Le travail reste une valeur forte dans la vie des Français et un vecteur de socialisation essentiel. Travailler, c'est non seulement participer à un collectif, c'est avoir également une utilité sociale. A ce titre, peu de nos concitoyens envisagent de ne pas travailler, et être privé d'emploi est non seulement un problème économique, mais aussi un problème identitaire.
Pourtant, il se passe peu de semaines sans que les souffrances au travail ne défraient la chronique. Ce paradoxe n'est pas qu'apparent, il correspond à l'émergence de tensions nouvelles dans la sphère professionnelle, liées aux mutations technologiques et organisationnelles. Le monde du travail est en pleine recomposition et l'opposition entre travail des riches et travail des pauvres, notamment, se durcit, tout comme les oppositions entre petites et grandes entreprises, travailleurs qualifiés et non qualifiés, emplois stables et précaires, etc. Une constante semble cependant traverser le monde du travail contemporain : l'injonction contradictoire, faite à tous, d'être autonomes tout en se soumettant toujours à davantage de contraintes. A la lumière de cette nouvelle donne, Michel Lallement, sociologue, se demande si l'accent mis ces dernières années sur l'emploi ne contribue pas à abîmer le travail. Il est, pour lui, grand temps de repenser le travail des catégories professionnelles qui ne seraient plus celles de la société industrielle des XIXe et XXe siècles.
Michel Lallement est professeur titulaire de la chaire d'analyse sociologique du travail et de l'emploi au Cnam.
