les salariés ? L'enjeu est, en fait, plus compliqué et la question des quelques dizaines d'euros supplémentaires qu'elles pourraient gagner en travaillant le jour du réveillon masque le débat.

L'art de l'auteur consiste à ouvrir la boîte de Pandore du travail flexible. Accepter de travailler le dimanche, c'est non seulement accepter de faire passer sa vie de famille après les intérêts économiques, c'est, plus profondément, pour les caissières d'un supermarché de Tours, accepter d'être taillables et corvéables à merci. C'est-à-dire d'être les esclaves consentantes du système qui les exploite. C'est donc non seulement le statut du travail aliéné que l'auteur remet en cause, mais bel et bien celui du travailleur - ou, ici, plutôt celui des travailleuses : des filles que l'on tutoie et pour lesquelles la direction et ses sbires n'ont que peu de respect.

Au rang des héros qui tirent l'histoire : une caissière forte tête, qui peut prendre de la distance avec sa tâche parce qu'elle a fait quelques études avant de devoir travailler en hypermarché pour élever sa petite fille, et une poissonnière syndiquée qui, conformément à la réputation de la profession, n'a pas sa langue dans sa poche. Deux nouvelles figures de la geste du roman social.